Le Parlement français a définitivement adopté mardi le projet de loi sur l'immigration, 349 députés votant pour et 186 contre, après un vote favorable du Sénat plus tôt dans la soirée. Cet épilogue victorieux pour la majorité est porteur de lourdes conséquences politiques.
Députés et sénateurs s'étaient accordés plus tôt dans la journée sur une version commune du texte, après des débats longs et difficiles. Dans l'hémicycle, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin a vanté un texte qui mérite d'être voté pour la «protection des Français», puis il a souligné que le texte avait réuni une majorité même sans compter les voix du RN.
Plus tôt dans la soirée, Emmanuel Macron avait convoqué en urgence une réunion mardi à l'Elysée avant le vote attendu en soirée au Sénat et à l'Assemblée sur le projet de loi immigration, alors que la crise est déclarée au sein du gouvernement et de la majorité, très embarrassée par le soutien apporté au texte par le Rassemblement national.
La majorité risque une fracture inédite depuis l'accession au pouvoir d'Emmanuel Macron. Selon une source ministérielle, trois membres du gouvernement, Aurélien Rousseau (Santé), Sylvie Retailleau (Enseignement supérieur), et Patrice Vergriete (Logement) «sont allés voir Elisabeth Borne (mardi) et ont mis leur démission dans la balance».
Ils doivent se réunir dans la soirée avec d'autres membres du gouvernement également réfractaires au texte, Rima Abdul Malak (Culture) et Roland Lescure (Industrie), tous figures de la branche gauche de la macronie, selon des sources concordantes.
Le président (Renaissance) de la Commission des Lois, Sacha Houlié, a fait savoir qu'il voterait contre le texte issu de la Commission mixte paritaire (CMP), dont il présidait pourtant les travaux, et qui accorde de larges concessions à la droite.
Allié historique du président, le président du MoDem, François Bayrou, a fait savoir qu'il «n'acceptera pas» un texte sur l'immigration «revendiqué» par le RN, selon des sources concordantes:
Le soutien du parti d'extrême droite au texte s'apparente au «baiser de la mort» pour la majorité, s'alarme un député Renaissance, macroniste de la première heure.
Quelques heures auparavant, au beau milieu d'une séance de questions au gouvernement électrique, la nouvelle tombait que le RN voterait pour le texte issu de la CMP, Marine Le Pen revendiquant une «victoire idéologique».
Ce cénacle composé de sept députés et sept sénateurs venait d'annoncer être parvenu à un accord sur un texte nettement durci et sans ambiguïté inspiré par la droite. Une victoire aux yeux des Républicains (LR) qui «imposent» ce texte «ferme et courageux», selon le patron du parti Éric Ciotti.
Numériquement, les voix du RN pourraient faire pencher la balance, mais politiquement l'équation à résoudre pour la majorité devient extrêmement délicate.
Le camp présidentiel a validé plusieurs mesures réclamées par la droite, notamment des quotas d'immigration pluriannuels définis au Parlement, le rétablissement d'un délit de séjour irrégulier puni d'une amende. La CMP a également confirmé mardi après-midi que les régularisations de travailleurs sans-papiers se feront au cas par cas et sous la responsabilité des préfets.
Le gouvernement a par ailleurs répondu aux ultimatums des Républicains, avec notamment un engagement écrit à réformer l'aide médicale d'Etat «en début d'année 2024». (ats/jch)