Avis de tempête sur la présidentielle américaine. Littéralement. Lundi 15 janvier, l'Iowa va connaître des records de froid, de grosses chutes de neige et un blizzard de tous les diables. Lundi 15 janvier, aussi, cet Etat planté au beau milieu du Midwest déballera son rendez-vous le plus important de l'année: le caucus républicain.
Depuis un demi-siècle, les électeurs de ce vaste coin de pays se rendent aux urnes bien avant leurs voisins. Un premier round et une prise de température majeurs pour Trump, DeSantis, Haley et les autres. Et quelle température! Au plus fort de la journée, le thermomètre affichera jusqu'à -27 degrés. Assez pour refroidir les électeurs les plus courageux de sortir de chez eux.
Cette météo extrême aura le pouvoir de bouleverser les résultats et un caucus qui n'avait jamais subi une telle gifle de dame Nature depuis... la création dudit caucus en 1972, quand les citoyens avaient dû se battre contre une tempête de neige historique. On vous explique pourquoi.
Précisons que les habitants de l'Iowa n'ont pas toute la journée pour exprimer leur voeu politique. Autrement dit, impossible de s'engouffrer dans une école, une église, une bibliothèque ou un bureau de poste avant 19h pétantes (2 heures du matin en Suisse).
Le début d'une endurante nuit électorale, accompagnée du plus féroce blizzard que l'Etat ait connu dans l'histoire récente. Et, comme on est aux Etats-Unis, la météo est évidemment devenue une arme politique. Non seulement le gang de campagne de Donald Trump craint que les températures refroidissent ses chances d'exploser les compteurs, mais les plus frappadingues sautent déjà à pieds joints dans le complot, comme des gamins dans la poudreuse. La neige, le vent et le froid seraient contrôlés par le pouvoir corrompu des démocrates.
Aussi fou que cela puisse paraître, il y a une (infime) part de vérité chez ces complotistes ulcérés. Sans bien sûr l'aide farfelue d'un «Etat profond», la météo serait malgré tout susceptible de rogner le score de Donald Trump. Notons déjà que, depuis 2007 et une étude conjointe de trois grandes universités américaines, la participation générale tend à se dégonfler en cas de météo capricieuse. Si «les électeurs sont habitués à des conditions météorologiques typiques de leur région du pays», un «épisode extrême bouleverse sensiblement leur motivation» à s'exprimer dans les urnes.
Toujours selon cette étude, les démocrates seraient moins courageux et plus frileux que les républicains. On pourrait presque en rire.
Encore plus intéressant, cet autre travail universitaire dévoilé en 2019, qui suggère que la température extérieure modifie nos préférences politiques. Si, si. C'est là que Trump a du souci à se faire, surtout depuis qu'il clame quotidiennement vouloir transformer les Etats-Unis en «dictature».
Autrement dit, les électeurs auront sans doute tendance à vouloir se réfugier dans les valeurs sûres, les candidats qui offrent une assise, du sérieux et une certaine propension à la modération. Quand l'apocalypse fouette les rues, il s'agit de se rassurer. Ce n'est d'ailleurs pas pour rien que l'on décide tous de replonger dans les épisodes de Friends, au mois de novembre.
Et le candidat Trump sait très bien que, pour une fois, son plus grand danger n'est pas Sleepy Joe. Au point qu'en fin de semaine dernière, il a secoué comme jamais ses apôtres les plus pantouflards.
Le milliardaire a raison de se faire du mouron. S'il sort sans aucun doute en tête de ce caucus, le nerf de la guerre se cachera dans les chiffres. Alors qu'il mène les sondages haut la main, une contre-performance pourrait se révéler dramatique pour le moral de ses électeurs. L'homme de 77 ans, embourbé dans les procès, ne tient la barre qu'en brandissant le fait qu'il n'y a aucune alternative républicaine sérieuse à sa réélection. «Si Trump obtient moins de 50% dans l'Iowa, cela signifie qu'il est plus faible que ce que tout le monde prétend», prédit Randall Adkins, politologue à l'Université du Nebraska, à Omaha.
Nombreux sont les observateurs qui, lundi, ne se concentreront d'ailleurs que sur le score des viennent-ensuite. Car si Nikki Haley ou Ron DeSantis font un bon en avant significatif, ils auront les arguments nécessaires pour faire basculer le coeur politique des indécis et des plus modérés. Il s'agira donc de garder la tête froide.
Sans parler de météo, Ron DeSantis et Donald Trump auront un avantage certain en Iowa, puisqu'ils se sont montré les plus endurants sur le terrain (ou la neige?), enchaînant meetings et déplacements depuis plusieurs semaines. Nikki Haley, de son côté, et bien qu'elle ait consolidé sa tonitruante deuxième place dans les derniers sondages du week-end, se concentre sur l'étape du New Hampshire, le 23 janvier prochain. Un rendez-vous beaucoup plus sensible à une politique républicaine modérée.
Mais, pour l'heure, les médias américains n'en ont que pour le blizzard et on les comprend. Les citoyens devront patienter parfois plusieurs heures, de nuit, sur les trottoirs. Et lorsque la température tutoie les -27 degrés, le National Weather Servicedes prévient depuis plusieurs jours que «les engelures peuvent survenir dans les 10 minutes suivant une exposition à l'extérieur». Pour l'anecdote, Donald Trump lui-même a dû annuler deux rassemblements ce week-end, «en raison d'un début d'engelure», nous raconte sans un brin d'ironie, la chaîne CBS News.
Lundi à 19h (heure locale), les électeurs républicains qui n'auront pas froid aux yeux devront quand même se gaffer de ne pas glisser dans la rue, avant de glisser le bulletin dans l'urne.