Depuis le début de la guerre en Ukraine, Moscou et Kiev s'accusent mutuellement de posséder des armes chimiques et de les utiliser contre les adversaires sur le champ de bataille. Et ce, bien que les deux pays aient signé et ratifié la convention internationale les interdisant. L'organisation qui veille à son application, l'OIAC, affirmait en novembre 2022 que le conflit avait accru la menace d'utilisation de ces armes.
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C'est ce qui s'est effectivement produit. Du moins, selon l'Etat-major des forces armées ukrainiennes, qui a affirmé ce samedi avoir recensé au total 626 cas d'utilisation de munitions contenant des «produits chimiques toxiques» de la part de la Russie. Ce qui correspond, en moyenne, à un peu moins d'un cas par jour.
Toujours selon l'Etat-major ukrainien, l'usage de ces armes se fait de plus en plus fréquent. Une cinquantaine des cas, soit 8% du total, ont eu lieu au cours du seul mois de janvier de cette année.
Des substances chimiques toxiques sont parfois contenues dans des engins improvisés, ou tirées avec des obus d'artillerie, détaille l'Etat-major. Le plus souvent, cependant, les forces russes privilégieraient une autre méthode: larguer des grenades lacrymogènes sur les positions ukrainiennes à l'aide de drones. Les soldats se serviraient spécifiquement de grenades K-51, remplies d'un agent chimique utilisé pour disperser les émeutes: le 2-Chlorobenzylidène malonitrile, également appelé gaz CS.
Selon la dose, le gaz CS peut provoquer une irritation des voies respiratoires, des nausées accompagnées de vomissements, mais également des hémorragies internes, des œdèmes pulmonaires et une détresse respiratoire potentiellement fatale. Le foie, le cerveau et les reins sont particulièrement vulnérables.
Ses effets à long terme sont moins connus, mais le gaz CS peut induire des bronchites, de l'asthme, des maladies du foie et des reins ainsi que des troubles neurologiques comme l'épilepsie.
A noter que la convention sur les armes chimiques, ratifiée par Moscou en 1997, interdit l'utilisation des agents chimiques anti-émeute comme méthode de guerre.
Un exemple de l'utilisation de ces grenades lacrymogènes a été récemment fourni par des soldats russes eux-mêmes. Le 22 décembre 2023, la 810e brigade d'infanterie navale avait affirmé sur Telegram procéder à un «changement radical de tactique» contre les forces ukrainiennes à Krynky, dans la région de Kherson. Cette stratégie consistait à:
Ces déclarations étaient accompagnées d'une vidéo censée les confirmer. Quelques jours plus tard cependant, le post Telegram a été modifié, et toute référence aux grenades lacrymogènes enlevée. Selon le centre de réflexion «Istitute for the Study of War» (ISW), ce changement visait à occulter ce qui pouvait être la preuve d'une violation délibérée de la convention sur les armes chimiques.
Malgré le changement, la première version du message a largement eu le temps de faire le tour des médias occidentaux et des blogueurs russes, fournissant l'une des démonstrations les plus concrètes d'utilisation d'armes chimiques de la part de la Russie en Ukraine. (asi)