La propagande russe frappe l'Ukraine où ça fait mal
Les vidéos sont troublantes. On y voit de jeunes hommes de l’armée ukrainienne en uniforme, au début de la vingtaine, filmés sur la banquette arrière d’un véhicule, en larmes. Ils déclarent avoir été mobilisés de force et redoutent de mourir au front.
Les réseaux sociaux sont inondés de ces séquences, qui toutes ont un point commun: elles sont générées par intelligence artificielle.
Un exemple 👇🏻
Selon une enquête de l'Observatoire européen des médias numériques (EDMO), évoquée par le Kyiv Independent, ces vidéos font partie d’une vaste campagne de désinformation orchestrée par la Russie. Les séquences ont été créées à l’aide de Sora, une application de création de vidéos basées sur l'intelligence artificielle et développée par OpenAI. Certaines d’entre elles comportent même encore le marquage Sora., leurs auteurs n'ayant même pas pris la peine de l'effacer.
Anton Kuchukhidze, politologue et cofondateur du groupe de réflexion United Ukraine, explique que ces vidéos visent trois publics principaux:
- Les Ukrainiens restés au pays.
- Les Ukrainiens vivant à l’étranger.
- Les soutiens internationaux de l’Ukraine.
L’objectif est d’affaiblir la cohésion nationale et de miner l'image du pays sur la scène mondiale. Pour toucher le plus grand nombre, ces vidéos circulent avec des sous-titres réalisés en plusieurs langues, comme en anglais et en allemand.
Semer le discrédit sur Zelensky
Ancien diplomate américain et enseignant en politique étrangère russe à l’université Johns Hopkins, Donald Jensen estime que la communication du Kremlin vise à démoraliser la société ukrainienne et à semer le doute sur la conduite de la guerre. Selon lui, Moscou cherche à saper les efforts de guerre de l’Ukraine en amplifiant les récits selon lesquels la mobilisation serait «cruelle, injuste et arbitraire».
Cette impression est renforcée par le fait que les «personnages» dans les vidéos insistent sur leur jeune âge. Or, l’âge minimum légal pour la mobilisation est de 25 ans. Ces messages visent à faire croire que l’Ukraine viole ses propres lois.
Selon un analyste de l’entreprise Letsdata, spécialisée dans la détection de la désinformation, ces vidéos visent aussi à diffuser un autre récit. Elles cherchent à faire croire que la guerre est avant tout celle de Volodymyr Zelensky, qui agirait comme un forcené, tandis que la population ukrainienne, elle, aspirerait en réalité à la paix.
Le recrutement reste critiqué
Les critiques concernant la mobilisation en Ukraine ne relèvent cependant pas uniquement de la propagande russe. Les centres de recrutement et de soutien social, chargés des convocations des recrues, sont réputés pour leur corruption. Selon plusieurs observateurs, il n’est pas rare que les hommes qui peuvent se le permettre parviennent à se soustraire au service militaire en versant des pots-de-vin.
Les hommes dépourvus d’argent ou de relations sont en revanche souvent victimes de violences lors de leur enrôlement. Parallèlement, de nombreux individus seraient incorporés dans l’armée alors même que leur état de santé ne leur permettrait pas d’assumer des tâches d’appui, encore moins un déploiement au front.
Les centres de recrutement semblent, en effet, peiner à mobiliser suffisamment de soldats aptes au service. A la mi-2024, plusieurs sources rapportaient que l’Ukraine cherchait à recruter environ 500 000 militaires pour renforcer ses troupes en première ligne.
Traduit de l'allemand par Joel Espi

