Tarifs douaniers, tarifs douaniers, tarifs douaniers. L'un des «plus beaux mots du dictionnaire», selon Donald Trump. Une pierre angulaire de sa politique et un élément central de son programme et de sa stratégie économique. L'ingrédient magique que le milliardaire américain estime capable de stimuler la croissance, protéger les emplois et augmenter les recettes fiscales de son pays – mais qui fait sourciller bon nombre d'économistes.
Si de nombreux responsables étrangers ont poussé un bref soupir lundi, en constant que le président fraîchement intronisé n'avait pas inclus les taxes dans sa première salve de décrets présidentiels, leur soulagement a été de courte durée. Plus tard dans la soirée, Donald Trump a confirmé que ses projets en matière de taxe n'avaient pas changé d'un iota.
S'il s'est d'abord contenté de mentionner le Mexique et le Canada lundi, la Chine et l'Union européenne n'étaient pas en reste. «La Chine est un agresseur, mais l’Union européenne est très, très mauvaise envers nous», a-t-il asséné le lendemain, insistant sur le fait que ces tarifs sont «le seul moyen d'obtenir justice».
Déjà au cœur d'une guerre commerciale lors du premier mandat de Donald Trump, la Chine est sur le point de subir la seconde salve. Moins violente, toutefois, que la promesse initiale de Trump durant sa campagne de taxer d'emblée de 60% tous les produits chinois.
Ce mardi, c'est un taux de 10% qu'il a promis d'ajouter aux taxes déjà existantes sur plus de 300 milliards de dollars de produits chinois. Imposées par l'administration Trump en 2017, elles ont été maintenues par son successeur Joe Biden.
Pour Trump, il s'agit désormais de faire pression pour que la Chine régule sa production de fentanyl, une substance chimique largement pointée comme cause de la crise des opioïdes aux Etats-Unis. Pékin, de son côté, n'a pas tardé à réagir, répliquant sèchement que «personne ne sort gagnant d’une guerre commerciale».
Le Canada et le Mexique ne s'en sortent guère mieux. Liant toujours sa décision au fentanyl et à l'immigration illégale, Donald Trump a annoncé sa décision de frapper ses deux voisins avec des droits de douane de 25%. Les conséquences économiques pourraient être profondes, les échanges commerciaux avec ces deux pays représentant plus de 1500 milliards de dollars en 2023.
Alors que des secteurs industriels américains, comme l’automobile, dépendent fortement de ces échanges, les interruptions pourraient entraîner des pertes d’emplois et des hausses de coûts. Sans oublier que le Canada et le Mexique prévoient déjà leurs propres mesures de rétorsion, en ciblant notamment des produits américains iconiques – le jus d'orange de Floride, le whisky du Tennessee ou encore le beurre de cacahuète du Kentucky, cite le New York Times.
Enfin, l'Union européenne se trouve également dans le collimateur de Donald Trump, accusée mardi de «profiter» des Etats-Unis. Les échanges économiques de l'UE avec son partenaire américaine aurait provoqué pour celui-ci un déficit de 131 milliards de dollars en 2023, selon l'administration Trump. «Ils nous traitent très, très mal. Ils vont donc devoir payer des droits de douane. C'est la seule façon de récupérer notre dû. C'est la seule façon d'obtenir justice», a lâché le président mardi.
Les tensions commerciales entre Washington et Bruxelles ne sont pas nouvelles, notamment autour des subventions à Airbus et Boeing. Lors de son premier mandat, le président avait déjà imposé des droits de douane sur l'acier et l'aluminium européens.
C'est depuis le Forum économique de Davos que la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a réagi, mardi, aux menaces, assurant que l'Europe est prête à discuter avec le gouvernement américain, tout en rappelant que Washington était un partenaire commercial majeur.
Ces mesures tarifaires n'auront pas que des conséquences à l'internationale. Elles risquent aussi d'impacter directement les consommateurs et les entreprises américaines. Les économistes estiment qu’un tarif de 25% augmenterait les prix de produits courants, comme les voitures, le pétrole ou les produits agricoles. «Si Trump augmente les droits de douane comme il l'a proposé, l'économie subira probablement une récession peu de temps après», prévient Mark Zandi, économiste en chef chez Moody's, sur CNN.
Par ailleurs, la hausse des prix alimenterait l’inflation et freinerait la croissance économique. Si une poignée de secteurs pourraient bénéficier de la protection douanière, la majorité d'entre eux se trouverait menacée, en particulier les exportateurs étroitement liés au Canada et au Mexique. Des milliers d’emplois seraient sur la touche – tout comme des chaînes d’approvisionnement.
Cependant, si la stratégie tarifaire de Donald Trump commence déjà à tendre les fronts, rien n'est encore fait. Le décret final pour le Mexique et le Canada n'a pas encore été publié, ce qui signifie que des ajustements sur le taux 25% ou la date d'entrée en vigueur du 1er février peuvent encore être apportés. Une dernière inspiration... avant que le bras-de-fer commence.