Les combats en Ukraine se poursuivent depuis plus de 500 jours. La contre-offensive des forces de Kiev, qui a été longuement planifiée, se déroule plutôt lentement depuis quelques semaines et se transforme en une sorte de guerre d'usure sur plusieurs sections du front.
L'aspect militaire reste au premier plan de l'affrontement: personne ne semble pour l'instant intéressé par des négociations. Tant l'agresseur russe que les défenseurs ukrainiens misent sur des résultats sur le champ de bataille pour imposer leurs intérêts politiques. Mais pour combien de temps encore?
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Selon le Moscow times, Washington emprunte désormais d'autres voies: un ancien responsable américain confirme au journal russe indépendant, dont le siège se trouve à Amsterdam, que des discussions diplomatiques sont en cours entre d'anciens hauts fonctionnaires américains et des collaborateurs du Kremlin.
Les discussions entre les parties américaine et russe auraient lieu au moins deux fois par mois, souvent en ligne, a-t-il déclaré au Moscow times. Il y participe lui-même:
Les rencontres auraient permis à la partie américaine de mieux comprendre ce que les dirigeants russes avaient en tête: «Nous avons eu un aperçu de la pensée du Kremlin, mais pas autant que nous l'aurions souhaité», a déclaré l'ancien fonctionnaire. De son point de vue, le plus gros problème est que les Russes ne sont pas en mesure de formuler ce qu'ils veulent et ce dont ils ont besoin exactement.
Pourtant, ajoute-t-il, le pays est désormais en guerre et une défaite humiliante n'est «pas une option» pour ses interlocuteurs russes.
La position des correspondants russes semble, toutefois, nettement plus claire en ce qui concerne la péninsule de Crimée: «Si la Russie pensait un jour pouvoir perdre la Crimée, elle aurait très certainement recours à l'utilisation d'armes nucléaires», assure l’homme au Moscow times.
Les déclarations de l'ancien responsable américain sont également révélatrices des intérêts géostratégiques de Washington en Ukraine et en Asie centrale. Il a par exemple affirmé au journal qu’il avait été fait comprendre aux Russes que «les Etats-Unis seraient prêts à traiter de manière constructive les intérêts de la Russie en matière de sécurité nationale».
Lors des discussions, la partie américaine aurait souligné que Washington avait besoin d'une Russie «suffisamment forte pour assurer la stabilité à sa périphérie». Les Etats-Unis veulent une Russie «dotée d'une autonomie stratégique» afin que Washington puisse poursuivre ses intérêts diplomatiques en Asie centrale. «La force russe n'est pas nécessairement une mauvaise chose», a déclaré l'ancien fonctionnaire américain. En revanche, une «victoire totale en Europe», c'est-à-dire dans la guerre contre l'Ukraine, nuirait aux intérêts américains dans cette partie du monde.
On ne sait pas si les déclarations de l'ancien fonctionnaire au Moscow times reflètent réellement la ligne officieuse du gouvernement américain. Ce qui est étrange, c'est qu’elles sont exactement à l'opposé de la ligne officielle de l'Administration Biden: celle-ci poursuit l'objectif d'affaiblir la Russie et de réduire son potentiel d'agression en livrant de nombreuses armes à l'Ukraine.
Après la publication de l'article dans le Moscow times, le démenti de la Maison-Blanche ne s'est pas fait attendre. La porte-parole du Conseil de sécurité nationale, Adrienne Watson, a nié l’existence ainsi que l’aspiration à un tel canal de communication secret entre les deux puissances.
Selon le journal basé à Amsterdam, l'ancien fonctionnaire américain a aussi exprimé des doutes sur la direction que prenaient les discussions actuelles avec les responsables du Kremlin. Humilier la Russie ou l'isoler sur la scène internationale au point qu'elle soit sur le point de s'effondrer rendrait les négociations presque impossibles, selon lui. Les représentants de Moscou se sont d'ores et déjà montrés réticents.
L'ancien responsable a le sentiment que les discussions secrètes en cours sont dans une impasse. Dans la diplomatie russe, beaucoup dépend de l'évolution de la situation sur le champ de bataille.
Le gouvernement américain a tenté de parler directement avec le Kremlin. Mais Poutine a refusé. Washington devrait donc commencer à s'adresser aux élites russes qui se sont prononcées contre la guerre, selon lui. S'il y avait un soutien au sein de l'élite en faveur d’une autre figure de proue, «il ne serait pas impossible de renverser Poutine». (dm)
Traduit et adapté de l'allemand par Léon Dietrich