L'Equateur est situé entre la Colombie et le Pérou - les deux plus grands producteurs de cocaïne au monde. Le pays a longtemps été considéré comme un «îlot de paix» dans cette région en proie aux conflits. Mais entre-temps, l'Etat andin s'est enfoncé dans une spirale de violence.
L'arrière-plan est complexe, mais tout tourne autour de la cocaïne.
Le pays sud-américain est devenu ces dernières années une plaque tournante du trafic de drogue mondial et se trouve désormais pris en étau par les différents cartels. Du cartel mexicain Sinaloa à la mafia albanaise, les trafiquants les plus puissants se disputent l'Equateur.
Ce pays andin de 18 millions d'habitants, qui avait autrefois le taux d'homicides le plus bas d'Amérique latine, déplore aujourd'hui entre 10 et 20 homicides par jour.
Les bandes rivales se livrent une lutte pour le pouvoir et l'argent au milieu de la rue. Des fusillades, des enlèvements, des vols et des crimes violents se produisent régulièrement. Les prisons surpeuplées sont devenues des foyers de criminalité. Les rivalités se déroulent derrière les barreaux et donnent souvent lieu à des affrontements violents.
Les élections présidentielles ont eu lieu au milieu de la violence des gangs. Le candidat à la présidence Fernando Villavicencio a déclaré la guerre au trafic de drogue - et a été abattu en pleine rue.
Qu'en est-il de la sécurité du pays deux mois après l'attentat? Et quels espoirs les habitants placent-ils dans le président nouvellement élu Daniel Noboa, fils de l'homme le plus riche du pays? Un entretien avec le journaliste local Geovanny Espinosa.
L'Equateur est en état d'alerte. Comment peut-on se représenter la situation? Qu'est-ce que ça implique?
Geovanny Espinosa: La criminalité a augmenté de manière alarmante au cours des trois dernières années. En conséquence, l'Equateur n'est plus «l'îlot de paix» qu'il était autrefois. Cela est principalement dû à l'arrivée en Equateur de groupes criminels liés au trafic de drogue qui commettent des crimes d'une violence sans précédent dans le pays.
Les gens osent-ils encore sortir de chez eux?
Dans la plupart des villes, les gens continuent à vaquer à leurs occupations habituelles, mais de nombreux magasins ont fermé par crainte de la criminalité. Les boîtes de nuit et les bars ferment également en raison de la baisse de la clientèle due à l'augmentation de la criminalité.
La nuit, les rues sont donc presque désertes?
Les gens essaient de sortir le moins possible et d'éviter les endroits ou les zones dangereuses la nuit. Face à la vague de criminalité, les gens sont devenus plus attentifs, voire craintifs. On ne voit par exemple pas de personnes se promener dans la rue avec leur smartphone.
Est-on encore en sécurité chez soi, entre ses quatre murs?
C'est à la maison que l'on est le plus en sécurité oui, c'est là que l'on peut le mieux se protéger. Les morts violentes ne surviennent généralement pas dans n'importe quelle famille, mais dans celles qui sont impliquées d'une manière ou d'une autre au trafic de drogue. Mais la criminalité générale, comme les cambriolages ou les vols de voitures, a également augmenté - surtout dans les quartiers les plus pauvres.
Comment se présente votre quotidien en ce moment? Pouvez-vous travailler sans restriction?
Je suis communicateur et journaliste et je fais mon travail normalement. Je suis toutefois devenu plus attentif lorsque je marche dans la rue ou monte dans un bus.
La question de savoir s'il faut autoriser la possession d'armes civiles au moment de quitter le domicile a été débattue.
Le gouvernement s'est penché sur une loi qui permettrait aux citoyens de porter des armes, mais ce n'est pas le cas pour le moment. Il appartient au nouveau président d'élaborer des lois visant à protéger les citoyens et à lutter contre la criminalité.
Est-il vrai que les gangs contrôlent désormais le pays et non plus le gouvernement?
Les bandes criminelles ont pris possession des rues, principalement en raison de la gestion médiocre et mal financée du système pénitentiaire et de l'approche hésitante de la police. Autrement dit, il n'y a pas de politique publique de la part du gouvernement pour lutter efficacement contre la criminalité.
Où la situation est-elle la plus grave?
Les zones les plus dangereuses sont les provinces côtières, notamment Esmeraldas, Guayas et Manabí. A Quito, la capitale du pays, la situation est moins préoccupante, mais comme il s'agit d'une grande ville, la criminalité et la violence y ont également augmenté.
Où se déroulent les rivalités entre groupes criminels? Dans la rue? En plein jour?
Dans la rue, dans les prisons, partout et à tout moment.
Des images montrent des morceaux de corps démembrés gisant dans la rue, là où des enfants jouent.
Oui, l'ampleur de la violence est énorme. Les criminels sont prêts à tuer des gens pour un téléphone portable.
Vous ou votre entourage avez déjà vécu des situations dangereuses?
Quelques vols mineurs oui, mais non violents.
Qu'en est-il de la confiance dans la police et la justice?
Le système judiciaire est à terre, les gens n'ont pas confiance dans les autorités judiciaires, car il y a toujours des cas de corruption. Les juges ne sévissent pas et le système judiciaire est inefficace. La police est limitée dans l'usage de la force et des armes et la corruption règne au sein de l'institution. Par conséquent, les gens ont également perdu confiance en la police.
Les médias peuvent-ils rapporter des informations de manière indépendante?
Il y a un bon niveau d'information, bien que le gouvernement et ses institutions n'en fournissent que peu. Les flux d'informations numériques jouent un rôle important à cet égard.
N'est-ce pas ainsi que de nombreuses fakenews circulent?
De nombreuses fakenews circulent, notamment pendant la dernière campagne électorale. Des tentatives ont été faites pour discréditer les politiciens à l'aide de photos et de vidéos créées par l'intelligence artificielle. Mais les faux articles sur les actes de violence des cartels sont rares.
De quoi les gens ont-ils le plus peur?
Les gens ont peur que le gouvernement ne parvienne pas à maîtriser la situation et que des groupes criminels prennent le contrôle total du pays. C'est le plus grand défi pour le nouveau président, Daniel Noboa.
Que pensez-vous du nouveau président? Pensez-vous qu'il sera en mesure de maîtriser les problèmes?
Il est difficile de reprendre le contrôle total, mais Daniel Noboa doit mettre en œuvre d'urgence une stratégie et un plan de sécurité qui permettront de faire reculer la criminalité et de démanteler le trafic de drogue.
(Traduit et adapté par Chiara Lecca)