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Guerre contre l'Ukraine

Ce garde de la datcha de Poutine en Crimée se cache en Equateur

Cet ex-garde du corps de Poutine a le Kremlin aux trousses: il raconte

Vitaly Brizhaty était chargé de la protection de la datcha du président russe en Crimée. Après l'invasion de l'Ukraine par la Russie, il a fui en Equateur, où les hommes de main de Poutine le recherchent aujourd'hui. Il raconte son histoire à CH Media.
27.09.2023, 05:57
Ivan Ruslyannikov / ch media
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Vitaly Brizhaty a travaillé pendant de nombreuses années dans la police russe. Son travail consistait à inspecter des terrains avec des chiens pour détecter la présence d'explosifs. En 2021, il s'est vu proposer un poste au sein du service fédéral de surveillance, l'agence russe chargée de la protection de Vladimir Poutine et d'autres hauts fonctionnaires du gouvernement. Le bâtiment qu'il surveillait était la maison de vacances secrète de Vladimir Poutine, sa datcha, en Crimée annexée.

Après l'invasion russe de l'Ukraine, Brizhaty a tenté de quitter son emploi, mais il a été menacé par ses supérieurs. Fin 2022, il a quitté la Russie avec sa famille et s'est réfugié en Equateur. Selon ses dires, ses anciens collègues sont déjà à sa recherche là-bas.

Vitaly Brizhaty, ancien garde du corps chargé de surveiller la datcha de Poutine en Crimée.
Vitaly Brizhaty a fui la Russie fin 2022. Image: zvg

Nous avons contacté Brizhaty par Telegram. Après quelques hésitations, il a accepté de nous parler.

Comment se déroule la vie quotidienne au sein de la garde fédérale?
Ma mission consistait à me rendre avec des chiens sur les lieux d'explosions ou d'inspecter des objets suspects que quelqu'un avait laissés derrière lui. Mais la tâche elle-même est assez étrange.

«La plupart de mes anciens collègues soutenaient ouvertement l'attaque de la Russie contre l'Ukraine»

Ils parlaient de troupes de l'Otan près de la frontière, d'une sorte de laboratoire secret et d'autres absurdités qu'ils entendaient à la télévision. J'avais déjà déposé une demande de démission le 24 février 2022, mais le document n'a pas été accepté. Dès que l'on s'oppose au système, on devient automatiquement un paria.

«Tout le service est basé sur l'intimidation: on m'a menacé de prison parce que j'avais exprimé mon désaccord avec le fait de travailler pour le régime criminel de Poutine»

On m'a également dit que je serais poursuivi si l'un de mes amis aimait un post Instagram de soutien à l'Ukraine.

Où avez-vous effectué votre service?
Je travaillais en Crimée annexée, dans le village d'Oliva, où se trouve la datcha de Vladimir Poutine. C'est là, sur la côte sud de la Crimée, que se trouvent les datchas du directeur du FSB, Alexander Bortnikov, et de l'ancien président russe, Dmitri Medvedev, dans le voisinage de Poutine. Mon travail y était routinier, quand la guerre a commencé en Ukraine, la journée de travail s'est intensifiée et je travaillais 24 heures par jour.

«Le salaire n'était pas très élevé, environ 650 euros par mois»

Je contrôlais la zone deux fois par jour pour vérifier qu'il n'y avait pas d'explosifs et j'assurais la sécurité à l'arrivée de Poutine. Il est toujours appelé «le premier», son nom de famille n'est pas mentionné.

A quoi ressemble la maison de vacances de Poutine en Crimée?
C'est une mini-ville. Il y a un bâtiment administratif dans lequel nous n'avons pas eu le droit de pénétrer, une armée spécifique qui y vit, une armurerie, un groupe de plongeurs et des médecins. Chaque employé des services de garde fédéraux doit encore passer un test Covid une fois par semaine. Il y a des terrains de jeu, des salons de thé, des fontaines, des saunas. Des piscines ont été construites spécialement pour Poutine, un héliport a été aménagé et un bâtiment a été construit pour le hockey, sport auquel Poutine s'adonne parfois.

«Une clôture de six mètres de haut a été érigée autour du site et il est interdit de voler au-dessus du complexe de bâtiments»

Poutine s'y est-il rendu pendant votre mandat?
Oui, il est arrivé deux fois en avion, mais il n'y a pas passé la nuit. Poutine cache soigneusement ses mouvements, même à ses propres collaborateurs. Il peut y avoir des rumeurs selon lesquelles «le premier est arrivé», mais il n'est finalement même pas sur le territoire. Les seuls à pouvoir s'approcher de Poutine sont ses gardes du corps, une unité spéciale du service de sécurité fédéral. C'est une élite parmi les élites. En général, ils se rendent à l'avance sur les lieux que le président visitera plus tard et les inspectent.

«La plupart des employés du service de sécurité fédéral, qui assure la sécurité du président, n'ont jamais vu Poutine ou en tout cas ne l'ont jamais approché»

Il est donc pratiquement impossible que des membres de la garde fédérale puissent conspirer et commettre un jour un attentat contre Poutine?
La sélection des fonctionnaires du service de garde fédéral est organisée de telle sorte que presque tous pensent que leur mission est la bonne: assurer la sécurité du président russe. 80% des employés n'envisagent même pas de commettre un attentat contre Poutine. De plus, la guerre en Ukraine est perçue par beaucoup de mes anciens collègues comme une bonne opportunité de promotion.

Comment avez-vous réussi à quitter votre emploi?
Il est très difficile de démissionner. Ma lettre a été tout simplement déchirée par mon chef. Mes arguments selon lesquels je ne voulais pas participer de manière passive à l'attaque de la Russie contre l'Ukraine n'ont été considérés par personne comme un motif de licenciement.

«Au contraire, on m'a menacé d'une cour martiale»

Nous avons trouvé une autre solution: ma femme a obtenu un permis de séjour pour travailler en Equateur. Moi, en tant que son mari légitime, j'ai également obtenu un permis de séjour dans ce pays. J'ai informé mes supérieurs, ils ont mené une enquête interne et m'ont ensuite menacé de m'envoyer à la guerre. Ils m'ont dit:

«Bonne chance sur le front, tu vas d'abord partir à la guerre. Tu réalises que tu ne peux pas nous quitter aussi facilement, n'est-ce pas?»

Vous et votre famille vivez en Equateur depuis environ un an maintenant. Récemment, vous avez accordé une interview à une chaîne de télévision russe, dans laquelle vous avez parlé en votre nom propre de la maison de vacances de Vladimir Poutine. Pouvez-vous vous sentir en sécurité après cela?
Apparemment, cette conversation a attiré l'attention de mes anciens supérieurs. Récemment, un ancien collègue m'a envoyé un SMS:

«Ils viennent chez toi. Ne me réponds pas et efface mon numéro. Prends soin de toi!»

Et en effet, j'ai été informé que trois Russes s'étaient rendus en Equateur et me cherchaient. D'après ce que je sais, l'Equateur a sa propre mafia, et ici, il en coûte quelques centaines de dollars pour commander le meurtre d'une personne. Je ne sais pas exactement ce que ces trois Russes veulent de moi: me tuer, me ramener en Russie ou simplement me parler. Nous avons simplement fait nos bagages et déménagé dans une autre ville.

«Je suis un homme honnête et je dis la vérité»

Si mon histoire aide deux ou trois personnes à quitter les structures étatiques ou à ne pas participer à cette guerre sanglante, cela signifie que j'ai tout fait correctement. Je n'ai pas l'intention de retourner en Russie dans un avenir proche, car il est impossible de vivre sous ce régime répressif. Je vais chercher des perspectives pour moi dans d'autres pays. La Russie n'est actuellement pas un pays pour les personnes raisonnables.

(Traduit et adapté par Chiara Lecca)

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