Des inondations dévastatrices ont coûté la vie à près d'une centaine de personnes dans le sud-est de l'Espagne mardi soir et dans la nuit. De nombreuses personnes restent portées disparues dans des zones difficilement accessibles.
Le dernier bilan provisoire fait état de 92 dans la seule région de Valence, la plus durement frappée. Deux autres décès ont été enregistrés dans la région voisine de Castille-La Manche et un troisième en Andalousie, selon les autorités.
Ce bilan est le plus élevé depuis des inondations qui avaient fait 300 morts en octobre 1973 dans le pays. Et il «va augmenter parce que nous partons du principe qu'il y a de nombreux disparus», a prévenu mercredi soir le ministre de la Politique territoriale Ángel Víctor Torres.
Dans les zones touchées par les intempéries, les habitants ont fait part de leur sidération. «Il n'y a plus rien à sauver (...) J'ai tout perdu en une nuit», a confié à l'AFP Emilio Muñoz, septuagénaire vivant à Utiel, une localité située à l'ouest de Valence dévastée par les trombes d'eau et par la boue.
Dans une brève allocution télévisée, le premier ministre espagnol Pedro Sánchez a apporté son soutien aux familles des victimes et aux sinistrés. «Nous ne vous laisserons pas seuls», a-t-il promis, en demandant aux habitants de rester vigilants.
«Nous ne pouvons pas considérer que cet épisode dévastateur est terminé», a souligné Sánchez. Il y a «des communes inondées, des routes et des voies coupées, des ponts brisés par la violence des eaux», a-t-il rappelé, de nombreuses localités restant inaccessibles.
«La situation est terrible», a assuré à des journalistes la ministre de la Défense Margarita Robles, en précisant qu'un millier de militaires, soutenus par des hélicoptères, se trouvaient sur la zone pour prêter main forte aux services de secours.
Parmi les communes les plus touchées figurent L'Alcudia, dans la région de Valence, et Letur, dans la province voisine d'Albacete (région de Castille-La Manche), où six personnes sont portées disparues, la crue soudaine ayant envahi les rues et emporté des voitures.
«La situation est dantesque (...) Je n'avais jamais vu cela», a déclaré à la TVE Consuelo Tarazona, la maire d'Horno de Alcedo, commune de la banlieue de Valence. La montée des eaux a été «monstrueuse», a-t-elle dit. «Nous avons été inondés tout d'un coup, sans pouvoir prévenir les voisins».
Les autorités ont demandé aux habitants de ne pas se déplacer par la route, tandis que le gouvernement central a mis en place une cellule de crise.
«Il existe encore des difficultés d'accès à certains sites, ce qui fait qu'on ne dispose pas encore de données complètes sur l'impact» des intempéries, a prévenu le roi d'Espagne Felipe VI dans une courte allocution. Le souverain s'est dit «dévasté» dans un message sur X, plus tôt dans la matinée.
La mairie de Valence a annoncé que toutes les écoles resteraient fermées mercredi, de même que les jardins publics, et que tous les événements sportifs étaient annulés.
Douze vols qui devaient atterrir à l'aéroport de Valence ont été détournés vers d'autres villes d'Espagne en raison des fortes pluies et des vents violents, a indiqué l'opérateur aéroportuaire espagnol Aena. Dix autres vols qui devaient partir ou arriver à l'aéroport ont été annulés.
L'opérateur national d'infrastructures ferroviaires Adif avait suspendu mardi soir les trains à grande vitesse entre Madrid et Valence en raison des effets de la tempête sur les principaux points du réseau ferroviaire. Un train à grande vitesse transportant 276 passagers avait d'ailleurs déraillé dans la région méridionale d'Andalousie, mais personne n'avait été blessé.
L'agence météorologique nationale Aemet avait déclaré une alerte rouge dans la région de Valence et le deuxième niveau d'alerte le plus élevé dans certaines parties de l'Andalousie, prévenant que les pluies allaient se poursuivre au moins jusqu'à jeudi.
La région de Valence et la côte méditerranéenne espagnole en général subissent régulièrement, en automne, le phénomène météorologique de la «gota fria» (la «goutte froide»), une dépression isolée en haute altitude qui provoque des pluies soudaines et extrêmement violentes, parfois pendant plusieurs jours.
Les scientifiques avertissent que les phénomènes météorologiques extrêmes tels que les vagues de chaleur et les tempêtes sont à la fois de plus en plus fréquents, de plus en plus longs et de plus en plus intenses en raison du changement climatique.
«Ces inondations soudaines en Espagne sont un nouveau rappel terrible du changement climatique et de son caractère chaotique», souligne dans une note Jess Neumann, professeur d'hydrologie à l'université de Reading au Royaume-Uni. Ces catastrophes peuvent désormais toucher «n'importe qui, n'importe où»: «nous devons sérieusement réfléchir à la façon de mieux concevoir nos paysages, nos villes et nos cités», a-t-il prévenu. (jah/ats)