«Zelensky est un rat qui sue, un comédien devenu oligarque, un persécuteur de chrétiens.» Installé dans son petit studio de télé personnel, le même d'où il promettait de «revenir bientôt», le présentateur le plus puissant (et dangereux?) d'Amérique a tenu parole. Autant dire qu'il n'a pas profité de son retentissant licenciement de Fox News pour poncer son opinion sur le monde, manger du tofu et voter Biden. Tucker Carlson is toujours Tucker Carlson, mais lâché dans la jungle des médias alternatifs. Et ça décoiffe.
Un mois après avoir annoncé qu'il s'engageait désormais à déménager sur Twitter, la star complotiste droguée à l'audience vient de publier le premier épisode de son émission. Sans surprise, celui qui a longtemps ciré les pompes de Donald Trump (de son élection à l'assaut du Capitole) aligne fièrement des contre-vérités et des âneries pendant dix longues minutes. Il saute aussi, et c'est beaucoup plus sournois, sur le flou artistique qui règne depuis l'explosion du barrage de Nova Kakhovka, près de la ville de Kherson.
Laissons-lui tout de même le talent de débouler au meilleur moment. Vingt-quatre heures après la destruction de l'édifice, le Washington Post révélait des informations plutôt gênantes pour l'Ukraine: un général de Volodymyr Zelensky aurait planifié la fameuse attaque de Nord Stream de septembre 2022.
Suffisant pour que Tucker Carlson rappelle sèchement à ses groupies que les télévisions du câble mentent notamment au sujet de l'agression russe. Si la vérité emprunte les escaliers, le mensonge prend toujours l'ascenseur: la Maison-Blanche recueille toujours des informations sur l'incident avant d'être en mesure d'accuser qui que ce soit.
Au delà de l'Ukraine, c'est ensuite un véritable festival qu'il déroule, basé sur les éternels complots qu'une partie de l'alt-right américaine aime se repasser en boucle avant de dormir.
Tucker Carlson s'attaque ensuite au délicat dossier des extraterrestres. Comme à son habitude, il puise dans une vérité qui prend des pincettes, pour nourrir ses grossières obsessions: «Les ovnis existent bel et bien. Et apparemment, la vie extraterrestre aussi. Dans un pays normal, cette nouvelle serait une véritable bombe, l'histoire du millénaire. Mais, dans notre pays, ce n'est pas le cas.»
Chaque sujet est construit de la même manière. D'un fait, Tucker Carlson en fabrique un complot. Et c'est malheureusement d'une efficacité redoutable. En injectant autant de doutes dans l'esprit des internautes, son retour peut être considéré comme inquiétant. Ce premier épisode, diffusé sur Twitter, a récolté plus de 50 millions de vues en quelques heures. Même si Fox News n'a jamais été la dernière chaîne à s'asseoir sur la déontologie, sa structure l'obligeait à contenir (un peu) la bête, avant de la jeter sous les projecteurs.
Désormais, c'est donc sans filtre et sans publicité que Tucker Carlson déroule sa liturgie paranoïaque:
Sans doute un peu effrayé par l'ampleur du phénomène, Elon Musk, comme au moment d'ouvrir maladroitement les vannes pour la candidature de Ron DeStantis, s'est senti contraint de rééquilibrer. Au moins en apparence:
Oui, le patron de Twitter, dix-sept mois avant la présidentielle américaine, semble en chemin pour fomenter ce qu'il exècre: un média.