
Proche de la Chine, la firme Appel subit les pressions du président Donald Trump.Image: watson/keystone
Pourquoi Pékin et la marque à la pomme restent-ils si liés? Le journaliste et auteur Patrick McGee l'explique dans son livre Apple in China.
20.07.2025, 12:1920.07.2025, 12:19
Lorsque Donald Trump a entamé son premier mandat en 2017, les alarmes se sont déclenchées au siège d'Apple à Cupertino, en Californie. Le CEO Tim Cook savait que le nouveau président pouvait lui causer bien plus de problèmes que son homologue chinois, Xi Jinping. Trump n'a pas mâché ses mots, et a déclaré à Cook en face-à-face:
«Tim, si tu ne commences pas à construire des usines dans ce pays, je considérerai mon gouvernement comme un échec économique»
Le coup de pression de Trump a fonctionné
La dernière chose que Cook souhaitait était un conflit ouvert avec le président. Il a donc commencé à l'appeler toutes les six semaines pour le tenir informé des progrès réalisés dans la construction d'une usine Apple aux Etats-Unis.
En novembre 2019, le moment est enfin arrivé. Une usine Apple fabriquant des MacBook Pro a commencé à fonctionner au Texas. Le président est venu en personne pour l'inauguration officielle et a ensuite tweeté, dans son style habituellement modeste:
«Aujourd'hui, j'ai inauguré une importante usine Apple au Texas. Elle va ramener des emplois bien rémunérés en Amérique»

Sous pression, Tim Cook, CEO d'Apple, a cédé à la demande de Donald Trump.Image: keystone
Il n'est pas étonnant que ce tweet soit presque entièrement erroné. L'usine n'appartient pas à Apple, mais à une société sous-traitante nommée Flextronics.
Rapidement, cette usine s'est avérée être un véritable fiasco. Sa productivité était bien loin de pouvoir rivaliser avec celle des sites de production en Chine, donnant lieu à une situation aussi absurde que celle décrite par le journaliste et écrivain américain Patrick McGee:

Patrick McGee.Image: patrick-mcgee.com
«L'ironie de la situation est presque impossible à exagérer. Après plus de dix ans à envoyer ses meilleurs ingénieurs en Chine pour former les employés à produire selon les standards Apple, le siège social de Cupertino a dû faire venir des ingénieurs chinois aux Etats-Unis pour achever le projet.»
Les produits Apple, un haut degré de complexité
Depuis plus de dix ans, Apple avait délaissé la fabrication aux Etats-Unis pour développer systématiquement ses usines en Chine. Avec Foxconn et son CEO Terry Gou, Steve Jobs avait trouvé un partenaire en qui il avait confiance pour garantir la qualité Apple.
Car produire un ordinateur portable ou un iPhone n'a rien à voir avec la fabrication d'un T-shirt ou d'une paire de baskets. Un iPhone se compose d'environ 1000 pièces, qui doivent non seulement être assemblées avec précision, mais aussi respecter les hauts standards esthétiques propres à Apple.

Steve Jobs présente le premier iPhone, en 2007.Image: keystone
«Beaucoup de fournisseurs voyaient Apple comme une reine de beauté: belle à regarder, mais peu recommandable à fréquenter»
Patrick McGee
Apple est loin d'être un partenaire facile. Pourtant, avec Terry Gou, Jobs avait trouvé un partenaire idéal. Ce dernier avait compris que, aussi difficile et exigeante que soit la collaboration, elle en valait la peine.
Il ne s'agissait pas de profit. Apple paie plutôt mal. C'était une tout autre motivation, que McGee décrit ainsi:
«L'accord explicite, que l'on peut appeler le Apple Squeeze, consistait à ce que des équipes d'ingénieurs Apple forment rigoureusement leurs partenaires locaux en leur transmettant leur savoir-faire en fabrication, notamment comment allier les plus hauts standards de qualité à l'efficacité. En retour, les fournisseurs locaux acceptaient de travailler avec des marges bénéficiaires exorbitantes.»
De très gros investissements en Chine
Si Apple est si avare avec ses fournisseurs, en revanche, ses investissements dans la formation des Chinois sont très généreux. Rien qu'en 2015, Cupertino (le siège social californien) a investi 55 milliards de dollars en Chine, devenant une sorte d'université populaire géante au cœur de l'Empire du Milieu. McGee explique:
«Il faut voir les investissements d'Apple comme un programme gouvernemental»
«La Chine ne disposait pas encore des talents ni de l'expertise nécessaires pour fabriquer les produits imaginés par Jony Ive (réd: le célèbre designer d'Apple) dans son laboratoire. Mais les ingénieurs recrutés fraîchement diplômés du MIT, de Caltech ou de Stanford, ou débauchés chez Tesla, Dell et Motorola, ont peu à peu permis de combler ce retard.»

Terry Gou, fondateur de Foxconn.Image: EPA/EPA
Même si Apple externalisait la production, l'entreprise ne perdait pas le contrôle. Les machines restaient la propriété de Cupertino et ne pouvaient être utilisées que pour fabriquer des produits Apple.
Un partenariat extrêmement profitable
L'accord a profité aux deux parties. Apple est devenu l'entreprise la plus précieuse au monde. La Chine, quant à elle, a acquis grâce à Apple un immense avantage en savoir-faire industriel.
De plus, des clusters de fournisseurs se sont développés, capables de livrer en quelques heures, ce qui prendrait des mois ailleurs. McGee livre son analyse:
«Aujourd'hui, la Chine a atteint un niveau de sophistication que même les experts ont du mal à saisir»
«Un profane pourrait penser que Foxconn peut simplement ouvrir des usines dans un autre pays, mais les usines de Foxconn en Chine sont entourées de centaines de sous-traitants capables d'exécuter une nouvelle commande à tout moment.»

Ouverture d'un Apple Store à Mumbai. Image: keystone
Un pivot vers l'Inde qui laisse dubitatif
Pour atténuer sa dépendance politique délicate vis-à-vis de la Chine, Foxconn est en train de s'implanter en Inde. Une usine est actuellement en construction à Devanahalli pour plus de 2,5 milliards de dollars: elle devrait employer à terme 40 000 ouvriers et produire environ 30% de tous les iPhones. Toutefois, ils sont encore loin derrière les Chinois. Comme l'écrit le New York Times:
«Les sceptiques dénigrent le succès de l'Inde en le qualifiant de simple "travail de vissage" et regrettent que peu des pièces de valeur y soient fabriquées.»
McGee reste lui aussi sceptique:
«Apple souhaite bien rendre l'Inde pleinement opérationnelle, mais cela prendra au moins cinq à dix ans, si cela arrive un jour»
Trump repart à la charge
Lors de son second mandat, Trump a de nouveau fortement accru la pression sur Apple. Bien qu'il ait temporairement suspendu les taxes punitives sur les importations d'iPhones en provenance de Chine, il maintient son projet de rapatrier la production des iPhones aux Etats-Unis.
Comme en 2019, il devra probablement se contenter de quelques succès symboliques. La relation entre Apple et la Chine reste indissociable. McGee explique pourquoi:
«La relation entre Apple et la Chine peut être politiquement délicate, mais leurs liens économiques sont devenus indestructibles»
«Aucun autre pays n'est même proche de pouvoir offrir une telle combinaison de qualité, quantité et flexibilité nécessaire pour produire chaque année près d'un demi-milliard de ces produits de luxe.»
Traduit et adapté par Noëline Flippe
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