Depuis le printemps 2014, la Crimée est aux mains des Russes après qu'ils aient occupé et annexé la presqu''île en violation du droit international. Depuis, le Kremlin la transforme en une véritable forteresse militaire. Car elle est considérée comme extrêmement stratégique et essentielle dans la guerre contre l'Ukraine.
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Ces derniers temps, des opérations de débarquement de courte durée ont été menées par les forces spéciales ukrainiennes en Crimée. Nikita Gerasimov, observateur du conflit à l'Université libre de Berlin et interrogé par watson explique qu'il s'agit bien ici d'un tour de force symbolique:
ГУР показало, як проходила спецоперація українських військових окупованому Криму. В українському Криму знову замайорів державний прапор pic.twitter.com/Np8WBEchtu
— hromadske (@HromadskeUA) August 24, 2023
Dans ce contexte, des explosions se sont produites à plusieurs reprises sur le pont de Crimée, également connu sous le nom de pont de Kertch. Il s'agit de la seule liaison entre la Russie continentale et la presqu'île occupée par la Russie. Il y a environ cinq ans, le président russe Vladimir Poutine l'a inauguré en personne. Il est considéré comme un projet prestigieux et hautement symbolique, destiné à consolider la revendication russe sur la péninsule ukrainienne.
Selon Gerasimov, on l'aura compris, les actions ukrainiennes en Crimée servent surtout pour les relations publiques: elles produisent des images fortes pour le pays et l'étranger. La propagande marche main dans la main avec les succès militaires.
Du côté de l'adversaire, les images doivent susciter l'incertitude, la peur, la colère et la critique à l'égard du Kremlin. Il faut que les Russes se disent que le pouvoir ne peut même pas garantir la sécurité de la côte de Crimée.
D'autre part, selon Gerasimov, de telles actions ont un effet logistique et militaire important. En effet, mine de rien, elles mobilisent d'importantes forces russes dans la péninsule. Ces dernières sont occupées à une surveillance permanente des côtes. Des soldats qui ne peuvent donc pas être déployés sur le front proprement dit.
Mais il semblerait que l'armée russe doive se préparer à bien plus que des incursions désormais. «En Occident, pas mal de gens s'attendent à ce qu'un débarquement de grande envergure ait lieu», explique Gerasimov. Le Daily Express rapporte, par exemple, qu'une opération de débarquement avec un soutien maritime et aérien massif est imminente.
Les troupes britanniques formeraient une brigade d'élite ukrainienne afin d'affaiblir les forces russes et de reconquérir la Crimée, selon les informations. Plus de 2000 soldats participent à des exercices spéciaux dans un lieu isolé du Dartmoor. Ils doivent constituer le «fer de lance de l'invasion» pendant que deux autres forces mènent des attaques simultanées.
En outre, le chef des services secrets ukrainiens, Kyrylo Budanov, aurait confirmé que les troupes entreraient «bientôt» en Crimée. Et ce, avant Noël.
Nikita Gerasimov voit cette entreprise d'un oeil critique. Selon lui, l'armée ukrainienne n'est actuellement pas équipée pour une opération de débarquement à grande échelle en Crimée. Il précise:
Ni l'un ni l'autre n'existe actuellement pour l'armée ukrainienne.
Kiev ne dispose ni de la souveraineté aérienne ni d'une marine de guerre capable de soutenir une opération de débarquement de grande envergure.
L'armée ukrainienne ne peut certainement pas se contenter de cela. Pour Gerasimov, il est clair qu'une opération de débarquement à grande échelle des forces armées ukrainiennes en Crimée, suivie d'une extension de la tête de pont et d'une avancée à l'intérieur de la péninsule, reste donc difficilement envisageable, du moins dans les conditions actuelles.
Il s'attend, toutefois, à une augmentation des petites actions de débarquement, comme cela s'est déjà produit à plusieurs reprises.
Une autre théorie circule parmi les blogueurs de guerre russes. «Ils supposent que les actions ukrainiennes en Crimée ne sont "que" des diversions ciblées. La véritable opération de débarquement serait donc préparée plus à l'ouest, par exemple sur la péninsule de Kinbourn», explique Gerasimov.
L'Ukraine pourrait ainsi ouvrir un autre front pour tomber sur les troupes russes derrière leurs positions défensives proprement dites, sur la côte est du Dniepr.
Mais pour un tel débarquement, l'Ukraine a besoin de suffisamment d'armes et de soldats - ce dernier point préoccupe Kiev, estime Gerasimov.
«Actuellement, l'Occident maintient le flux d'armes vers l'Ukraine et veut même l'augmenter pour certaines catégories, c'est plutôt le personnel qui inquiète Kiev», explique Gerasimov. En effet, l'Ukraine dispose, selon lui, de «ressources humaines» bien moins importantes que la Russie. «Les pertes augmentent, même si la dure censure de guerre veut volontiers cacher ce fait», poursuit-il.
«Les photos de nouvelles tombes de guerre ukrainiennes inondent l'Internet, y compris en Ukraine», dit-il. En d'autres termes, le prix du sang est immense. Les gains de terrain sont faibles. «Le risque de "saignée" de l'armée ukrainienne ne doit pas être sous-estimé», estime Gerasimov.
(Traduit et adapté par Chiara Lecca)