C'est un étrange «deal» auquel est confronté le président ukrainien Volodymyr Zelensky: s'il cède une partie des «terres rares» ukrainiennes aux Etats-Unis, Donald Trump le soutiendra lors de négociations avec Vladimir Poutine pour mettre fin à la guerre. Celles-ci ont été pour la première fois évoquées de manière sérieuse par Zelensky lui-même.
Trump a sorti sa méthode favorite: le marchandage — ou le chantage. Il aide à mettre fin à la guerre, mais les Ukrainiens le laissent venir forer dans leurs sous-sol. Pour autant, le républicain estime faire un bon deal: les Américains viendraient «récupérer» les 500 milliards d'armements envoyés par Joe Biden sous forme de matériaux précieux, notamment des «terres rares». Et dans le cas contraire? Trump botte en touche et cabotine:
Le deuxième mandat de Trump s'ouvre sur un ton très mercantile: après les matières premières du Groenland, l'Ukraine est dans son viseur. Mercredi, il envoyait un membre de son administration à Kiev, et pas n'importe lequel: son secrétaire au Trésor, soit son ministre des Finances. Le message est lancé: en Ukraine comme ailleurs, business is business. Il a aussi discuté par téléphone avec Vladimir Poutine, selon le New York Post, afin d'avoir un maximum de cartes en main dans sa négociation.
Des «terres rares»? De quoi parle-t-on? Il s'agit d'un groupe de métaux particuliers qui, contrairement à ce que son nom laisse entendre, ne sont pas si rares que ça.
Le cérium, par exemple, est même plus présent que le cuivre. L'yttrium est un autre d'entre eux. On peut aussi citer le scandium ou l'erbium. Au total, 17 de ces métaux composent de manière large les terres rares — certains sont en effet plus rares.
Ces métaux ont des caractéristiques propices pour produire du matériel électronique et électromagnétique. Raison pour laquelle ils ont commencé à être exploités dans les années 1960. On en trouve dans les ordinateurs, qu'il s'agisse des puces, mais aussi de la batterie ou de l'écran. Ils sont aussi utilisés pour fabriquer les LED, des alliages métalliques ou encore les rotors des éoliennes, les drones ou les missiles.
Par ailleurs, le recyclage de ces métaux n'est pas encore acté: moins de 1%.
La Chine, qui a commencé la production de terres rares dans les années 1980, est devenue leader, avec plus de 70% de la production mondiale. D'autres pays, comme l'Afrique du Sud, l'Australie, l'Inde et le Brésil disposent de quantités importantes également. Le deal de Donald Trump en Ukraine trouve donc son origine dans la volonté de réduire sa dépendance à Pékin.
Les Etats-Unis produisent pourtant déjà près de 15% des terres rares dans le monde, via la mine de Mountain Pass, dans l'est désertique de la Californie, à la frontière avec le Nevada. Mais depuis une vingtaine d'années, elle a connu plusieurs déboires, que ce soit des problèmes de production ou des scandales écologiques.
Taquin, Zelensky a profité de rappeler à Trump qu'une partie des matériaux précieux de l'Ukraine se trouvent justement dans la zone de guerre. Doublement taquin, il a ajouté que, si ces territoires restaient sous contrôle russe, ce seraient l'Iran et la Corée du Nord qui feraient main basse dessus. Le mot de «garantie» a été évoqué par Trump concernant ces métaux, et ce avant le moindre pourparler entre Zelensky et Poutine.
Dans un plan de paix dévoilé en octobre, Volodymyr Zelensky avait, sans évoquer spécifiquement les terres rares, proposé un «accord spécial» avec les partenaires de son pays, permettant une «protection commune».
L'Union européenne estime d'ailleurs que 22 des 34 métaux précieux stratégiques dont elle a besoin se trouvent en Ukraine. Et 98% de la quantité de terres rares utilisées dans l'UE est importée de Chine. On comprend dès lors qu'Olaf Scholz se soit agacé des déclarations de Trump, qui désire couper l'herbe sous le pied des Européens pour fournir les Etats-Unis.
La plupart des gisements de matériaux stratégiques sont au centre et à l'est du pays. Difficile toutefois de savoir exactement où ils sont situés et quelles sont leurs quantités. Le Monde rappelle que les études géologiques indiquant leur présence datent de l'Union soviétique.
L'utilisation du terme «terres rares» porte toutefois à confusion, Zelensky s'étant dit prêt à négocier d'autres métaux précieux, tels que le titane, le lithium ou le graphite, mais aussi l'uranium. De féroces combats entre Russes et Ukrainiens auraient d'ailleurs lieu sur des sols contenant d'importantes quantités de lithium, à l'ouest de Donetsk. (avec ATS)