Nous avons assisté à une scène d'une rare violence, jeudi soir, sur le plateau de «Touche pas à mon poste». Non pas que l'agressivité brute soit particulièrement rare sur le ring télévisuel du caïd Hanouna (les violences y sont même tous les soirs exposées sans détours). Hier soir, un animateur a dépassé les bornes en injuriant un député de la Nupes. Le verbe dégueulasse et la gestuelle brutale et menaçante, Cyril Hanouna a traité un élu de la République française comme un moins que rien.
Comment en sommes-nous arrivés là? Louis Boyard était invité sur le plateau pour évoquer le sort du navire humanitaire Ocean Viking. Sujet ô combien sensible, puisqu'au cœur de l'affaire de racisme à l'Assemblée nationale la semaine dernière et principal caillou dans la chaussure diplomatique entre l'Italie de Meloni et la France de Macron.
Mais c'est au moment où le député Nupes a choisi de dévier du sujet que le ton est monté. Profitant certainement des deux millions de téléspectateurs pendus aux lèvres du leader incontesté de l'audience salissante, Louis Boyard s'est permis un commentaire salé sur Vincent Bolloré, à la tête du groupe Canal+ dont la chaîne C8 fait partie, et donc grand patron d'Hanouna.
Cyril Hanouna explose littéralement de rage. Comme jamais. Démarre alors les insultes, les coups dans le foie, les menaces froides et les règlements de compte personnels. «Député? Redescends de trois étages Louis Boyard, tu es député, mais tu étais chroniqueur ici. Arrête de te la raconter! Espèce d’abruti. Si t’es député, c'est grâce à nous.» Louis Boyard arrache son micro et se lève. Les colères des deux hommes ne sont plus qu'à quelques centimètres l'une de l'autre. Les chroniqueurs regardent leurs pompes et tout le monde redoute le premier poing qui terminera sa course dans une mâchoire.
C'est même d'une intolérable gravité. Jeudi soir, nous n'avons pas somnolé passivement devant un énième échange stérile entre un animateur grossier et une influenceuse qui vend ses pets dans des bocaux. Certes, Louis Boyard a mangé un temps dans la main de celui qu'il égratigne. Il a participé à cette foire de bas étage en qualité de chroniqueur. Cyril Hanouna, lui aussi vautré dans un mélange des genres proprement importun, s'est servi de son influence économique démesurée pour écraser, piétiner, insulter, injurier, humilier, sans honte et en direct, un élu de la Nation.
Certes, le rapport de force est biaisé, mais l'extrême gauche s'y est embourbée toute seule. Face à Hanouna, c'est finalement la stratégie toxique de la Nupes in corpore qui s'est matérialisée dans cette opportunité empoignée par le jeune député. Une extrême gauche trop souvent mal représentée, qui s'approprie volontairement les codes du populisme poubelle, gavant la bête qu'elle dénonce et sabotant le débat démocratique jusque dans les hémicycles. Une culture du clash dans laquelle Sandrine Rousseau (pour ne citer qu'elle) excelle…
Alors que la France insoumise a annoncé avoir saisi l'Autorité publique française de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom), l'extrême gauche devrait plutôt saisir l'opportunité de se remettre sérieusement en question. Car la séquence insoutenable de jeudi soir ressemble (ou devrait enfin ressembler) à un point historique de non-retour.