Prendre l'avion en Russie n'est pas sans danger. Ce moyen de transport est deux fois plus sujet aux erreurs cette année qu'avant la guerre. En à peine un an et demi, la sécurité de l'aviation russe s'est fortement dégradée. Et pourtant, elle n'était déjà pas bonne avant la guerre.
Le 12 septembre dernier, un Airbus de la compagnie aérienne Ural Airlines a dû effectuer un atterrissage d'urgence dans un champ de la région sibérienne de Novossibirsk. L'A320 transportait 167 personnes entre Sotchi, au bord de la mer Noire, et Omsk, en Sibérie.
L'avion aurait eu des problèmes avec le système hydraulique, a déclaré le gouverneur de la région à l'agence de presse nationale Tass. Selon Ural Airlines, le pilote a signalé l'urgence en cours de vol et s'est ensuite dirigé vers l'aéroport de Novossibirsk, mieux équipé que celui d'Omsk.
Il n'y avait, toutefois, pas assez de carburant pour effectuer une telle manœuvre. L'avion a donc finalement atterri sur un grand champ de blé.
L'équipage et les passagers ont eu de la chance: l'atterrissage d'urgence s'est bien passé - le fuselage de l'avion est resté intact et il n'y a pas eu d'incendie. Les 167 personnes à bord ont pu quitter l'appareil en vie, il n'y a eu que quelques blessés à déplorer.
A cause de ce risque en hausse, l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI) a placé Moscou sur liste rouge. En dehors de la Russie, seuls trois pays détiennent actuellement ce statut: le Bhoutan, le Congo et le Liberia.
Les avions russes n'ont donc plus le droit de survoler le territoire européen, et encore moins d'atterrir ou de décoller des aéroports de l'UE.
Par ailleurs, plusieurs dirigeants de l'industrie aéronautique russe figurent sur la liste des sanctions de Bruxelles. Notamment le patron d'Aeroflot, la plus grande compagnie du pays, Mikhail Poluboyarinov. Un «prestataire de services du gouvernement russe» et une «source de revenus importante» selon le texte qui accompagne la liste des sanctions. Mikhail Poluboyarinov fait partie des «hommes d'affaires de premier plan» en Russie.
De mars à octobre, Aeroflot vole vers Simferopol, sur la péninsule de Crimée. Sur son site internet, la compagnie aérienne fait la promotion de la destination:
Pour rappel, malgré la guerre, la Crimée reste une région de vacances très appréciée des Russes.
Mais pour les Russes, prendre l'avion est extrêmement dangereux, comme le montre une enquête du journal Novaïa Gazeta Europe. Au cours des huit premiers mois de cette année, on a déjà enregistré plus de 120 accidents aériens impliquant des avions de ligne russes. Sur la même période, 55 accidents en moyenne ont été enregistrés entre 2018 et 2022.
Le nombre d'accidents aériens en Russie est ainsi plus de 2,2 fois supérieur à celui de la période d'avant-guerre. Au total, depuis l'an 2000, 1712 personnes ont perdu la vie dans des accidents d'avion en Russie - aucun autre pays au monde ne bat ce triste record.
Les chiffres des attentats terroristes ou des détournements d'avion sont exclus du calcul, précise la Novaïa gazeta Europe. Huit crashs aériens mortels sur dix en Russie sont causés par des avions russes. La probabilité de mourir dans un tel avion est 20 fois plus élevée que dans un avion étranger.
Parallèlement à l'augmentation du nombre d'accidents, le volume des vols a fortement diminué: un quart de moins cette année par rapport à 2019, année pré-pandémique. En outre, le volume des vols a diminué de 13% par rapport à l'année dernière, année du début de la guerre, rapporte Novaïa gazeta Europe en se référant à Rosawiazija, l'agence russe du transport aérien.
De nombreux vols internationaux sont supprimés. Onze aéroports russes situés dans le sud - près de la frontière ukrainienne - et trois des cinq terminaux de l'aéroport moscovite de Sheremetyevo sont fermés, rapporte un expert en aviation au journal russe.
De plus, les avions ne peuvent souvent plus décoller en raison du manque de pièces de rechange. En effet, Boeing et Airbus sanctionnent également la Russie en refusant de livrer des pièces de rechange.
Les compagnies aériennes en Russie sont donc obligées de cannibaliser les vieux appareils ou de se procurer le matériel nécessaire par des voies détournées dans d'autres pays. L'Iran, notamment, participe à ce genre d'opérations.
Problème: les machines russes sont relativement jeunes (14,6 ans) et les Iraniens manquent d'expérience avec les appareils modernes.
En effet, ces avions sont équipés de beaucoup d'électronique, par exemple de pupitres de commande qui doivent être régulièrement mis à jour. Toujours selon l'expert:
La Russie veut désormais construire ses propres avions, plus d'un millier d'ici 2030. D'ici là, pour chaque Russe, un voyage en avion à travers le plus grand pays du monde reste très dangereux.
(Traduit et adapté par Chiara Lecca)