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Le Royaume-Uni a des problèmes et ça doit nous servir de leçon

Ce que la Suisse et l’Europe doivent apprendre du chaos budgétaire britannique.
Ce que la Suisse et l’Europe doivent apprendre du chaos budgétaire britannique.Image: shutterstock
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Le Royaume-Uni est en galère financière et ça doit nous servir de leçon

Le marché des capitaux contraint Londres à une hausse générale des impôts. Il s'agit d'une mesure inévitable, mais qui tombe tout sauf à pic. Tous les gouvernements européens devraient en tirer des leçons.
21.11.2025, 16:5221.11.2025, 16:52
Daniel Zulauf / ch media

L'état d'urgence règne au Royaume-Uni: une semaine avant que la chancelière, Rachel Reeves ne se prête au rituel de la valise rouge pour présenter le nouveau budget au parlement, une augmentation des impôts est dans l'air.

Début novembre, lors d'une conférence de presse improvisée, la ministre des Finances avait envisagé des «décisions difficiles» à prendre. Les Britanniques ont immédiatement compris qu'ils devaient s'attendre à des hausses d'impôts. Ils savent pertinemment qu'un déficit public galopant reste à combler. Le gouvernement travailliste, extrêmement impopulaire, tente tout pour éviter ce qui ferait définitivement chuter sa popularité. Au risque que ça fonctionne.

Britain's Chancellor of the Exchequer Rachel Reeves takes journalists' questions after delivering a speech in the media briefing room of 9 Downing Street, London, Tuesday Nov. 4, 2025. (Just ...
Rachel Reeves.Keystone

Les médias britanniques ont annoncé avant le week-end que Reeves souhaitait renoncer à une hausse générale et se contenter d'abaisser le seuil de revenu à partir duquel la progressivité fiscale s'applique. L'économie nationale croît plus vite que prévu, offrant une certaine marge de manœuvre au gouvernement.

Un marché des capitaux impitoyable

Mais le marché des capitaux a réagi sans pitié: vendredi, les rendements des obligations d'Etat («Gilts») ont grimpé en flèche. En effet, selon les créanciers – sévères –, l'Etat ne peut réduire son déficit dans les délais impartis qu'en augmentant les impôts. Le raisonnement des investisseurs est simple et d'une logique implacable: si la dette s'alourdit, le risque augmente et il faut le compenser par des taux d'intérêt plus élevés.

Rachel Reeves et le premier ministre, Keir Starmer avaient effrayé les créanciers dès cet été avec un spectacle embarrassant. Lors de la séance hebdomadaire de questions au parlement, le travailliste avait curieusement éludé la question d'un député sur l'avenir politique de la chancelière de l'Echiquier (ministre des Finances), au lieu de confirmer sa position.

La ministre a fondu en larmes devant les caméras et le marché des capitaux a immédiatement compris: un chef de gouvernement impopulaire veut se débarrasser de sa ministre, plus impopulaire encore à cause de sa politique d'austérité. Le marché des capitaux a réagi aussi vivement que vendredi, empêchant le licenciement de Rachel Reeves. Felix Hüfner, économiste chez UBS explique:

«Le Royaume-Uni applique des règles budgétaires strictes, et le marché veille très attentivement à leur respect»

L'une de ces règles exige que le gouvernement comble son déficit budgétaire en cinq ans. Starmer et Reeves ont déjà laissé passer deux années, sans rien faire. Il leur en reste trois pour éliminer le déficit annuel, qui atteint près de 5% pour l'heure. «Je ne vois pas comment cela serait possible sans augmenter les impôts», déclare le spécialiste, reflétant ainsi l'opinion majoritaire des investisseurs sur le marché des capitaux.

Avec une dette publique qui représente actuellement environ 95% du PIB annuel, le Royaume-Uni est toutefois loin d'être le pays le plus endetté d'Europe. Elle ne souffre pas principalement du niveau de sa dette, mais plutôt de la dynamique de son endettement. Dans les pays fortement endettés, comme l'Italie ou la Grèce, cette dynamique semble pour le moment sous contrôle. La dette n'y augmente plus qu'en raison du poids élevé des intérêts.

La France, «too big to fail»

Il en va autrement en France. Depuis des décennies, la deuxième économie du Vieux Continent dépense plus d'argent qu'elle n'en perçoit. La réforme des retraites, sans cesse reportée, fait des ravages. Felix Hüfner parle d'un «problème de dépenses», que l'Etat devrait en réalité résoudre en les réduisant. Une mission qui semble néanmoins politiquement impossible.

Il est donc fort probable que les Français soient eux aussi contraints un jour de payer des impôts plus élevés afin de soulager le budget de l'Etat. Des impôts plus élevés plutôt qu'un âge de départ à la retraite plus tardif: la politique française se frotte à des décisions pas plus faciles que celles du gouvernement britannique. Avec environ 115% de taux d'endettement public et un déficit estimé à 5,5% pour 2025, l'urgence serait encore plus grande dans l'Hexagone que sur l'île.

Mais pour la France, les règles budgétaires ne semblent s'appliquer que sur le papier. Au niveau national, elles font depuis longtemps les frais des tiraillements politiques entre la gauche et la droite. Et au niveau européen, elles ne sont tout simplement pas appliquées. Rien n'indique toutefois que les marchés brideront Paris autant que Londres.

«Too big to fail», la France demeure un pilier du système euro. Elle et ses créanciers savent que lorsqu'il s'agit de financer la dette, on n'est jamais complètement seul. Il y a treize ans, la Banque centrale européenne et son président d'alors, Mario Draghi, avait promis de tout mettre en œuvre (réd: la fameuse formule «whatever it takes») pour assurer la pérennité de la monnaie unique. Cette promesse reste plus valable que jamais. Elle garantit une solidarité particulière entre les états européens les plus endettés, à laquelle la petite Grèce n'avait pas eu droit à l'époque.

Aucun changement de comportement ne se profile, car la discipline budgétaire ne rapporte pas grand-chose sur le plan politique. A l'inverse, la négligence peut coûter très cher, lorsque les hausses d'impôts deviennent le dernier recours. Elles réduisent le pouvoir d'achat, freinent la croissance et diminuent les chances de réélection de tout gouvernement.

Nécessité plus tôt que vertu

Dans une Europe vieillissante, de moins en moins de pays peuvent se permettre une croissance faible et une dette croissante. Partout, il faudrait des «though choices», et vite. Les Britanniques doivent s'y soumettre, car ils ne peuvent plus échapper au diktat du marché des capitaux.

Tous les gouvernements devraient retenir la leçon. Et particulièrement ceux des petits pays, comme la Suisse. Pourtant, à Berne, certains milieux politiques aiment croire que la discipline budgétaire est devenue une fin en soi. En réalité, la parcimonie helvétique n'est pas une vertu, mais une nécessité qui doit prévaloir au moins aussi longtemps que le pays souhaite conserver sa monnaie.

(Traduit de l'allemand par Valentine Zenker)

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