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La jeunesse dorée russe «ne se soucie pas» des drones ukrainiens

Comment vivent les moscovites après les attaques de l'Ukraine?
Malgré la guerre en Ukraine qui dure depuis trois ans, la vie de la jeunesse dorée moscovite n'a que peu été impactée, hormis en ce qui concerne l'envolée des prix.Image: STRINGER / AFP, montage watson

Avec la jeunesse dorée russe qui «ne se soucie pas de la guerre»

Alors que la population ukrainienne vit sous les bombes et les attaques de drones depuis plus de trois ans, du côté russe, plus précisément dans les quartiers huppés de Moscou, l'ambiance est très différente.
08.06.2025, 16:0308.06.2025, 16:03
Guillaume DECAMME / Moscou, russie / afp
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Les basses des grosses cylindrées se diluent dans la techno des bars, et le quartier des Etangs du Patriarche entame une nouvelle nuit de bringue. Dans cette zone huppée de Moscou, les noctambules n'ont «pas peur» des drones ukrainiens qui visent la capitale russe.

L'insouciance stupéfiante des Moscovites

Depuis plusieurs semaines, le conflit s'invite de plus en plus fréquemment à Moscou, jusque-là largement épargnée par l'offensive à grande échelle contre son voisin ukrainien engagée en février 2022.

Barbe noire et lunettes de soleil, Kirill, 27 ans, travaille dans l'immobilier et marche dans le quartier des Etangs du Patriarche, où se déroule en partie le roman de Mikhaïl Boulgakov «Le Maître et Marguerite». A en croire ses dires, «personne ne se soucie» des drones qui menacent Moscou:

«Les gens ont trop de soucis et trop de travail pour prêter attention à ces situations»
Des femmes prennent un selfie dans un café le vendredi soir dans le quartier des étangs des Patriarches, un quartier huppé de Moscou.
Des femmes prennent un selfie dans un café le vendredi soir dans le quartier cossu des Etangs du Patriarche.Image: STRINGER / AFP

Contraste criant avec Kiev

L'Ukraine, cible quotidienne des bombardements et des drones russes, a lancé la semaine dernière deux raids nocturnes d'engins sans pilote.

Lors du premier, près de 300 drones ukrainiens visant la Russie (et Moscou pour une quarantaine d'entre eux) ont été interceptés. Puis, la nuit suivante, une cinquantaine de drones ukrainiens ont été neutralisés. Un engin a tout de même percuté un immeuble du sud-ouest de Moscou.

A chaque alerte, le trafic dans plusieurs aéroports de la capitale a été suspendu pendant quelques heures. Mais au cours de ces deux nuits, la métropole et ses 13 millions d'habitants n'ont eu à déplorer aucun mort, uniquement des dégâts matériels mineurs.

En mars, en revanche, une attaque massive de drones ukrainiens sur la banlieue de Moscou avait fait trois morts. Fort contraste avec Kiev, où les frappes russes tuent régulièrement de nombreux civils.

«Essayer de rester calmes»

A Moscou il n'y a pas de sirènes d'alarme et pas non plus de course aux abris lorsque des drones s'annoncent. Le ministre des Situations d'urgence, Alexandre Kourenkov, a uniquement invité les Russes à «essayer de rester calmes» en cas d'attaque. La semaine dernière, lors d'une déclaration à la presse, il avait rappelé que des brochures avec des «recommandations» avaient été éditées et que:

«La panique désoriente toujours»

D'ailleurs, Moscou et son maire, Sergueï Sobianine, se montrent surtout affairés à préparer «L'été à Moscou», un programme culturel et sportif. Sollicités à propos des mesures prises par la municipalité face aux attaques de drones, les services de Sobianine n'ont pas donné suite.

En ville, les affiches appelant à s'engager dans l'armée sont moins fréquentes qu'ailleurs, tout comme les portraits des «héros» tombés sur le front ukrainien.

Et en cette soirée de printemps, Janna, 29 ans, n'entend pas se laisser «gâcher sa bonne humeur» en écoutant les informations, car «il y a beaucoup de mensonges», selon elle. La Moscovite, rencontrée dans le flot des noctambules habitués des restaurants branchés des Etangs du Patriarche est affirmative: «A chacun sa vérité». Au sujet des drones, elle assure:

«Je suis sûre qu'ils seront éliminés. Je suis sereine»

La jeune femme ne souhaite cependant pas donner son nom de famille, comme souvent lorsque les Russes sont interrogés au sujet du conflit.

Moscou, quartier festif des Etangs du Patriarche.
Le quartier festif des Etangs du Patriarche n'est, en dehors de l'inflation induite par les sanctions occidentales, pas impacté par la guerre en Ukraine.Image: STRINGER / AFP

S'habituer aux drones et vivre normalement

Dans le quartier, le risotto aux champignons à 1 980 roubles (environ 20,5 francs) rivalise avec la pizza aux truffes à 2 290 roubles (environ 23,7 francs) sur les cartes des restaurants, toujours aussi bondés malgré l'inflation qui se maintient au-dessus de 10% au niveau national.

Pour les cocktails, on passe du «Negroni Sbagliato» au «Raspberry Spritz».

Arrive ensuite un SUV, toutes fenêtres baissées et basses à fond, sur lequel est collé un «Z», symbole de soutien aux forces armées russes engagées en Ukraine dans ce conflit qui a fait des dizaines de milliers de morts des deux côtés.

Sur le trottoir pris d'assaut par les influenceurs et la jeunesse dorée, Marina, 43 ans, marche d'un pas décidé. Elle se dit opposée au conflit et n'a «pas peur» des drones, auxquels «on va sans doute s'habituer».

Ce qui la préoccupe, c'est l'entreprise qu'elle a perdue. «Mais ça n'est pas à cause de la guerre, c'est parce que j'ai quitté mon mari», dit Marina dans un anglais limpide, en utilisant ce mot de «guerre» honni du pouvoir russe, qui préfère le terme d'«opération militaire spéciale».

Et puis, au milieu de tout ce tumulte, il y a les sanctions contre la Russie. A ce sujet, elle lance:

«Nous les ressentons tous. Vous avez vu l'inflation? Vous avez vu les prix?»
Vladimir Poutine dans tous ses états
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Vladimir Poutine dans tous ses états
Poutine en mode chasseur, 2010.
source: ap ria novosti russian governmen / dmitry astakhov
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Ce Moldave apprend la vie aux gardes-frontières russes
Video: watson
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