Les cours ont repris mardi 12 décembre au collège Jacques-Cartier d’Issou, une localité des Yvelines, en région parisienne. L’école était restée fermée vendredi et lundi après que le personnel enseignant eut exercé son «droit de retrait». La raison? La peur de revivre un scénario à la Samuel Paty. Ce professeur d’histoire-géographie, qui exerçait également dans un collège des Yvelines, avait été décapité le 16 octobre 2020 par un islamiste radicalisé d’origine tchétchène, pour avoir montré à ses élèves des caricatures de Charlie Hebdo représentant le prophète Mahomet dans le cadre d’un cours sur la liberté d’expression.
Que s’est-il passé à Issou? Jeudi, dans un cours de sensibilisation à l’art, la démarche faisant écho à des textes étudiés en classe, une professeure de français montre à sa classe de sixième (11-12 ans) un tableau du XVIIe siècle de Giuseppe Cesari, Diane et Actéon, représentant cinq femmes dénudées.
C’est alors que «plusieurs élèves ont détourné le regard, offusqués. Ils ont expliqué que les cinq femmes nues représentées sur cette toile étaient contraires à leurs convictions religieuses», rapporte BFMTV sur son site.
Le cours terminé, des rumeurs fusent:
Un parent d’élève va jusqu’à envoyer un courriel au directeur du collège, accusant la professeure de français d'avoir empêché son fils de s'exprimer lors d’une discussion en classe.
Toutes ces rumeurs et allégations visant l’enseignante sont «fausses», assure une représentante syndicale. Les élèves ayant mis en cause leur professeure lui ont présenté des excuses. Mais pour le personnel enseignant du collège Jacques-Cartier, «le mal est fait».
Cet établissement est l’objet de constantes atteintes à la laïcité. Les professeurs vivent dans l’angoisse. Les fausses rumeurs au sujet du tableau montrant des nus féminins leur rappellent les mensonges propagés par une élève contre Samuel Paty, début de l’engrenage fatal. Et puis, ils ont en tête l’assassinat d’un professeur de collège survenu le 13 octobre à Arras, tué au couteau par un jeune homme d’origine ingouche ayant fait allégeance à l’Etat islamique.
Un enseignant du collège d’Issou le déplore:
Lundi, après avoir rendu visite aux personnels du collège Jacques-Cartier, le ministre de l’Education nationale, Gabriel Attal, a dit que des sanctions disciplinaires seraient prises contre les élèves qui ont cherché à nuire à la professeure de français. Il a, par ailleurs, rappelé quelques principes forts de l’enseignement en lien avec cette affaire:
« À l'École Française,
— Gabriel Attal Actu (@GAttalActu) December 11, 2023
On ne conteste pas l'autorité, on la respecte
On ne conteste pas la laïcité, on la respecte
On ne détourne pas le regard devant un tableau »
— Les mots forts de @GabrielAttal après avoir rencontré les enseignants du Collège Jacques Cartier d'Issou.
© BFM pic.twitter.com/Ul40lwtpFu
Cet épisode donne en quelque sorte raison aux résultats d’un sondage de l’institut IFOP publié le 9 décembre et réalisé à la demande de la chaîne laïque franco-arabe Elmaniya.tv. On y apprend que 78% des Français musulmans jugent la laïcité discriminatoire envers les musulmans, que 72% d’entre eux désapprouvent l’interdiction de l’abaya et du qamis, que 54% souhaitent que les jeunes filles aient le droit de ne pas assister aux cours de natation pour des raisons religieuses, que 50% pensent que les élèves devraient être en droit de refuser d’assister à tous les cours qui «heurteraient leurs convictions religieuses».
Plus inquiétant, selon ce même sondage, 31% des musulmans de plus de 15 ans actuellement en scolarité ne condamnent pas totalement le tueur d’Arras, 7% étant indifférents.
Il faut bien sûr faire la part entre convictions et postures dans ces pourcentages. Mais ils indiquent que, contrairement à l’usage en France, une majorité de musulmans ne conçoit pas la foi en Dieu comme une affaire privée, mais comme une pratique relevant de leur citoyenneté.
Les passions qui agitent la société française n'épargnent donc pas l'école. Le journal Libération rapporte: