«Pas à l'ordre du jour.» En dépit des critiques sur son maintien au gouvernement après son renvoi devant la Cour de justice de la République (CJR), Eric Dupond-Moretti a exclu mardi de démissionner, fort du soutien d'Elisabeth Borne.
Au lendemain de la décision de la CJR de le renvoyer en procès pour «prise illégale d'intérêts», il a déclaré:
Sa mise en examen dans ce dossier, en juillet 2021, n'a «jamais entravé (son) travail», a-t-il fait valoir, mettant en avant l'obtention d'un budget en hausse de 8%, l'élaboration de «27 textes» de loi ou la tenue des Etats généraux de la justice. Le ministre a aussi souligné qu'il avait formé un pourvoi contre son renvoi, ajoutant:
Après l'annonce de son renvoi - une première pour un ministre de la Justice en exercice -, plusieurs voix ont réclamé son départ, la Ligue des droits de l'Homme jugeant qu'«une telle mansuétude à son égard renvoie l'image déplorable d'un monde de décideurs s'estimant au-dessus de la loi commune».
Plusieurs politiques ont commenté ou critiqué la situation.
Pour Marine Le Pen, la «présomption d'innocence» n'impose pas systématiquement à un ministre de démissionner, mais dans le cas d'Eric Dupont-Moretti, son portefeuille pose problème, car «la justice doit donner une apparence irréprochable». Elle a ajouté:
L'Union syndicale des magistrats et le Syndicat de la magistrature, qui avaient porté plainte devant la CJR en décembre 2020 après une première plainte d'Anticor, une association qui agit contre la corruption, ont souligné que:
Celui-ci doit prendre sa retraite en 2023. Le procureur général près de la Cour de cassation représente l'accusation à la CJR, seule instance habilitée à juger les membres du gouvernement pour des crimes ou délits commis dans l'exercice de leur mandat.
Nommé à la tête de la Chancellerie à l'été 2020 et reconduit après la réélection en mai d'Emmanuel Macron, Eric Dupond-Moretti est accusé d'avoir profité de sa fonction pour régler des comptes avec des magistrats auxquels il s'était opposé quand il était avocat. Lui assure n'avoir fait que «suivre les recommandations de son administration».
Un premier dossier concerne l'enquête administrative qu'il a ordonnée en septembre 2020, visant trois magistrats du Parquet national financier qui avaient fait éplucher ses factures téléphoniques dans le cadre d'une affaire de corruption dite «Paul Bismuth», visant Nicolas Sarkozy.
Deux ont comparu en septembre devant le Conseil supérieur de la magistrature (CSM), qui doit rendre sa décision le 19 octobre. Aucune sanction n'a été requise à leur encontre. La troisième magistrate mise en cause a été blanchie avant toute audience devant le CSM.
Dans un second dossier, il est reproché au garde des Sceaux d'avoir diligenté des poursuites administratives contre un ex-juge d'instruction détaché à Monaco, Edouard Levrault, qui avait mis en examen un de ses ex-clients quand il était avocat. Le CSM a estimé le 15 septembre qu'«aucun manquement disciplinaire ne saurait lui être reproché».
(ats/acu)