Charles III, vous, moi et le reste de l'humanité avons un point commun: au moment de choisir les dates de notre prochain week-end à Paris, on ne sait jamais s'il y aura grève.
Manque de bol pour le Roi. Son séjour tombe non seulement sur une nouvelle journée d'action nationale contre la réforme des retraites, mais, surtout, sur une semaine de contestation sociale d'une ampleur et d'une violence inédite. C'est peu dire que le moment est mal choisi pour faire un petit «hello hello» à Emmanuel Macron.
La visite d'Etat du roi Charles III, prévue de dimanche à mercredi, vient donc d'être «reportée». La nouvelle est tombée vendredi midi par l'Elysée.
Prévue depuis des semaines, cette visite d'Etat était à marquer d'une pierre blanche: il devait s'agir du tout premier voyage à l'étranger de Charles en tant que roi d'Angleterre. Un évènement d'autant plus que symbolique que le Britannique, comme feu sa mère la reine Elizabeth, est un véritable francophile et baragouine un français tout à fait acceptable.
Selon le plan de base, Charles et Camilla étaient censés poser leurs valises à Paris ce dimanche matin. Leur séjour parisien prévoyait un passage par l'Arc de Triomphe, un discours aux députés de l'Assemblée nationale et un vernissage au musée d'Orsay.
«Point culminant scintillant» de cette visite, selon le Daily Mail: un somptueux dîner d'Etat en l'honneur du roi au château de Versailles, lundi soir, en présence d'Emmanuel et Brigitte Macron, ainsi que de 200 invités triés sur le volet.
Inclus dans la soirée, tenez-vous bien: un concert dans la Chapelle Royale, et surtout, la vaisselle en porcelaine de Duplessis fabriquées sous le règne de Louis XV. Niveau gustatif, un menu 100% français, mais sans foie gras (Charles, rappelons-le, est fervent défenseur de la cause animale, et il a récemment banni ce met des cuisines des résidences royales).
La tournée du couple royal aurait dû se poursuivre mardi matin par un passage par Bordeaux (en train), afin d'inaugurer le nouveau consulat britannique. L'itinéraire originel comprenait un trajet (en tramway) dans le centre-ville, avant une promenade (à pied) et la visite d'une pâtisserie de cannelés.
Après ces douceurs, un bonjour dans un centre d’aide aux sans-abri pour la reine consort et un arrêt pour Charles à Landiras, au sud, afin d’observer les dégâts provoqués par les incendies de forêt de l’été dernier.
Evidemment, ce séjour bordelais aurait eu un goût d’inachevé s'il ne s'était pas conclu par une dégustation dans un vignoble - biologique, s'il vous plaît.
Compte tenu des émeutes qui secouent tout le pays, c'est peu dire que ce charmant programme à l'odeur de terroir s’avérait périlleux. La première victime de cette agitation devait être le dîner versaillais. On discutait déjà de le déplacer en lieu sûr, au coeur du Palais de l'Elysée.
Le déplacement de Charles III à Bordeaux s'apparentait également au parcours du combattant. Il est «presque certain que le roi ne pourra pas prendre le tram», affirmait déjà mardi Pascal Mesgueni, du syndicat CFTC, à Sud Ouest. Selon lui, il s’agissait d’un «risque énorme» pour le monarque anglais. «Aucun conducteur ne voudra le conduire. Et n’oubliez pas le risque de projectiles. Ça va être bien trop compliqué.»
En tout cas, les syndicats français n'avaient pas prévu d'accueillir le souverain avec des gerbes de fleurs et des macarons.
«Il y aura des initiatives autour de cette visite» royale, a complété jeudi une source au syndicat CGT cheminots à l’AFP. La visite du roi est «dans le viseur» des manifestants.
Les politiciens y sont également allés de leur (dé)conseil. Citons notamment le chef de file des Insoumis, Jean-Luc Mélenchon:
Sans oublier Sandrine Rousseau, qui a réclamé mercredi l’annulation pure et simple de la visite, sur BFMTV:
Voilà une nouvelle qui devrait réjouir l'indétrônable députée écologiste: après un échange téléphonique entre le Président et Charles ce matin, décision a finalement été prise par les gouvernements français et britannique de reporter le séjour royal. Afin, complète l'Elysée, «de pouvoir accueillir Sa Majesté le roi Charles III dans des conditions qui correspondent à notre relation d'amitié».
La présidence française promet déjà une reprogrammation de la visite «dans les meilleurs délais». Pas sûr que cette vague promesse suffise à ne pas replier aussitôt le tapis rouge, acheminé mardi dans la cour du Palais en l'honneur du souverain.