Le week-end dernier, la fringante reine de 96 ans affichait encore une forme insolente. C'est du moins ce qu'affirme le révérend Greenshields, l'un de ses ultimes visiteurs au château écossais de Balmoral. Après avoir partagé un dîner samedi et une balade dimanche passés, l'ecclésiastique décrit au Times une «visite fantastique».
Bref, tout va bien sous le soleil (ou la brume) d'Ecosse.
Du côté du bon peuple britannique, la semaine s'ouvre de manière quasiment normale. Normalité perturbée par quelques soubresauts politiques.
14 heures. Le Royaume-Uni a une nouvelle première ministre: Liz Truss remporte les faveurs de plus de 140 000 membres du Parti conservateur et s'apprête à prendre les rênes de Downing Street, à la suite de Boris Johnson.
Comme le veut la coutume, c'est à la reine qu'il incombe de démettre de ses fonctions l'ancien tenancier du titre et d'accueillir son, enfin sa, successeur. Un acte formel d'importance symbolique qui prend normalement place au palais de Buckingham. Depuis 70 ans, sur quinze premiers ministres introduits par la reine, on compte seulement deux exceptions à la règle immuable: le premier (Winston Churchill en 1952) et la dernière (Liz Truss en 2022).
Les problèmes de santé et de mobilité de Sa Majesté bousculant le calendrier, il est prévu de longue date que la passation de pouvoir se tienne en Ecosse plutôt qu'à Londres. Liz Truss et Boris Johnshon effectueront l'aller-retour de 1600 km en jets privés séparés.
Du côté de la presse, pas trop d'inquiétudes: cela fait des semaines que la Reine est confortablement établie dans sa résidence d'été écossaise de Balmoral, bien qu'on murmure qu'elle pourrait ne plus jamais reposer un orteil en Angleterre.
Si certains quotidiens, comme le Daily express, s'interrogent sur des questions plutôt... métaphoriques (à savoir: «Pourquoi la reine porte-t-elle toujours des gants?»). D'autres, comme le Sydney morning herald se montrent un peu plus pragmatiques, avec des considérations sur les conséquences concrètes de la météo sur cet évènement historique:
Fin de matinée. Après un discours à la nation, Boris Johnson s'envole pour l'Ecosse pour une ultime révérence devant la reine, dans les bureaux feutrés et bien chauffés de Balmoral.
Midi. Un message de Buckingham Palace indique sobrement que la «reine a reçu en audience la très honorable députée Elizabeth Truss aujourd'hui et lui a demandé de former une nouvelle administration. Mrs Truss a accepté l'offre de Sa Majesté».
Bien que souriante, la première apparition d'Elizabeth depuis plus d'un mois n'est pas tellement pour rassurer. Le Daily star, ne manque pas de souligner la petite mine de la Reine. Sans compter la main bleutée qu'elle tend à la nouvelle première ministre. Largement de quoi faire bondir les sujets et alimenter les inquiétudes quant à son état de santé. «La reine disparaît sous nos yeux», note pour sa part l'experte de la royauté Daniela Elser.
Tous ne se montrent pas aussi alarmistes. Le Daily express par exemple, consacre le jour même un sujet sur les pratiques alimentaires et les aliments interdits à Buckingham Palace (on place ça ici, mais, en quinze ans, sachez qu'on n'a jamais servi de pizza au Palais et que les cuisiniers évitent soigneusement l'abus d'ail et d'oignons. En revanche, il paraît que la reine était ultra-friande des iconiques fish'n'chips).
Alors que le Daily express continue de nous enchanter avec ses articles gustativo-royaux (cliquez ici pour la recette secrète des shortbreads préférés de la reine), que le magazine People consacre un article à ses meilleurs looks en kilt écossais, et que le site d'infos Goody feed nous raconte l'ouverture d'un café entièrement dédié aux Corgis en Malaisie, l'état de santé de la Reine et les inquiétudes à son sujet vont en empirant.
Mercredi soir, Elizabeth II reporte une réunion virtuelle de hauts conseillers gouvernementaux (connus sous le nom de «Conseil privé»). «Après une journée bien remplie hier, Sa Majesté a accepté cet après-midi le conseil des médecins de se reposer», annonce sobrement Buckingham.
Autrement dit: circulez, il n'y a rien à voir.
9 heures. L'état de la reine se dégrade subitement. Tout bascule. «Les médecins savent alors qu'elle n'a plus que quelques heures à vivre», assure le Sun, quand le Daily mail évoque «un tournant vers le pire tôt le matin».
Midi trente. A Londres, en plein débat parlementaire dans la chambre des Communes, Liz Truss reçoit une note écrite des mains du chancelier de Lancaster. Sur le bout de papier: les inquiétudes des médecins sur l'état de la reine. L'information devient publique dans la foulée. Peu après, le palais de Buckingham relaie la nouvelle au monde entier.
The Queen is under medical supervision at Balmoral after doctors became concerned for her health.
— The Royal Family Channel (@RoyalFamilyITNP) September 8, 2022
Buckingham Palace says family members have been informed about Her Majesty’s medical situation, and are now on their way to Scotland. pic.twitter.com/wVa6KU2fQg
Midi quarante. La BBC interrompt le déroulé habituel de ses programmes pour diffuser le communiqué du Palais et lance une édition spéciale. Le fond devient noir. Les présentateurs sortent les cravates assorties.
Midi quarante-cinq. De son côté, la famille royale se précipite en urgence au château de Balmoral. Charles, fils aîné et accessoirement héritier du trône, habite non loin. Il fait partie des premiers arrivés. Ça tombe bien, sa sœur, la princesse Anne, se trouve également en Ecosse. Elle le rejoint sur place assez rapidement. Le temps presse.
16h30. A Balmoral, Elizabeth pousse son dernier soupir, entourée de Charles et d'Anne. Les deux seuls enfants présents à son chevet, précise le Daily mail. Dehors, le monde retient encore son souffle.
Comme le veut le protocole de l'opération London Bridge, la Première ministre Liz Truss sera la première informée. Son secrétaire d'Wtat au Cabinet, Simon Case lui transmet le célèbre code «London Bridge is down».
17 heures. Les princes Andrew et Edward, les deux plus jeunes fils de la reine, ainsi que son petit-fils, le prince William, atterrissent à Aberdeen. Trop tard. De son côté, le prince Harry, exceptionnellement en Europe pour un évènement caritatif à Londres, grimpe dans un avion. Ni Meghan, ni Kate, ne sont présentes. La duchesse de Cambridge est restée à Windsor pour s'occuper des trois enfants (George, Charlotte et Louis).
Pendant ce temps, les Britanniques et le monde trépignent. A Londres, on se prépare au pire. Les premiers commencent à affluer à Buckingham Palace, malgré la pluie.
18h25. Tous les enfants et petits-enfants de la famille se trouvent désormais auprès de la reine. L'information est rendue publique mondialement. «Il y a quelques instants, le palais de Buckingham a annoncé le décès de Sa Majesté la reine Elizabeth II», décrète le présentateur de la BBC, la mine sombre, tout de noir vêtu. Les premières notes de l'hymne britannique God save the queen résonnent.
Au même moment, le compte Twitter de la famille royale annonce officiellement la nouvelle.
The Queen died peacefully at Balmoral this afternoon.
— The Royal Family (@RoyalFamily) September 8, 2022
The King and The Queen Consort will remain at Balmoral this evening and will return to London tomorrow. pic.twitter.com/VfxpXro22W
Le prince Charles devient roi dans la foulée, alors que foule rassemblée à Buckingham scande le traditionnel God save the king («Dieu sauve le roi!»).