Louis Boyard. Un nom comme «dans le temps». Avec sa moustache du dimanche et ses yeux bleus horizon, une gueule de soldat de la guerre de 14. Blond comme la Vendée, pauvre comme un métayer, hardi comme la jeunesse, il a quitté sa France de l’Ouest, trop blanche, disait-il, trop écrasée de ciel, pour une nouvelle famille, celle des barricades. L'air du grand soir lui semblait plus léger. Cet insoumis des tranchées a trouvé en Mélenchon son général, dans les gueules métissés de banlieue, des camarades. Pour Louis, la vie commençait.
Depuis son coup d’éclat du 10 novembre face à Cyril Hanouna sur le plateau de «Touche pas à mon poste!», copieusement insulté par la taulier, le nombre de portraits qui lui sont consacrés redouble. Ce soir-là, le député de 22 ans, l’un des plus jeunes de l’Assemblée nationale, s’essaie au rôle de tribun – il rêvait et rêve toujours de devenir avocat, rapporte Le Point. Poumons gonflés, menton relevé, cet admirateur de Robespierre, le révolutionnaire de la Terreur, pointe son doigt sur Bolloré, le patron d’Hanouna, qu’il accuse de piller l’Afrique, ce continent riche fait de pauvres, ses frères.
Elu du Val-de-Marne, en banlieue parisienne, Louis Boyard s’est fait un nom d'abord comme leader syndical lycéen, la voie sacrée du militantisme à gauche. Fils d’un cadre cheminot, et d'une maman, anglaise, qui travaille chez Samsung, Louis Boyard a 17 ans lorsqu’il participe à une action de blocage de son lycée pour des problèmes d’amiante.
Il enchaîne les mobilisations, intègre fin 2019 la révolte des gilets jaunes, sa chance, sa guerre. Il s'y blesse, dénonce les violences policières, prend en photo son pied bleui, qu’il dit cassé après qu’il aurait reçu un tir de LBD. Jean-Luc Mélenchon repère ce jeune qui manie si bien l'attaque et la complainte.
Le Covid sera son autre tremplin. Les étudiants font la queue dans la rue pour manger. Du jamais vu en France depuis des décennies. Boyard défend ce prolétariat qui lui ressemble. Hanouna le recrute dans son émission, caisse de résonance de la grogne anti-élite. Les extrêmes de gauche et de droite s’y parlent. Les racistes et les antiracistes s'y donnent presque l'accolade. Hanouna prix Nobel de la paix en France? Il court après cette reconnaissance.
Désormais chroniqueur rétribué à TPMP, Louis Boyard mouille la chemise: il raconte en direct avoir vendu de la drogue pour payer ses études (de droit, abandonnées lorsqu’il prendra son écharpe de député). Sa «révélation» fait le buzz. Bonne recrue, Boyard. Comme à ses camarades Guiraud, Corbière et Garrido, futurs élus de la France insoumise à l’Assemblée nationale, la vitrine TPMP lui aura certainement profité. Hanouna le lui rappellera avec morgue le 10 novembre.
Lors de la séance d’ouverture de la nouvelle Assemblée nationale, le 28 juin dernier, Louis Boyard, à présent élu de la République, refuse de serrer la main de ses collègues Rassemblement national. «Geste barrière contre l’extrême droite», ironise-t-il.
Comme il est seul, lors de sa conférence de presse post-10 novembre, lorsqu'il annonce le dépôt d’une plainte contre Cyril Hanouna sans en préciser les motifs, et fustige la mainmise des «milliardaires» sur les médias. Ni Guiraud, ni Corbière, ni Garrido, ses anciens complices de punchlines sur TPMP, ne sont là pour l’entourer. Un bide? Généralement, seuls des temps troublés donnent leur chance à de tels personnages.