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Poutine a failli réussir à manipuler les élections américaines

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images: getty, montage: watson

Poutine a failli réussir à manipuler les élections américaines

La procédure d'impeachment contre le président américain, menée par les républicains, tourne définitivement à la farce, voire au thriller politique. Et Vladimir Poutine a failli réussir son coup.
25.02.2024, 15:5925.02.2024, 18:14
Philipp Löpfe
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Une fois de plus, le Grand Old Party offre l'occasion de se réjouir: le prétendu témoin à charge dans la procédure d'impeachment contre Joe Biden a été arrêté. Pourquoi? Parce que cet Alexandre Smirnov ne serait rien d'autre qu'un agent présumé au service des services secrets russes. Mais rembobinons un peu.

Depuis que les républicains ont obtenu une très faible majorité à la Chambre des représentants, lors des élections de mi-mandat de 2022, ils n'ont en réalité qu'un seul objectif: destituer le président des Etats-Unis. C'est, en soi, une entreprise inutile, car une condamnation par le Sénat est inimaginable en raison de la majorité démocrate qui y règne. S'ils le savent pertinemment, il s'agit surtout de venger et de minimiser les deux procédures d'impeachment contre Donald Trump.

C'est donc en hurlant que les républicains se sont attelés à cette tâche, en envoyant notamment au front les deux pires haut-parleurs qu'ils pouvaient trouver, à savoir Jim Jordan et James Comer. Avec le soutien de Fox News et des autres médias conservateurs, ils se sont lancés dans la bataille et ont promis de démasquer tout soudain la «Biden crime family».

La base de toute cette campagne de sape était «l'ordinateur portable de l'enfer», celui de Hunter Biden, le fils du président, qu'il avait envoyé en réparation, sans jamais le récupérer. Le réparateur en question, qu'on est en droit de qualifier de louche, a pu accéder au disque dur pour y découvrir d'innombrables e-mails et photos à contenus pornographiques.

Rappelons qu'à cette époque, le fils Biden traversait une grave crise, entre toxicomanie et divorce peu ragoutant. Rappelons aussi que cette famille a une histoire difficile: la maman et la sœur de Hunter sont mortes très tôt dans un accident de la route et son frère aîné, Beau, d'une tumeur au cerveau.

Oui, c'est tragique, mais peu pertinent en politique. Une procédure d'impeachment contre Joe Biden ne pourrait se justifier que si l'on pouvait prouver que le président a participé financièrement aux affaires de son fils.

Et le cas de Burisma pourrait s'y prêter. Cette société de gaz naturel, basée en Ukraine, a fait entrer Hunter Biden dans son conseil d'administration et lui versait 50 000 dollars par mois. Un accord forcément boiteux. Le fiston n'est pas vraiment un spécialiste de l'énergie et, jusqu'à présent, il n'avait trouvé l'Ukraine que sur une carte. Seul son nom lui a permis d'obtenir ce mandat lucratif, car son père était à l'époque vice-président des Etats-Unis.

Hunter a volontiers reconnu cet état de fait, tout en niant que son père en ait eu connaissance ou qu'il en ait profité financièrement. Or, ce serait moralement condamnable et politiquement mortel. Trump et les républicains ont donc tout mis en œuvre pour le prouver.

Dans un premier temps, ils ont envoyé Rudy Giuliani à Kiev, dans l'espoir de récolter des preuves. Au début, la mission semblait prometteuse, puisqu'un clip vidéo a rapidement refait surface, dans lequel on découvre Joe Biden se vanter d'avoir fait virer le procureur général ukrainien de l'époque. Cette vidéo a été présentée comme la preuve ultime de la corruption de la famille Biden, car le procureur en question aurait enquêté sur l'affaire Burisma. Hélas, le type en question était passablement corrompu et Joe Biden avait agi sur ordre de son président et de l'UE.

La mission de l'ancien avocat de Donald Trump s'est donc soldée par un échec.

Mais les républicains ne renonceront pas et, de manière inattendue, ça a semblé porter ses fruits. Un certain Alexandre Smirnov se présentera et déclarera disposer d'un gros sac de preuve qui prouverait que Burisma avait bien versé cinq millions de dollars à Biden (père et fils) afin d'empêcher une enquête du procureur général. Au début, le double national israélo-américain, aujourd'hui âgé de 43 ans, paraissait crédible.

Alexandre Smirnov parle couramment le russe, serait originaire d'Ukraine et il avait, par le passé, donné régulièrement des conseils au FBI, pour lesquels il avait été généreusement rémunéré. On n'en savait pas beaucoup plus sur Smirnov, mais les républicains et Fox News étaient très enthousiastes. Le commentateur d'extrême droite Sean Hannity a mentionné ce témoin «hors de tout soupçon» plus de 80 fois dans ses monologues orientés. Sans oublier que James Comer et Jim Jordan ont fait bruyamment savoir que les déclarations de ce témoin clé seraient la pièce maîtresse de la procédure d'impeachment contre Joe Biden.

Et puis vient l'arrestation pour faux témoignage

L'enthousiasme des républicains était compréhensible. Auparavant, ils avaient déjà fait naufrage avec un autre témoin considéré comme fiable. Ce dernier avait promis de fournir des «preuves» de «transactions douteuses» entre les Biden et la Chine, mais il a disparu de la circulation de manière inattendue. James Comer a alors dû admettre (en toute modestie) qu'une procédure pénale était en cours contre cet homme pour «commerce illégal d'armes» avec la Chine. Cette fois, c'est Alexandre Smirnov qui s'effrite.

Le procureur spécial David Weiss - qui était encore chargé par Trump de suivre le cas de Hunter Biden - l'a fait arrêter la semaine dernière pour «suspicion de faux témoignage». Il s'est avéré que Smirnov entretenait une relation avec les services secrets russes. Outch.

Après ce deuxième camouflet, on aurait pu s'attendre à ce que les républicains et les médias conservateurs fassent acte de contrition et sauvent le peu de crédibilité qu'il leur restait. C'est le contraire qui se produit. Sean Hannity n'a jamais évoqué l'arrestation de son témoin préféré. Jessie Walter, un journaliste qui doit faire oublier Tucker Carlson sur Fox News, se permet même d'avancer la thèse que l'arrestation de Smirnow cache un plan diabolique du président des Etats-Unis. Il faut savoir: Biden est-il sénile ou suffisamment alerte pour faire trébucher les républicains?

Comer et Jordan, de leur côté, semblaient avoir bu des hectolitres d'Ovomaltine. S'ils ne pouvaient pas faire mieux, ils peuvent le faire depuis très longtemps. C'est pourquoi ils ont envisagé, sans se décourager, de faire avancer la procédure de destitution du président. Mais un nouveau revers ne s'est pas fait attendre: James Biden, le frère du président, également accusé de faire partie de la «crime family», a témoigné hier lors d'une audition.

«Joe Biden n'a jamais eu de relations financières directes ou indirectes avec mes affaires. Jamais»
James Biden, frère du président

Mais attention: ne nous vautrons pas dans une jubilation naïve. Le rire provoqué par le nouveau flop embarrassant des républicains pourrait nous rester en travers de la gorge. L'ancien agent du KGB Vladimir Poutine a presque réussi son plus grand coup: si Alexandre Smirnov n'avait pas été démasqué au dernier moment, les services secrets russes auraient cette fois réussi à manipuler les élections américaines de manière décisive. Et ça n'a rien d'une blague.

Traduit et adapté par Fred Valet

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Video: watson
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