«Plus d'un million» de manifestants contre l'austérité en France
La CGT, l'une des deux principales centrales syndicales, dit avoir comptabilisé «plus d'un million de personnes» à travers la France. Sa patronne Sophie Binet a affirmé que la journée est «un succès». Ce chiffre est supérieur à celui de la dernière grande mobilisation contre la réforme des retraites, en juin 2023, qui avait réuni 900.000 personnes selon ce même syndicat.
Les autorités ont, elles, fait état de plus de 500'000 manifestants dans le pays, dont 55'000 à Paris, lors d'un défilé qui a donné lieu à quelques heurts en fin de journée. Dans la matinée, un groupe de manifestants s'est introduit dans l'enceinte du ministère de l'Economie et des Finances, qui a fait état d'«un 'happening' d'une vingtaine de minutes, sans heurt ni dégradation».
Tensions
C'est la deuxième journée de mobilisation en huit jours en France, toujours dans l'attente d'un gouvernement après la nomination de son troisième Premier ministre en à peine plus d'un an. Le 10 septembre, une journée baptisée «Bloquons tout» et lancée sur les réseaux sociaux avait mobilisé 200'000 personnes selon les autorités.
Outre Paris, quelques défilés ont aussi été émaillés d'incidents, notamment à Nantes et Lyon. Au total, selon le ministère de l'Intérieur, 181 personnes avaient été interpellées à 18h00 par l'important dispositif (80'000 forces de l'ordre) déployé dans le pays.
Onze membres des forces de l'ordre et onze autres personnes, dont un journaliste, ont été blessés dans les incidents qui ont émaillé les cortèges.
«De pire en pire»
Cette journée d'action intervient dix jours après la nomination de Sébastien Lecornu, confronté au même défi que son prédécesseur François Bayrou: proposer un budget permettant d'assainir les comptes publics de la nation, dont la dette atteint 114% du PIB.
La mobilisation s'oppose aux mesures budgétaires (coupes dans les services publics, réforme de l'assurance-chômage, gel des prestations sociales...) envisagées dans un plan d'économies de 44 milliards d'euros défendu par M. Bayrou. Et qui ont valu à son gouvernement d'être renversé par les députés le 8 septembre.
«Quand on voit combien les plus riches peuvent se gaver sur notre dos et (qu')on demande encore plus aux classes populaires de se serrer la ceinture, au bout d'un moment, ce n'est plus possible», confie Paul, technicien de 29 ans rencontré dans le cortège parisien, qui n'a pas voulu donner son nom de famille.
Même dépit à Lyon, chez Bruno Cavelier, 64 ans. «Je suis pessimiste: quel que soit le gouvernement, c'est la même chose», dit ce plombier chauffagiste à la retraite. «Rien n'a changé, c'est de pire en pire même. Chaque jour les plus riches s'enrichissent, les pauvres s'appauvrissent».
Transports perturbés à Paris
Sur le terrain, la situation était perturbée notamment dans les transports parisiens, avec une circulation restreinte aux heures de pointe, mais relativement fluide sur le reste du territoire.
Peu de perturbations ont en revanche été annoncées en Suisse. Dans le trafic ferroviaire, seuls quatre TGV ont été supprimés (deux Paris-Genève, un Genève-Paris et un Lausanne-Paris), indique sur son site internet la société TGV Lyria.
Au niveau du trafic aérien, 25 mouvements (départs et arrivées confondus) ont été signalées à l'aéroport de Bâle-Muhlouse, situé en territoire français. En revanche, aucune annulation n'avait été annoncée à Genève et Zurich.
«C'est lui le chaos»
Le ministère de l'Education nationale a par ailleurs fait état de 17% d'enseignants grévistes jeudi, soit environ un sur six. Des blocages partiels ou fermes de quelques dizaines de lycées ont été enregistrés.
Les pharmaciens se sont également mobilisés pour dénoncer la réduction des remises commerciales sur les médicaments génériques. Selon le syndicat de pharmaciens FSPF, environ 18'000 officines sont fermées sur 20'000.
Sébastien Lecornu – troisième Premier ministre d'Emmanuel Macron depuis qu'il a dissous l'Assemblée nationale en juin 2024, le cinquième depuis sa réélection en 2022 – a promis des «ruptures» sur le fond et la forme, mais sans rien dévoiler. Il a entamé une série de consultations avant de composer un gouvernement et présenter son programme, en vue de boucler dès que possible un projet de budget.
Le chef de file de la gauche radicale Jean-Luc Mélenchon, présent dans la manifestation de Marseille a réclamé à nouveau le départ d'Emmanuel Macron: «le président, c'est lui le chaos, et tout ce qu'il y a eu en ce moment est le résultat de son action à lui, pas la mienne», a-t-il déclaré. (sda/ats/afp)