Secoué par des mois de crise politique, le Kosovo est sur le point de franchir ce weekend une limite cruciale, fixée par la Cour constitutionnelle: les députés ont jusqu'à minuit samedi pour désigner leur président. Une élection qui a déjà échoué à 51 reprises depuis février.
Sans président élu d'ici là à la tête de l'Assemblée, le pays le plus jeune d'Europe plongerait dans la plus grave crise politique de son histoire, aux conséquences imprévisibles.
Mazllum Baraliu, professeur de droit constitutionnel à l'université de Pristina, livre son analyse:
La crise a commencé avec les élections remportées par le parti au pouvoir Vetëvendosje («Autodétermination» en français, abrégé VV, centre gauche). La formation du Premier ministre sortant Albin Kurti, avec 48 sièges sur 120, n'a pas obtenu de majorité absolue et ne parvient pas à trouver de partenaire de coalition. Conséquence: le parlement issu des législatives se réunit tous les deux jours, et échoue à chaque fois à élire son ou sa présidente.
Or, sans parlement totalement constitué, pas de gouvernement, dit la loi. Pour tenter de résoudre la situation, la Cour Constitutionnelle est intervenue le 26 juin et a donné 30 jours aux députés pour élire leur président ou présidente. 29 jours plus tard, le parlement est plus divisé que jamais, et toujours sans personne à sa tête.
Mazllum Baraliu, pour sa part, tempête:
Militants associatifs, experts, observateurs… nombreux sont ceux qui tiennent les parlementaires et leurs partis pour responsables
Eugen Cakolli, l'un des responsables de l'Institut démocratique du Kosovo (KDI), une ONG, estime de son côté que:
Il ajoute ensuite:
Pour Safet Gerxhaliu, professeur d'Economie, «ce sont les citoyens qui vont payer le prix le plus fort de cette situation politique, laquelle qui risque de plonger le pays dans une impasse institutionnelle». Il exprime ses inquiétudes:
La paralysie institutionnelle pourrait coûter 883 millions d'euros au pays, met en garde Njomza Arifi, chercheuse au sein du Groupe d'études politiques et économiques (GLPS). De l'argent que le Kosovo «devrait recevoir dans le cadre du plan de croissance» pour les Balkans occidentaux mis en place par l'UE. Sa lecture de la situation est également teintée d'inquiétude:
Si la frustration au sein de la population est grande, elle n'a jusqu'à présent donné lieu à aucune manifestation d'ampleur.
Un avocat, Arianit Koci, a toutefois décidé de mener sa propre guerre contre les parlementaires en multipliant les actions spectaculaires. Lundi, il s'est rasé le crâne devant l'Assemblée, pendant qu'à l'intérieur les députés échouaient pour la 50e fois à élire un président. Quelques jours avant, il avait fait venir des ânes, une allusion à peine voilée à ce qu'il pense des membres de l'Assemblée.
La présidente du Kosovo, Vjosa Osmani, a demandé mardi à la Cour constitutionnelle de donner son interprétation des conséquences si les parlementaires ne se mettaient pas d'accord avant samedi minuit. Elle met en garde:
Quant au Premier ministre sortant, Albin Kurti, interrogé lundi sur ce qui pourrait se passer après le délai donné par la justice, il s'est contenté de répondre qu'il «ne savait pas».