L’armée polonaise a annoncé mercredi avoir intercepté des drones russes entrés dans son espace aérien lors d’une attaque visant l’Ukraine voisine. Varsovie a dénoncé une incursion «sans précédent», qualifiée d’«acte d’agression». Le spécialiste de l’Europe de l’Est, Marcel Hirsiger, explique pourquoi l’Otan se retrouve aujourd’hui face à une épreuve majeure.
Au moins dix drones russes ont pénétré dans l’espace aérien polonais dans la nuit de mardi à mercredi. Comment évaluez-vous cet incident?
Marcel Hirsiger: C’est un nouveau stade de l’escalade dans la guerre que mène la Russie contre l’Ukraine et l’Occident. Jusqu’ici, il s’agissait de drones isolés, échappant à tout contrôle, qui s’étaient écrasés en Pologne. Cette nuit, leur nombre était bien plus élevé, et il s’agit donc d’une provocation délibérée. De plus, c’est la première fois que des drones sont abattus par la Pologne et les alliés de l’Otan.
Pourquoi Poutine choisit-il de provoquer l’Europe précisément maintenant?
Cet incident survient dans une période de tensions croissantes. Ces derniers jours, la Russie a accusé à plusieurs reprises la Finlande de préparer des attaques, ce qui est évidemment absurde. Et ce jeudi doit débuter officiellement un vaste exercice militaire russo-biélorusse baptisé «Zapad 2025» («Ouest 2025»). Enfin, l’Europe voit sa capacité d’action réduite par de multiples crises politiques internes, en particulier actuellement en France.
Comment la Pologne réagit-elle?
La Pologne a immédiatement informé ses partenaires de l’Otan et convoqué une réunion extraordinaire du gouvernement ainsi que du Conseil de sécurité. Les drones abattus ne représentaient sans doute pas une menace directe; il est peu probable que la Russie ait visé volontairement des infrastructures.
Moscou part du principe que l’Occident n’est pas en mesure de répondre de façon adéquate. C’est précisément ce qu’il faut maintenant démontrer.
NAGRANIE STRĄCENIA ROSYJSKIEGO DRONA W CZEŚNIKACH:
— Jarosław Wolski (@wolski_jaros) September 10, 2025
ps. piękne "Fox two" - jakiś AiM-9 poleciał do celu jak po sznurku. Ciekawe czy nasz F-16 czy F-35 holenderski. https://t.co/k2OmwebfIr pic.twitter.com/wlxp9gUCJH
La Pologne est membre de l’Otan. Que Varsovie attend-elle de ses alliés?
La Pologne est le pays qui consacre, en proportion, les dépenses liées à la défense les plus élevées au sein de l’Otan. Elle attend dans tous les cas un engagement clair: en cas de nouvelle escalade – par exemple des frappes ciblées contre des infrastructures en Pologne – l’article 5 du traité devra être invoqué.
Une réponse militaire directe est toutefois peu réaliste, car cela impliquerait une guerre ouverte de l’Otan contre la Russie. L’enjeu est donc plutôt d’accroître nettement le soutien à l’Ukraine.
Qu’est-ce que cela change pour les soutiens occidentaux de l’Ukraine?
Cet épisode est un signe clair que la Russie cherche une confrontation accrue avec l’Occident. Ces derniers jours, la «coalition des volontaires» a avancé des propositions visant à sécuriser une future trêve en Ukraine; Moscou y a répondu par les attaques les plus massives depuis le début de la guerre, et désormais par une extension vers l’Ouest.
Quels sont les risques d’une escalade supplémentaire?
Il est tout à fait envisageable que de tels incidents se multiplient. L’étape suivante consisterait en des attaques ciblées, de moindre ampleur, contre des infrastructures en Pologne ou dans d’autres pays frontaliers de l’Ukraine. L’objectif n’est pas tant la destruction que la réaction politique: à quel point l’Occident agit-il de manière unie? Avec quelle rapidité peut-il décider d’une réponse?
Quelles conséquences à long terme prévoyez-vous après cette nouvelle évolution?
Cela dépend surtout de la capacité de la coalition des volontaires à adopter une réponse unanime. Dans le passé, des prises de position furent souvent aussitôt relativisées par certains de ses membres. Peut-être que l’incident de la nuit montre qu’un tel double langage ne sert qu’un seul homme: le dirigeant russe. (adapt. jah)