«Maintenant, on a un problème.» Sur la bande, cet employé de Donald Trump n'a pas la voix très assurée. L'homme comprend que les fichiers qu'ils sont en train de passer en revue, ce jour de juillet 2021, abritent un certain nombre de bombes à retardement pour le 45e président des Etats-Unis. Cet enregistrement audio, la chaîne CNN a décidé de le dévoiler, lundi soir, sur toutes ses antennes.
Une séquence capturée lors d'une réunion dans son club de golf à Bedminster, dans le New Jersey. Dans la pièce, avec Donald Trump, l'auteur des futures mémoires de Mark Meadows (son ancien chef de cabinet), un éditeur et deux membres du staff. Comment et pourquoi la chaîne américaine a-t-elle obtenu l'enregistrement? Mystère.
Une chose est certaine, ce qu'on y entend vient méchamment pourrir la principale stratégie de défense des avocats de Trump, à savoir que le milliardaire ignorait que cette paperasse entassée chez lui, à Mar-a-Lago, était classée secret défense.
Une telle déclaration? Sur bandes? Cela semble trop facile pour être vrai. Et pourtant, Donald Trump et les 37 chefs d'accusation qui pèsent sur ses épaules se retrouvent bel et bien à devoir se dépatouiller avec une preuve explosive. L'extrait, qui dure à peine deux minutes, démarre d'ailleurs par une exclamation très trumpienne: «Ce sont des malades!» .
Au coeur de cette discussion, un document secret du Pentagone, qui semble contenir des plans de frappes contre l'Iran. «Voici les documents, c'est hautement confidentiel», dit-il alors, comme pour enrichir des déclarations qu'il aurait faites plus tôt, mais ne figurant pas sur l'enregistrement.
Un peu de contexte. A l'époque, Donald Trump était particulièrement furax contre un article du New Yorker, évoquant un livre à paraître de Mark Milley, son président de l'état-major interarmées. Le général affirme notamment qu'il s'était opposé à un «projet d'attaque contre l'Iran». Selon lui, Trump était susceptible de «déclencher un conflit à grande échelle». Allant même jusqu'à craindre que cette décision devienne le «Reichtag de Trump», comme Adolf Hitler en 1933: «Vous aurez une putain de guerre en agissant comme ça!» Une violente dispute aurait ensuite éclaté entre les deux hommes.
Plusieurs responsables militaires de l'époque avaient déclaré que Milley n'a «jamais voulu frapper l'Iran». En revanche, comme le précisait mardi le Washington Post, il est de coutume que le Pentagone produise des mémos pour offrir plusieurs alternatives d'actions, face à un «adversaire étranger». Sur la bande diffusée par CNN, on entend notamment l'ex-président se justifier comme il peut, avec le fameux document dans les mains, qu'il chiffonne tout en parlant:
Toujours sur cet enregistrement, Trump et les deux membres de son staff évoquent ensuite la fameuse affaire des e-mails privés d'Hillary Clinton, durant la campagne présidentielle de 2016. Le ton est moqueur:
Trump éclate de rire avant d'enfoncer le clou en hurlant: «bah, elle les envoyait à Weiner!».
Pour rappel, c'est une enquête du FBI sur les «sextos» du démocrate Anthony Weiner qui fut à l'origine de la réouverture du dossier des e-mails de la candidate, onze petits jours seulement avant l'élection.
L'enregistrement se termine par un moment futile, mais fidèle à ce que l'on connaît désormais de Donald Trump. Après quelques échanges sur l'aspect «incroyable» des documents en question, l'ex-président marque une pause et s'adresse à l'un de ses employés:
La réaction du camp Trump ne s'est pas fait attendre. Alors que son porte-parole de campagne, Steven Cheung, affirme que la «bande audio se déroule dans un contexte qui, une fois de plus, prouve que le président Trump n'a rien fait de mal», le principal intéressé a lâché les chiens, à sa manière: «Le procureur spécial Jack Smith, ce taré, travaillant en collaboration avec les démocrates et le FBI, a illégalement enregistré et divulgué tout cela.»
Une preuve sonore qui tombe bien mal puisque, la semaine dernière, le candidat Trump avait juré sur Fox News qu'il n'y avait «rien à déclassifier». Que les cartons, entassés du grenier aux toilettes de Mar-a-Lago, ne comportaient que «des coupures de presse et des magazines».
On rappelle enfin que le milliardaire a plaidé non coupable. Dernièrement, la juge qui supervise ce procès historique a fixé le coup d'envoi au 14 août prochain. Connu pour son efficacité, le tribunal du sud de la Floride semble vouloir en finir avec l'accusé Trump avant l'élection présidentielle de novembre 2024.