Ce lundi 22 juillet, les forces d'occupation russes ont ordonné la destruction de la dernière église orthodoxe ukrainienne de Crimée. C'est ce qu'a annoncé sur X la Commission Helsinki, une agence indépendante du gouvernement américain. Laquelle ajoute:
«Les autorités d'occupation en Crimée intensifient leur attaque contre l'identité ukrainienne», commentait, de son côté, le ministère ukrainien des Affaires étrangères.
En effet, selon de nombreux observateurs, les objectifs de l'invasion russe ne se limitent pas au renversement de l'Etat ukrainien et à la conquête de nouveaux territoires. Le conflit viserait également à éradiquer l'identité et la culture nationales. Le directeur du Musée Maïdan, à Kiev, a par exemple parlé d'une «guerre du patrimoine», menée contre la mémoire historique de son pays.
Les chiffres semblent lui donner raison. Depuis le début du conflit, en février 2022, la Russie n'a cessé de cibler les sites artistiques et les monuments historiques ukrainiens, indique le centre de réflexion Atlantic Council (AC). Pour Kiev, cela ne fait aucun doute: il s'agit d'une «campagne délibérée visant à éliminer les symboles de l'identité nationale ukrainienne».
Un cas avait fait beaucoup de bruit. En juillet 2023, la cathédrale d'Odessa avait été touchée par un missile russe, au cours d'un bombardement visant le centre historique de la ville, inscrit par ailleurs au patrimoine de l'Unesco. Un incendie s'était déclaré à l'intérieur de l'église, qui avait été sérieusement endommagée.
Les autorités ukrainiennes et l'Unesco avaient accusé Moscou d'avoir ciblé délibérément la cathédrale, la plus grande de la ville, et n'avaient pas hésité à parler de «crime de guerre».
Et pourtant, bien que particulièrement «choquant», ce cas est loin d'être sans précédent, rappelle l'Atlantic Council. Quelques jours plus tard seulement, les forces russes ont bombardé la cathédrale Sainte-Catherine de Kherson, également considérée comme l'une des églises orthodoxes les plus importantes du sud de l'Ukraine. Huit personnes avaient été blessées.
Le 11 juillet dernier, l'Unesco a affirmé que 431 monuments historiques ukrainiens avaient été détruits ou endommagés depuis le début de l'invasion. La liste comprend 138 sites religieux, 214 bâtiments d'intérêt historique ou artistique, 31 musées, 32 monuments, ainsi que 15 bibliothèques. La région disputée de Donetsk affiche le nombre plus élevé d'accidents, soit 118. Quelque 70 cas ont été documentés dans la région de Kharkiv, 50 à Odessa et une quarantaine à Kiev.
D'autres données disponibles avancent des bilans bien plus élevés. Ainsi l'ONG ukrainienne Institute for Religious Freedom (IRF), selon laquelle «au moins 630 lieux de culte ont été détruits ou endommagés par la guerre menée par la Russie».
Pour la Smithsonian Institution, en avril 2024, les sites touchés pourraient être plus de 2000. Parmi eux figurent 950 mémoriaux, 633 lieux de culte et 188 musées. Au-delà des différents bilans, une chose est sûre: les dégâts sont immenses. Selon un rapport publié par la revue scientifique Antiquity, la destruction du patrimoine ukrainien est d'une ampleur sans précédent depuis la Seconde Guerre mondiale.
Ces nombreuses attaques vont de pair avec les affirmations de Vladimir Poutine, note l'Atlantic Council. Dans ses prises de parole, le président russe nie régulièrement la légitimité historique de l'Ukraine, et insiste sur le fait que les Ukrainiens soient, en fait, des Russes. Une rhétorique, reprise en boucle par la télévision d'Etat russe, qui étaie les accusations formulées par l'Ukraine, commente le centre de réflexion.
«L'hypothèse de base qui sous-tend cet assaut est que l'Ukraine ne devrait pas exister en tant que phénomène distinct doté de sa propre agence politique», avait déclaré Olesia Ostrovska-Liuta, figure bien connue du paysage culturel ukrainien, citée par l'Altantic Council. «Toute différence entre l'Ukraine et la Russie doit être effacée», ajoutait-elle. Et de conclure: