Régulièrement, le FBI met en garde contre le fait que l'extrémisme de droite est devenu la plus grande menace pour la sécurité intérieure des Etats-Unis. Quand on pense à l'extrémisme de droite, on imagine spontanément des groupes paramilitaires comme les Proud Boys ou les Oath Keepers, on imagine des hommes tatoués jusqu'au bout du nez, qui s'habillent en pseudo-équipement de combat, s'entourent d'AR-15 semi-automatiques et brandissent parfois des emblèmes nazis.
Ce n'est pas complètement faux, mais c'est un peu court. Le principal groupe de pression actuel de l'extrême droite aux Etats-Unis est principalement composé de femmes. Celles-ci se décrivent comme des «Joyful Warriors», de joyeuses guerrières qui ne se battent pas dans la rue avec des membres de l'Antifa, mais qui veillent, au sein des autorités scolaires, à ce que les enfants ne soient pas confrontés à la critical race theory (CRT) à l'homosexualité ou même aux thèmes transgenres.
Nous parlons des Moms for Liberty, une organisation qui n'a qu'environ deux ans, mais qui compte déjà plus de 100 000 membres dans 45 Etats, qui est ardemment courtisée par Donald Trump, Ron DeSantis, Nikki Haley et d'autres candidats à la présidence, et qui connaît probablement de puissants donateurs en arrière-plan. Mais reprenons les choses dans l'ordre.
Moms for Liberty est un sous-produit de la pandémie. L'organisation a été fondée en 2021 dans le comté de Brevard, dans l'Etat de Floride. La raison en était la fermeture des écoles par crainte du Covid, une mesure qui a suscité une forte opposition, surtout chez les conservateurs. Les deux fondatrices s'appellent Tina Descovich et Tiffany Justice. Toutes deux voulaient être élues au conseil scolaire local, toutes deux ont perdu contre des candidates progressistes, toutes deux sont convaincues que les parents n'ont pas assez leur mot à dire sur les matières enseignées à leurs enfants. Elles se sont donc tournées vers Marie Rogerson, une militante républicaine.
Tina Descovich et Tiffany Justice avaient découvert le nerf de la guerre. La guerre culturelle dans les écoles est devenue un thème central de la politique américaine. Protéger les enfants contre le CRT et contre les thèmes de l'homosexualité et de la transidentité est devenu entre-temps aussi important que la lutte contre le communisme pendant la guerre froide.
Les joyeuses guerrières ont donc choisi les autorités scolaires et les bibliothèques comme champ de bataille. Elles veillent à ce que les enseignants progressistes soient renvoyés et à ce que les livres prétendument pornographiques soient retirés. Elles s'intègrent ainsi parfaitement dans la lutte contre la prétendue folie «woke». Comme le FBI a commencé à les examiner de plus près, elles peuvent aussi se présenter comme des victimes d'un Etat profond infiltré par les socialistes.
Entre-temps, les Moms for Liberty sont devenues une organisation puissante. Lorsque les principales représentantes se sont récemment réunies pour une convention à Philadelphie, pas moins de cinq candidats à la présidence du Grand Old Party (GOP) ont dansé: Donald Trump, Ron DeSantis, mais aussi Nikki Haley, Tim Scott et Vivek Ramaswamy. Pourtant, il y a environ un mois, l'organisation a été classée par le Southern poverty law center (SPLC), une organisation de défense des droits de l'homme, comme un «groupe extrémiste», un groupe qui diffuse de la haine et des messages contre l'intégration.
Cette classification a été motivée par une citation d'Hitler sur le site web de l'organisation, citation qui avait un sens d'approbation. «Celui qui a la jeunesse a l'avenir», avait déclaré le Führer dans un discours en 1938. Depuis, la citation a été supprimée. Les mamans s'en sont excusées.
Les Moms for Liberty sont comparées à d'autres puissants groupes de pression du passé, comme la Moral Majority, le Tea Party ou la John Birch Society.
Bien que l'on ne sache pas qui finance l'organisation, les mamans ne semblent pas connaître de soucis financiers. Déjà dans leur déclaration fiscale de 2021, elles font état de dons à hauteur de 370 000 dollars, un montant qui devrait avoir encore nettement augmenté.
Les Moms for Liberty s'inscrivent parfaitement dans l'esprit du temps. Des penseurs conservateurs comme Friedrich Hayek ou des hommes politiques comme Ronald Reagan se sont un jour engagés en premier lieu pour des marchés libres et des valeurs libérales dans la société. Les conservateurs modernes, en revanche, veulent faire tourner la roue du temps à l'envers.
Dans une critique de trois livres de représentants de la nouvelle droite parue dans Foreign affairs, Charles King constate ainsi que ces derniers se détournent depuis peu des acquis du siècle des Lumières pour se tourner vers des formes de société plus anciennes, voire mythiques. Selon King, ils veulent revenir à une époque où «la nature, la communauté et le divin formaient une unité invisible».
(Traduit et adapté par Chiara Lecca)