Depuis le samedi 8 juillet dernier, mystère. Le petit Emile, qui passait ses vacances chez ses grands-parents maternels, a disparu. Il a échappé à leur vigilance vers 17 heures, dans le hameau du Haut-Vernets. La trace du garçon de deux ans et demi se perd aux alentours de 17 heures 15 devant le lavoir du village. Il y a été aperçu par un témoin, qui explique avoir vu l'enfant remonter le chemin. Problème, un autre témoin «jugé fiable» confirme aux enquêteurs que l'enfant était bel et bien sur cette route, mais qu'il est parti dans la direction opposée, vers la sortie du village. Interrogé à plusieurs reprises, il maintient sa version:
Les chiens de la brigade cynophile confirment la présence du garçonnet devant le lavoir, puis plus rien.
Depuis, c'est le mystère. Malgré des battues sur 97 hectares dans cette région alpine, la fouille des 30 maisons du hameau et l'audition de la famille, des villageois et des vacanciers, rien. Aucune trace du petit Emile.
Quelques jours plus tard, le mercredi 12 juillet, une première piste. Les gendarmes de la section de recherches de Marseille ont découvert des traces de sang sur le parechoc d'un «véhicule suspect» non loin du Haut-Vernet. Des prélèvements sont envoyés en urgence pour analyse aux généticiens de la gendarmerie nationale. La famille, les enquêteurs, le procureur, les curieux, tout le monde retient son souffle. Puis, les résultats tombent: il s'agissait du sang d'un animal. Retour à la case départ.
Le hameau est bouclé, isolé. Les quelque 130 habitants du Haut-Vernet se regardent en chiens de faïence. Dans un coin perdu où «tout le monde se connaît, tout le monde s'apprécie» règne désormais un climat de suspicion. Chacun s'assure d'avoir un alibi, comme le relevait Le Parisien:
Tous les habitants sont auditionnés par la police, certains à plusieurs reprises. Gilles, un habitant du Vernet, a déploré l'atmosphère pesante qu'il ressent désormais entre les habitants de la région:
Pendant ce temps, la famille du petit Emile reste cloîtrée, s'en remet à Dieu et prie religieusement, espérant un miracle. Une attitude qui finit par éveiller des soupçons chez certains voisins, qui n'hésitent plus à les qualifier de «sectaires».
Les parents, Colomban et Marie, finiront par prendre la parole à ce sujet à la fin août sur le site religieux Famille Chrétienne et «répondre à certaines fausses rumeurs circulant à leur sujet dans les médias». Ils déclarent n'avoir «rien à cacher».
À l'inverse de l'ambiance pesante décrite par certains habitants du coin, les parents d'Emile disent avoir ressenti une grande solidarité. Marie et Colomban assurent avoir vu par exemple des cuisiniers d'une colonie de vacances offrir des plats cuisinés et du café aux personnes qui se sont portées volontaires pour aider lors des battues.
Deux mois après la disparition du garçon de deux ans et demi, alors que l'enquête piétine, plusieurs pistes sont évoquées. Notamment celle de l'enlèvement. Dans le village, une voisine assure que le garçonnet n'était pas du tout méfiant.
La thèse de l'enlèvement est régulièrement évoquée le Haut-Vernet, même si aucun élément ne permet pour l'heure de privilégier cette piste. Comment, alors, explique-t-on que les chiens policiers perdent la trace d'Emile devant le lavoir?
Lors de la disparition de l'enfant, ses grands-parents, des oncles et des tantes étaient présents dans la maison. Ils ont tous été longuement interrogés par les enquêteurs. Selon les gendarmes, les investigations se poursuivent, et la thèse du «drame familial» ne serait pas privilégiée.
D'autres pistes ont également été évoquées depuis le 8 juillet dernier. La piste accidentelle, la «piste criminelle avec l'intervention d'un tiers, mais aussi la «piste animale» selon BFMTV, qui citait alors une source proche du dossier. Car au début de l'enquête, le maire d'une commune voisine rappelait que le loup est présent dans la région. Une hypothèse jugée peu probable, le prédateur ne s'attaquant normalement pas aux hommes - aussi petits soient-ils. Plus surprenante encore, la piste de l'enlèvement par un rapace a aussi été avancée.
Pour autant, «non, l’enquête n’est pas au point mort, on continue à exploiter des pistes», assure Jean-Luc Blachon, procureur du tribunal judiciaire d'Aix. S'il se refuse à parler des «actes d'investigations en cours», il rappelle qu'il existe une «cellule d'investigation nationale très active» sur le dossier.
Celle qu'on appelle désormais «l'affaire du petit Emile» attire une foule qui n'est pas du goût des habitants. Six jours après la disparition du garçon, l'accès au hameau avait d'ailleurs été interdit une première fois à toute personne ne possédant pas de résidence principale ou secondaire.
François Balique, maire du Vernet: "J'ai pris un arrêté ce matin qui interdit tout accès à toute personne au Haut-Vernet" pic.twitter.com/cqgtWiUAzX
— BFMTV (@BFMTV) July 14, 2023
La restriction, levée au 31 août, a finalement à nouveau été décidée cette semaine par François Balique, le maire du Vernet. L'accès au hameau est fermé jusqu'au 15 septembre.
Une décision prise, selon BFMTV, suite à des plaintes d'habitants qui se sont dits importunés par des journalistes et des curieux venus faire du «tourisme morbide». Car la région a connu d'autres faits divers par le passé, qui attirent encore certains touristes aux passions douteuses.
Le 2 mai 1989, Yannis Moré, un enfant de 3 ans, a disparu dans le village de Ganagobie, à 60 km de la commune du Vernet. Il n'a jamais été retrouvé.
En 2008, c'est le meurtre de la tenancière du Café du Moulin au Vernet, Jeanette Grosos, qui a choqué les habitants. La gérante, âgée de 68 ans, a été frappée à mort par un client dans son café. Le coupable, un jeune de 21 ans, était aussi connu dans le coin pour avoir travaillé comme saisonnier dans la piscine locale. Le 24 mars 2015, c'est un avion de la Germanwings qui s'est écrasé non loin de la commune. Le crash, provoqué par le suicide d'Andreas Lubitz, le copilote, a tué les 144 passagers et les 6 membres d'équipage.
De son côté, la famille d'Emile a quitté le petit village pour rejoindre la commune de La Bouilladisse, près de Marseille, dans les Bouches-du-Rhône, à un peu moins de 200 kilomètres du Vernet. Pour l'heure, les enquêteurs disent «continuer à exploiter des pistes», tandis que la famille du petit Emile, elle, s'en remet toujours à Dieu.