La guerre que la Russie mène en Ukraine depuis bientôt deux ans et demi a causé des dégâts inimaginables. Y compris à la nature, l'une des victimes collatérales de ce conflit. Les dommages catastrophiques que les combats infligent à l'écosystème ukrainien sont connus et documentés. Pourtant, l'impact global de l'invasion sur l'environnement est encore plus important.
La destruction de la nature n'est que l'une des conséquences environnementales imputables à la guerre. Cette dernière génère d'énormes quantités de gaz à effet de serre. Des émissions polluantes qu'un rapport publié ce jeudi a chiffrées pour la première fois.
L'étude, réalisée par un collectif de recherche en partie financé par les gouvernements allemand et suédois, fournit «l'analyse la plus complète sur l'impact climatique des conflits jamais réalisée», estime le Guardian. Son principal auteur résume:
Selon le rapport, le conflit a généré 175 millions de tonnes de CO2 en deux ans. A titre de comparaison, la Suisse a en émis quelque 35 millions en 2022. Ce chiffre dépasse également les émissions annuelles d'un pays hautement industrialisé comme les Pays-Bas.
Le rapport détaille aussi l'origine de ces 175 millions de tonnes de CO2. Ce qui en résulte, c'est que l'activité militaire à proprement parler n'est responsable que d'environ un tiers des émissions polluantes attribuables au conflit. Le reste est lié à des effets plus ou moins directs, comme les incendies, ou indirects, tels que la reconstruction et les changements d'itinéraire adoptés par les avions de ligne afin de ne pas survoler le pays.
En deux ans, les combats ont généré 51,6 millions de tonnes de CO2. La plupart de ces émissions, soit 44,6 millions, ont été provoquées par la combustion de carburant. «Les combustibles fossiles sont indispensables aux activités militaires», explique le rapport. Et ce, tant en première ligne qu'à l'arrière.
Si faire bouger des chars d'assaut et des hélicoptères demande beaucoup de carburant, la consommation la plus importante de combustible se passe derrière la ligne de contact: la «gigantesque machine militaire» nécessaire pour déployer ces véhicules sur le champ de bataille.
Les munitions ont libéré dans l'atmosphère quatre millions de tonnes de CO2. Le taux d'utilisation de l'artillerie a diminué pendant la deuxième année de guerre, note le rapport, mais la production accrue d'obus a considérablement augmenté. Une activité qui «consomme beaucoup d'énergie et de carbone».
Dernièrement, la construction de «centaines de kilomètres de fortifications» le long du front a également eu un impact néfaste. Ces structures nécessitent des matériaux tels que le béton et l'acier, dont la fabrication génère d'importantes quantités de CO2.
Conséquence directe des combats, les incendies ont «augmenté considérablement» en Ukraine depuis le début de la guerre, indique le rapport.
En janvier de cette année, on estimait qu'une surface d'environ 12 000 km2 a été touchée par le feu dans le pays. L'emplacement des incendies prouve leur lien direct avec la guerre. La plupart d'entre eux se produisent le long de la ligne de front. Leur impact écologique est estimé à près de 23 millions de tonnes de CO2.
Une quantité légèrement inférieure de CO2 a été générée par les bombardements russes sur l'infrastructure énergétique ukrainienne. Les forces de Moscou ont notamment visé plusieurs dépôts de carburant, des raffineries, ainsi que le réseau électrique du pays, libérant d'importantes quantités de gaz polluants dans l'atmosphère.
Le conflit a forcé des centaines de milliers de personnes à se déplacer, dont des civils ukrainiens et des hommes en âge de servir qui ont quitté la Russie et l'Ukraine pour éviter le service militaire. Ce flux humain a également généré des émissions, notamment à travers le transport.
D'autres fois, pourtant, la pollution attribuable au conflit n'a aucun lien direct avec les affrontements. C'est le cas des émissions supplémentaires générées par l'aviation civile suite au déclenchement de la guerre.
La fermeture de l'espace aérien ukrainien et les interdictions de voler au-dessus de la Russie ont rendu près de 18 millions de km2 de ciel inaccessibles aux compagnies aériennes occidentales. D'importantes routes reliant l'Europe à l'Asie se sont ainsi retrouvées coupées, forçant les transporteurs à adapter leurs itinéraires. Conséquence:
Techniquement, seuls les transporteurs européens et nord-américains sont explicitement interdits d'accès à l'espace aérien russe, note le rapport. Pourtant, dans les faits, de nombreuses compagnies asiatiques et australiennes évitent également de survoler le pays, par mesure de précaution.
Une partie considérable des émissions dues à la guerre n'a pas encore été émise. Il s'agit de l'impact écologique de la reconstruction du pays. Les combats et les bombardements ont détruit de nombreux bâtiments, routes et industries. Les reconstruire demandera de recourir à «de grandes quantités» de matériaux très polluants comme le béton et l'acier.
Bien que certains travaux de reconstruction soient déjà en cours, les efforts les plus importants vont concerner les régions disputées de l'est et du sud de l'Ukraine, où les combats font rage depuis plus de deux ans. Pour cette raison, ces travaux ne pourront débuter «qu'après la fin des hostilités», note le rapport, «lorsqu'un environnement sûr pourra être garanti».
Pour les auteurs du rapport, les émissions générées par la guerre en Ukraine «rendront encore plus difficile la lutte contre la crise climatique», dans un contexte où les effets du réchauffement planétaire deviennent de plus en plus évidents et les pays s'efforcent de limiter l'augmentation moyenne de la température mondiale à 1,5°C.
Le coupable est facilement identifiable: «La Fédération de Russie peut être tenue pour responsable» de cette situation, affirme le rapport.