Faste, solennité et tradition: il n'en fallait pas moins pour célébrer la relance de l'amitié franco-britannique après les turbulences du Brexit ce mercredi. C'est donc un Charles III, très fringuant dans son costume cravate, flanqué de sa tendre épouse Camilla, toute de rose vêtue, qui ont remonté les Champs-Elysées à bord d'une Bentley bordeaux.
Le couple royal a été accueilli en début d'après-midi par le président Emmanuel Macron et son épouse Brigitte à l'Arc de Triomphe.
La Première dame française avait-elle à l'esprit la vieille règle d'usage qui veut qu'on n'embrasse pas la reine sans son autorisation? En tout cas, sa bise sur les joues de Camilla avait l'air légèrement «protocolaire», selon les journalistes de l'AFP. Quant à Emmanuel Macron, après avoir affiché un visage d'abord «fermé et sérieux», il s'est peu à peu détendu, n'hésitant pas à adresser de courtoises tapes dans le dos du monarque. Bloody hell.
Fun fact: l'usage qui prévalait avec Elizabeth II n'est plus tellement d'actualité avec son fils. Si vous croisez le souverain, vous n'aurez même pas besoin de demander son autorisation pour lui serrer la pince. La preuve: après s'être recueilli sur la tombe du Soldat inconnu, et alors que le choeur de l'armée française interprétait les «God save the king» et «la Marseillaise d'usage, les deux hommes d'Etat ont serré quelques mains parmi des invités agitant de petits drapeaux de l'Union Jack.
Le grand public n'a pas été autorisé à approcher de l'Arc de Triomphe. En revanche, Charles et Macron n'ont pas manqué au traditionnel bain-de-foule, en rejoignant l'ambassade britannique de Paris, tout près du palais de l'Elysée.
Après les coucous de rigueur à la foule massée plus bas sur les Champs Elysées, le roi et le président ont ensuite descendu l'avenue à bord d'une DS7 escortée par 136 chevaux de la Garde républicaine.
Direction le palais de l'Elysée, pour un entretien en tête-à-tête. C'est là que les deux hommes ont échangé leurs cadeaux respectifs. Pour Charles, une édition originale et numérotée du roman Les Racines du ciel, de Romain Gary, dont il n'existe que 85 exemplaires dans monde, ainsi qu'une médaille en or pour célébrer son accession au trône et l’amitié franco-britannique. Pour Macron, une édition originale d'une œuvre de Voltaire, Lettre sur les Anglais, datant des années 1730.
Enfin, l'après-midi s'est achevé sur une cérémonie de replantage d'un chêne offert par Emmanuel Macron au roi, connu pour son engagement en faveur de l'écologie.
Vous n'avez sans doute pas oublié que ce «date» de haut rang était déjà prévu en mars, avait dû être annulé à la dernière minute sur fond de violentes manifestations en France contre la réforme des retraites. Un camouflet pour le président français, alors que le voyage de Charles aurait dû être sa première visite à l'étranger en tant que roi. C'est finalement l'Allemagne qui avait eu cet honneur.
Six mois plus tard, le calme est revenu et l'heure est de nouveau à «l'Entente cordiale», dont les 120 ans seront célébrés en avril. En mars dernier, Emmanuel Macron et le Premier ministre Rishi Sunak avaient tourné la page de plusieurs années de brouilles sur le Brexit, la pêche et les migrants.
Charles III, qui entend désormais asseoir son image à l'international entamera jeudi la partie la plus politique de sa visite avec un discours à la tribune du Sénat français. Une première pour un souverain britannique. Il mettra aussi en avant un sujet qui lui tient à coeur, l'environnement, lors d'une table ronde au Museum national d'histoire naturelle. Vendredi, le couple royal se rendra à Bordeaux, dans une région durement frappée par les incendies en 2022 et qui compte de nombreux résidents britanniques.
En attendant, le prochain temps fort de la visite est imminent: un dîner d'Etat dans la célèbre Galerie des Glaces, ce soir, à Versailles. Le symbole de la monarchie absolue du «Roi-Soleil» Louis XIV.
Un clin d'oeil à Elizabeth II, qui fut invitée à déjeuner dans le même décor somptueux en 1957, puis en 1972. Mais aussi, un moyen pour Emmanuel Macron de s'inscrire dans les pas du général de Gaulle, qui avait fait du château une véritable carte de visite diplomatique, et envoie un signal fort au Royaume-uni. Que ce soit en 1957, un an après la crise du Canal de Suez, en 1972 lors de l'entrée du Royaume-uni dans la Communauté économique européenne (CEE) ou en 2023, «à chaque fois qu'on a voulu marquer une relation privilégiée avec l'Angleterre, il y a eu une réception à Versailles», souligne l'historien Fabien Oppermann.
Parmi les autres convives, pour ne citer qu'eux, le chanteur Mick Jagger, les acteurs Hugh Grant, Charlotte Gainsbourg et Emma Mackey, l'écrivain Ken Follett ou encore l'ancien entraîneur français du club de football anglais d'Arsenal, Arsène Wenger. Pas de doute, Charles et Camilla seront bien accompagnés.
(mbr avec ats)