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Robert Kennedy Jr., le complotiste, vise la Maison-Blanche

Robert Kennedy Jr., le complotiste, vise la Maison-Blanche. En course pour la Maison-Blanche, le démocrate doit son succès à ses propos antisémites et anti-vaccin.
Robert F. Kennedy Jr., un complotiste et antivax qui rêve de s'installer dans le Bureau ovale.Getty Images North America

«Cafard» complotiste, le neveu de JFK vise la Maison-Blanche

Robert F. Kennedy Jr. compte bien envoyer Joe Biden en retraite forcée. Or, le démocrate (si, si, démocrate) doit son succès à ses propos polémiques, paranoïaques, antisémites, loufoques et anti-vaccin. Entre autres. Un serial menteur qui fricote avec les conservateurs, séduit les jeunes milliardaires et fait péter les chroniqueurs mondains.
17.07.2023, 18:4422.07.2023, 18:16
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Mercredi soir, Robert F. Kennedy Jr. a dû composer avec deux vieux convives avinés, qui se sont écharpés sur le «canular climatique», dans une bataille de cris et de pets assourdissants.

Oui, littéralement.

D'un côté, Doug Dechert, chroniqueur mondain (dans une autre vie) et organisateur du dîner en l'honneur de la campagne présidentielle du neveu Kennedy. De l'autre, Anthony Haden-Guest, écrivain, reporter et critique d'art, âgé de 86 ans. Deux copains de toujours qui, le temps d'une éructation sur l'avenir de la planète, se sont balancé, insultes aiguisées et vents disgracieux.

«Je m'excuse d'avoir utilisé mes flatulences comme moyen d'expression, mais j'aimerais que ce pet soit décrit comme une fusée sexuelle alimentée par la bière»
Doug Dechert, mercredi soir, à la journaliste de Page six, Mara Siegler.
Robert Kennedy Jr., le complotiste, vise la Maison-Blanche. En course pour la Maison-Blanche, le démocrate doit son succès à ses propos antisémites et anti-vaccin.
Doug Dechert, chroniqueur mondain, mais aussi l'homme qui a pété à côté du neveu Kennedy, mercredi soir dernier.Image: Patrick McMullan

Rien de bien méchant, direz-vous. Personne n'a été (physiquement) blessé, l'assemblée a pouffé dans sa manche et Robert Kennedy Jr. est toujours dans la course à la Maison-Blanche. Mais cette histoire, formidablement racontée par la journaliste de Page six, Mara Siegler, en dit long sur l'odeur peu innocente qui se dégage de ce Kennedy qu'on décrit comme un «cafard», au sein du camp démocrate.

Car deux jours après ce petit festival de pets attablé au restaurant Tony's Di Napoli, dans l'Upper East Side, le NY post dévoilait une histoire autrement plus nauséabonde, tirée... du même repas. RFK Jr., entre deux fourchettes de spaghetti, a notamment affirmé que le Covid-19 est «ethniquement ciblé» pour épargner «certaines races» et «certains peuples», en se basant sur une lecture totalement erronée d'une étude réalisée en 2020.

«Le Covid-19 attaque les Caucasiens et les Noirs. Les personnes les plus immunisées sont les juifs ashkénazes et les Chinois»
Robert F. Kennedy Jr.
Robert Kennedy Jr., le complotiste, vise la Maison-Blanche. En course pour la Maison-Blanche, le démocrate doit son succès à ses propos antisémites et anti-vaccin.
Robert Kennedy Jr., en roue libre sur le Covid-19, entre deux fourchettes de pâtes dans un restaurant new-yorkais.image: twitter

L'oiseau épinglé aura beau tenter de préciser ses pensées, dans la foulée et sur Twitter, le mal est fait. Un mal qu'il s'évertue à nourrir depuis un certain temps déjà, à grandes rasades de propos polémiques, antisémites, racistes, loufoques et paranoïaques. Malgré son profil a priori explosif, Robert Kennedy Jr. flirte déjà avec les 20% d'intentions de vote dans son propre camp. C'est gigantesque pour une candidature sauvage, que le QG des démocrates se refuse toujours à valider et à commenter.

NEW YORK, NEW YORK - JULY 14: (EDITORS NOTE: IMAGE HAS BEEN CONVERTED TO BLACK AND WHITE) Democratic presidential candidate Robert F. Kennedy Jr. visits "Fox & Friends" at Fox News Chann ...
Le démocrate Kennedy, très (très) bien reçu dans l'émission Fox & friends le 14 juillet dernier.Getty Images North America

C'est même pire que ça, puisque Fox news, séduite par ses déclarations passablement conservatrices, n'arrête pas de louer RFK Jr. dans un jeu d'amour-haine gorgé de joie malveillante. Pensez donc: un candidat historiquement de centre-gauche qui empoigne les thèses rabâchées par les moins ragoûtants des républicains, c'est suffisamment rare pour ne pas le laisser s'échapper.

Celui qui affirme que les antidépresseurs sont responsables des tueries de masse dans les écoles est également persuadé (comme beaucoup d'autres) que son oncle JFK a été assassiné par la CIA et que le soutien à l'Ukraine, c'est too much. Bien sûr, il a peu de chances d'asperger le Bureau ovale de ses délires en fin d'année 2024. Néanmoins, son succès médiatique tend à rappeler que les amateurs de théories du complot ne se donnent pas toujours rendez-vous à droite et que certains électeurs démocrates ne seraient pas contre un peu de sang neuf à Washington.

Les vaccins, rampe de lancement du neveu Kennedy

C'est évidemment sa longue et bruyante croisade contre les vaccins et la «politique de santé liberticide» qui lui a offert ses premiers émois électoraux. Récemment, pour illustrer le pouvoir que RFK Jr. a exercé sur une partie de la population américaine, le New York times a raconté l'histoire de Debra Sheldon, 48 ans, historiquement amoureuse du programme politique de Barack Obama... avant de donner naissance à son premier enfant.

Soudain angoissée par l'arrivée du Covid-19 et méfiante des effets secondaires des premiers sérums, cette jeune mère succombera aux mensonges patentés de Kennedy, persuadée qu'il a vraiment «aidé les mamans à s'informer et choisir ce qui était bon pour l'enfant».

Aujourd'hui, elle œuvre bénévolement à l'élection de cet étrange démocrate, ce «candidat franc» qui «a toujours voulu préserver l'âme de l'Amérique».

Il faut avouer qu'il a aussi quelques qualités à afficher. Une dégaine charmante et assurée, un bagout en titane, un réseau plutôt bien ficelé et un nom de famille censé insuffler une certaine dose de confiance. «Mais le mythe Kennedy, c'est une rose qui pousse sur un tas de fumier», disait joliment le romancier Marc Dugain, dans Le Monde, rappelant aussi que le patriarche Joseph Kennedy, antisémite sans gène, «reprochait aux producteurs juifs d'Hollywood d'énerver les Allemands», dans les années 40.

Robert, sous ses airs de doux play-boy de feuilleton des eighties, cache un impressionnant talent pour maîtriser les médias et l'opinion publique. C'est de famille, puisqu'on égratignait déjà JFK pour sa propension à soigner la forme avant le fond. Et qu'importe que le neveu ait été banni des réseaux sociaux durant la pandémie, pour «propos dangereux et mensongers»: les comploteurs irrécupérables, mais aussi les indécis, les extrémistes, les mécontents et les provocateurs de tout poil se sont très vite collés à ses basques.

«Continuez à nous empêcher de parler. Vous verrez, la censure conduit à une plus grande méfiance à l'égard des institutions gouvernementales et des grandes entreprises»
Robert F. Kennedy Jr, durant la pandémie de Covid-19.
Robert Kennedy Jr., le complotiste, vise la Maison-Blanche. En course pour la Maison-Blanche, le démocrate doit son succès à ses propos antisémites et anti-vaccin.
A Berlin, en 2020, une foule d'antivax, mais aussi d'extrémiste de droite et de hippies, avait accueilli Robert F. Kennedy Jr., pour un énième discours fustigeant les différentes mesures et restrictions décidées par les gouvernements occidentaux. Getty Images Europe

Faisant du neveu de JFK le nouveau messie de la «vérité». La même vérité qui a poussé Elon Musk à réhabiliter récemment une cargaison d'extrémistes sur Twitter, au nom du free speech. C'est donc en toute logique que Kennedy Jr. s'était rué, il y a un mois, dans ses bureaux de San Francisco, pour une bonne heure d'interview doucereuse, en direct. Musk n'est d'ailleurs pas le seul roi de la tech à avoir récemment succombé aux charmes du puissant affabulateur.

Le pote des boys de la crypto

Pour n'en citer qu'un, le créateur de Twitter, Jack Dorsey, a non seulement affiché son soutien indéfectible au «cafard» démocrate, mais affirme qu'il va remporter l'élection présidentielle. Beaucoup de boys de la Silicon Valley et de passionnés de cryptomonnaie sont derrière lui.

Certes, il possède lui-même quelque 250 000 dollars en bitcoins et s'est empressé d'en faire un thème de campagne, mais ce qui titille les jeunes milliardaires californiens, c'est avant tout son profil excentrique et à contre-courant. Comme si Robert faisait (un peu) partie de la bande.

«Ceux qui ont réussi dans la tech sont devenus riches en défiant la sagesse conventionnelle. Ce qui les prédispose à croire qu'un tel défi est justifié à tous les niveaux. Le mépris que Kennedy affiche pour les experts, le rend attirant pour la Silicon Valley»
Paul Krugmann, chroniqueur au New York times.

Tonton et papa assassinés

Marié à l'actrice (il faut le dire vite) et joueuse de poker Cheryl Hines depuis dix ans, Robert F. Kennedy Jr., père de six enfants de trois femmes différentes, avait 9 ans quand son oncle a été assassiné. Cinq ans plus tard, son papa mourrait lui aussi d'une balle, alors qu'il s'apprêtait à remporter la primaire démocrate. Junior sera à son chevet, à l'hôpital, lorsqu'il poussera son dernier souffle.

Robert Kennedy Jr., le complotiste, vise la Maison-Blanche. En course pour la Maison-Blanche, le démocrate doit son succès à ses propos antisémites et anti-vaccin.
Le petit Robert Jr., en décembre1965.Image: Bettmann

Deux drames qui drainent, encore aujourd'hui, son lot de controverses, mais qui n'ont pas empêché ce célèbre neveu de traverser brillamment les couloirs et les examens de Harvard. Certes, cet avocat spécialisé dans les causes environnementales a été expulsé de deux internats et pincé ici et là avec du cannabis. Mais même son arrestation pour possession d'héroïne, en 1984, peu après avoir raté le barreau à Manhattan, ne le fera dévier totalement de sa route.

Une route sinueuse et un brin obsessionnelle, qui le fait désormais surfer sur des complots pluriels et la croyance d'un état profond, promulgués notamment par le mouvement QAnon. Son trouble des cordes vocales, qui offre à sa voix un timbre grave, étrange et unique, fait de Robert F. Kennedy Jr. le plus crédible des super-méchants de la campagne présidentielle américaine.

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