L’événement est présenté comme une première, mais les attentes face à cette rencontre restent mesurées. Selon Moscou, Russes et Ukrainiens s’apprêtent à discuter, pour la première fois, de leurs visions respectives quant à la fin du conflit. Lors de cette troisième rencontre de l’année à Istanbul, les deux parties doivent mettre sur la table leurs mémorandums, ceci en vue d’un accord de paix, a indiqué le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov.
Les deux documents de travail seraient toutefois «diamétralement opposés», a-t-il précisé, ajoutant qu’aucun «miracle» diplomatique n’était à attendre. Les experts jugent néanmoins possible l’obtention de petits progrès, comme un nouvel échange de prisonniers.
Pour la première fois en trois ans de guerre, les négociateurs des deux pays s’étaient rencontrés en mai dernier à Istanbul, avant de poursuivre les discussions en juin. Aucun progrès substantiel n’avait alors émergé. A l'approche de cette troisième session, prévue mercredi ou jeudi, les positions demeurent profondément divergentes. Moscou rejette d’emblée toute trêve, ainsi que la proposition de Kiev et d’Ankara, le pays hôte, d’un sommet entre les présidents Vladimir Poutine et Volodymyr Zelensky.
La menace de nouvelles sanctions américaines pourrait faire pression sur le Kremlin, sans pour autant influencer directement les négociations d'Istanbul. Le président Donald Trump a averti qu’il imposerait des mesures supplémentaires si aucun accord n’était trouvé dans un délai de 50 jours, soit d’ici début septembre.
Directeur du think tank berlinois GPPi, Thorsten Benner estime que «c'est malin de la part de Zelensky d’initier cette rencontre». Le chef d’état ukrainien montre ainsi à Trump que son pays est prêt à négocier sérieusement dans le délai imparti, «et ne compte pas attendre passivement dans l’espoir que les Etats-Unis sanctionnent plus durement la Russie par la suite», nous a-t-il expliqué. Selon lui, il ne faut toutefois pas s’attendre à des avancées majeures. Il dit:
Zelensky a annoncé que son objectif à Istanbul serait notamment d’obtenir un nouvel échange de prisonniers, le retour des enfants ukrainiens déportés en Russie, ainsi que la préparation d’un futur sommet de haut niveau entre belligérants. Comme lors des précédentes sessions, la délégation ukrainienne est conduite par le secrétaire du Conseil de sécurité nationale, Roustem Oumierov. Côté russe, c’est Vladimir Medinski, conseiller du Kremlin, qui mène les pourparlers.
Lors de leur dernière rencontre, en juin, les deux camps avaient échangé des mémorandums, des textes précisant les grandes lignes de leurs exigences respectives, sans toutefois véritablement en débattre. Ce point devrait enfin être abordé cette semaine, selon Dmitri Peskov, cité par l’agence Tass.
Le texte russe exigerait notamment la «neutralité» de l’Ukraine, c’est-à-dire l’abandon de toute orientation pro-occidentale, le renoncement à une adhésion à l’Otan, ainsi que l’interdiction de toute présence militaire étrangère sur le territoire ukrainien. Moscou réclame en outre la cession de quatre régions de l’est de l’Ukraine et la reconnaissance de l’annexion de la Crimée.
Kiev, de son côté, rejette toute reconnaissance des conquêtes territoriales russes et refuse toute limitation de ses forces armées. Volodymyr Zelensky exige par ailleurs que Moscou verse des réparations pour les destructions causées par la guerre. Rien ne laisse entrevoir que la délégation russe à Istanbul soit disposée à assouplir les exigences maximalistes dictées par le Kremlin.
Longtemps réticent à sanctionner Moscou, Donald Trump a fixé une échéance à début septembre. Passé ce délai, il menace d’imposer de nouvelles sanctions à la Russie ainsi qu’à ses alliés, au premier rang desquels on trouve la Chine et l’Inde, grands importateurs de pétrole russe. Mais compte tenu des précédents, où plusieurs ultimatums américains sont restés sans suite, rien ne garantit que Washington mettra sa menace à exécution. Le Kremlin, de son côté, a minimisé la portée de cet avertissement.
Traduit de l'allemand par Joel Espi