«Un choc fiscal»: c'est ainsi que les médias parisiens qualifient ce que le nouveau premier ministre français a annoncé mardi 1er octobre dans son discours de politique générale devant l'Assemblée nationale. Selon Michel Barnier, les hausses d'impôts sont inévitables pour maîtriser la «dette publique colossale».
Dans sa ligne de mire, la «contribution exceptionnelle sur les hauts revenus» qui existe depuis une bonne dizaine d'années. Selon des sources non officielles, les montants des prélèvements devraient tripler au-delà de 250 000 euros. Il est également prévu d'instaurer un impôt spécial pour les gros groupes du domaine de l'énergie, qui ont réalisé des bénéfices importants en raison de l'augmentation des prix de l'électricité. Selon des informations qui restent à confirmer, le gouvernement a enfin l'intention de rehausser l'«écotaxe» sur les billets d'avion, en vigueur depuis 2010. Elle s'élève aujourd'hui en moyenne à cinq euros par passager en classe Economy.
Ces recettes supplémentaires devraient rapporter au total quinze milliards d'euros dans les caisses de l'Etat. Elles doivent encore passer par l'Assemblée nationale, où le gouvernement ne dispose pas de la majorité. Elles ont néanmoins reçu l'approbation de la quasi totalité des partis.
Le premier ministre conservateur a ensuite déclaré que des coupes massives dans les dépenses publiques étaient indispensables - sans les chiffrer précisément. Cette nécessité ne fait aucun doute: avec plus de 3200 milliards d'euros, la France affiche la dette publique nominale la plus élevée de l'Union européenne. Le seul paiement des intérêts coûte cette année 52 milliards à l'Etat. Il s'agit du deuxième poste après celui de l'éducation; et même avant celui de la défense.
Certaines agences de notation avaient déjà dégradé la note de la France en juin. Mais depuis, le déficit budgétaire a continué de grimper pour atteindre environ 6%. L'UE a engagé une procédure pour déficit excessif contre Paris. Michel Barnier entend toutefois repousser les délais. Il a expliqué au parlement que l'objectif de 3% ne sera pas atteint en 2027 comme promis, mais seulement en 2029.
Les mesures annoncées par le nouveau dirigeant font débat. L'aile droite libérale, du parti de Macron Renaissance y voit une rupture avec l'ensemble de la politique économique de l'actuel président. En réduisant les impôts, et en instaurant notamment une flat tax sur les gains sur les capitaux, le président avait engrangé des succès; le chômage a baissé, les investissements étrangers ont augmenté.
Mais faire rimer hausses d'impôts avec la fin de la Macronie n'est pas tout à fait correct pour autant. Les baisses d'impôts ne sont en effet pas arrivées seules, elles se sont aussi soldées par une hausse massive des dépenses publiques: environ 1000 milliards d'euros, soit près d'un tiers de la dette publique actuelle, sont à mettre au compte de Macron depuis 2017. Des économistes mesurés avaient prévenu depuis la période du Covid qu'on ne pouvait pas, à terme, continuer ainsi. En ce sens, les hausses d'impôts aujourd'hui envisagées ne sont que la conséquence de la politique économique trop expansionniste de Macron.
Sur le plan politique, le nouveau gouvernement n'est pas mieux loti. En l'absence de majorité absolue à l'Assemblée nationale, Michel Barnier a préféré renoncer au traditionnel vote de confiance à l'issue de son intervention. Le NFP a l'intention de déposer prochainement une motion de censure; pour l'instant, elle n'aurait toutefois aucune chance sans les voix du Rassemblement national (RN), de droite.
On écarte pour l'instant un risque de renversement du gouvernement. Une loi plus polarisante que l'augmentation des impôts - comme par exemple sur le thème de l'immigration - exposerait en revanche immédiatement le septuagénaire à une motion de censure. Et doucherait ses chances de survie politique. Il lui faudra donc examiner attentivement chaque projet de loi pour savoir s'il est susceptible de recueillir une majorité. Pris en tenaille entre la droite et la gauche, le gouvernement français n'osera pas tenter de grands coups. Emmanuel Macron peut continuer à se tourner les pouces dans son rôle de fier réformateur.
(Traduit de l'allemand par Valentine Zenker)