Crac, crise cardiaque. A 71 ans. En Floride. Là où l’humidité prolifère à la même vitesse que le pognon, le bronzage, les alligators, les gratte-ciels, les muscles ou le mouvement MAGA. Hulk Hogan ne pouvait choisir meilleur écrin pour trépasser. Avec sa mort, jeudi, c’est une importante mascotte de l’Amérique balourde, farfelue, récréative, un peu concon et outrancière qui disparaît. Celle que l’on a adoré détester, parfois l’inverse.
Le tif peroxydé, la moustache en guidon de bécane, le minishort à poutre apparente, le bandana ringard et le torse digne d’un carrelage de salle de bains, Terry Eugene Bollea (de son vrai nom) a fait rimer carrure et caricature tout au long de son étrange carrière, sans la moindre gène et toujours à plein volume.
Peu de sportifs peuvent se vanter d’avoir rentabilisé une compétition à eux tout seuls. Sans cette espèce de Johnny Bravo des rings, la World Wrestling Entertainment (WWE) ne serait pas entrée dans la pop culture comme on donne un solide coup de pied dans une porte. Aussi scénarisé qu’un dîner meurtres & mystères, le catch trimballe cette particularité qui a fait dire à certains: «Ouais, c’est un peu factice, mais ça marche».
Pareil pour Hogan.
Pareil pour Trump, version businessman.
En se montrant pas tout à fait dangereux, suffisamment ridicule et logiquement instable, le «Musclor» télégénique n’a jamais perdu son temps à briller en philosophie de comptoir. Grognements, onomatopées et biceps congestionnés lui ont toujours suffi pour être compris, suivi, adulé, moqué, rentable et populaire.
Flanqué des couleurs rouge et jaune des produits américains gourmands, bon marché et accessibles (de McDonald’s à Chupa Chups), le catcheur le plus célèbre au monde parlait peu, mais nous laissait peu d’autres choix que de l’entendre.
Douze fois champion du monde d’un sport en toc, Hulk Hogan a pourtant toujours préféré jouer le rôle du gentil malabar. Plus volontiers clown qu’athlète, peu pris au sérieux par les fans hardcore de catch, l’armoire à glace adulée par le vice-président JD Vance a bâti son image et sa fortune sur le petit et le grand écran, déjà conscient du pouvoir sournois de la télé-réalité.
Fondre le vrai dans le faux, huiler la plaque de choc’ et divertir les familles, sur MTV ou dans les nanars géniaux d’antan (de Rocky III à Gremlins 2), le fonds de commerce d’Hogan s’incarnait plus volontiers dans des poupées à son effigie que dans une paire d’haltères.
La preuve, dans les années 2000, Hogan sera intronisé dans le Hall of Fame par Sylvester Stallone himself dans et fera la promotion d’un jeu vidéo de karaoké. Puis, entre deux tentatives de retour sur le ring, notre Donald Trump bodybuildé va entamer une lente descente aux enfers, bardée de mauvaises décisions, de frasques (une sextape avec la femme d’un pote) et de propos plus que problématiques.
Il y a dix ans, alors que sa fille lui présentait son nouveau petit copain, Hulk a postillonné des insultes racistes, le tout, filmé par une caméra. Comme le rappelle Le Monde, «le catcheur y explique qu’à ce compte, il préférerait qu’elle épouse un Noir de 2,40 mètres ayant 100 millions de dollars de fortune comme un joueur de basket».
Viré de la fédération et montré du doigt par une bonne partie de l’Amérique démocrate, le personnage va rebondir en face, chez les républicains de la nouvelle génération: les trumpistes. Hulk connaissait très bien l’actuel président, pour avoir notamment fait la promotion de ses hôtels à Atlantic City dans les années 80.
Deux narcissiques inconsistants, attirés par la lumière, quelle qu’elle soit. Après avoir voulu se présenter à la Maison-Blanche, puis tenté de devenir le colistier de Trump en 2015, le catcheur ira prêcher la parole MAGA pour promouvoir le candidat, en faisant ce qu’il sait faire de mieux: arracher son débardeur dans le bruit et la fureur.
Jeudi, à l’annonce de sa mort, Donald et JD ont donc logiquement rendu hommage à ce MAGA. Un «grand ami, fort, solide, intelligent, mais avec un grand cœur». Hulk Hogan restera surtout l’emblème d’une Amérique rigolote et brutale, puérile et sans garde-fou, celle qui permettra lentement à Donald Trump d’étendre son influence.