L'affaire débute en 2016, lorsque l'agence de presse britannique Reuters commence à enquêter sur la vente de membres de corps humains aux Etats-Unis. Une industrie pratiquement non réglementée.
Deux ans plus tard, en 2018, Reuters publie un reportage sur le sujet qui attire l'attention du FBI. Résultat: ce mardi 3 janvier, la propriétaire d'un centre funéraire du Colorado, Megan Hess (46 ans) et sa mère, Shirley Koch (69 ans), ont été condamnées à 20 et 15 ans de prison pour escroquerie de proches de défunts.
Les deux femmes ont disséqué et vendu – sans autorisation – les parties de corps de 560 cadavres.
L'entité de vente, Donor Services, se situait dans le même bâtiment que le centre funéraire Sunset Mesa funeral home, à Montrose. La peine de 20 ans était le maximum autorisé par la loi.
Aux États-Unis, il est illégal de vendre des organes à des fins de transplantation; ils doivent faire l'objet d'un don. Mais la vente de parties du corps, comme par exemple la tête, les bras et la colonne vertébrale (ce que faisait Megan Hess), à des fins de recherche ou d'éducation, n'est pas réglementée par la loi fédérale.
Mère et fille expédiaient également des corps ou des parties de corps testés positifs ou appartenant à des personnes décédées de maladies infectieuses, notamment l'hépatite B et C et le VIH, après avoir certifié aux acheteurs que les dépouilles étaient exemptes de maladies. Ces envois se faisaient par poste ou sur des vols commerciaux, en violation des réglementations du ministère des transports concernant le transport de matières dangereuses, comme le détaille le Département de la justice américain sur son site internet.
Selon les procureurs en charge de l'affaire, le crime principal commis par Megan Hess est l'escroquerie de familles des défunts, en mentant sur les crémations et en disséquant des corps pour les vendre sans autorisation.
Dans son funérarium, la femme facturait aux familles jusqu'à 1000 dollars pour des incinérations qui n'avaient jamais eu lieu. Mais elle offrait aussi à d'autres des incinérations gratuites en échange d'un don de corps. Elle aurait menti, au total, à plus de 200 familles, qui ont reçu, dans des bacs, des cendres mélangées à des restes de différents cadavres.
Quant aux sociétés de formation chirurgicale et autres entreprises ayant acheté les membres, elles ne savaient pas qu'ils avaient été obtenus frauduleusement.
Megan Hess et sa mère ont toutes deux plaidé coupables de fraude, en juillet dernier déjà, comme le rappelle The Guardian.
Le procureur, Tim Neff, a déclaré dans un dossier judiciaire:
Les procureurs ont souligné «la nature macabre» du projet de Megan Hess, et l'ont décrit comme l'une des plus importantes affaires de trafic de corps de l'histoire récente des États-Unis.
Lors de l'audience, ce mardi 3 janvier, la juge de district, Christine M. Arguello, a fait part de ses craintes:
L'avocate de Megan Hess a toutefois défendu sa cliente: «Elle n'est qu'un être humain brisé, dont le comportement peut être attribué à un traumatisme crânien survenu à l'âge de 18 ans.» Shirley Koch en revanche se dit «désolée» et «assume la responsabilité de ses actes».
Les familles des défunts se sont elles aussi exprimées. Erin Smith, par exemple, a déploré: «Notre douce mère, elles l'ont démembrée.» Les deux femmes auraient vendu les épaules, les genoux et les pieds de sa mère pour en tirer profit. «Nous n'avons même pas de nom pour décrire un crime aussi odieux».
L'agent spécial du FBI Leonard Carollo a, quant à lui, affirmé:
La juge Christine M. Arguello a ordonné que Megan Hess et Shirley Koch soient immédiatement envoyées en prison. (ag)