Un mois après l'attaque terroriste du Hamas, le temps s'est arrêté dans le kibboutz Kfar Aza, à cinq kilomètres de Gaza. Des maisons brûlées et des appartements dévastés témoignent de l'horreur qui a commencé ici le matin du 7 octobre. Des tapis tachés de sang, des murs criblés d'impacts de balles et des matelas appuyés contre des fenêtres brisées laissent deviner la lutte désespérée des habitants. Les corps des quelque 60 personnes assassinées ont pour la plupart été enterrés. On respire encore l'odeur de leur décomposition.
👉 Notre direct sur l'attaque du Hamas contre Israël 👈
Schahar Etinger revient sur les lieux pour la première fois depuis le massacre.
Le jeune homme de 25 ans, qui a grandi à Kfar Aza, s'est caché pendant 21 heures avec ses parents. Le long du chemin s'alignent des abris, chacun avec une ou deux petites chambres, un coin cuisine et une petite salle de bain.
Etinger raconte que ce sont surtout les plus jeunes des 750 habitants du kibboutz qui vivaient ici, à la périphérie du village. Trois de ses amis seraient probablement retenus en otage à Gaza. Sous des étagères renversées, on découvre des cadres brisés avec des photos de famille. L'affiche d'un slogan contre la réforme de la justice, portée jusqu'alors par le gouvernement d'extrême droite israélien, semble maintenant appartenir à une autre époque.
A une cinquantaine de mètres vers l'ouest se dresse la clôture de barbelés du kibboutz, derrière laquelle on distingue au loin les contours de la ville de Gaza. Le 7 octobre, dernier jour férié de la fête juive de Souccot, vers 7 heures, les assaillants ont percé la clôture à trois endroits. Lourdement armés, environ 70 combattants du Hamas ont pénétré dans le village à moto et en pick-up. Ils sont allés de maison en maison, ont fait exploser des portes avec des grenades ou ont allumé des feux pour condamner les habitants qui tentaient de fuir.
Il a fallu des heures aux soldats de l'armée israélienne pour atteindre le kibboutz et des jours avant qu'ils ne reprennent le contrôle de la zone. Les sauveteurs qui sont ensuite arrivés à Kfar Aza et dans d'autres localités frontalières ont vu des images horribles.
«Je me souviens d'une maison où il y avait un gâteau d'anniversaire sur la table et une odeur de chair brûlée», raconte Simcha Greinemann, un volontaire du service de sauvetage Zaka. Dans l'arrière-boutique, son équipe aurait trouvé les corps de trois adultes et de deux enfants brûlés, accroché les uns aux autres sur le sol de leur abri. Dans une autre maison, il a trouvé une femme nue, à moitié étendue sur son lit, touchée par derrière par une balle dans la tête.
«Je ne comprends pas comment les gens peuvent encore prétendre aujourd'hui que cela ne s'est pas produit», regrette Simcha Greinemann. Un mois après l'attaque, Israël compte plus de 1400 victimes, dont environ 240 retenues de forces dans la bande de Gaza. On soupçonne 18 habitants de Kfar Aza de faire partie des otages.
Une vingtaine de corps d'assaillants ont aussi été retrouvés dans le village. Ils ont également eu droit à des funérailles.
En Israël, beaucoup ont encore de la peine à comprendre l'ampleur du massacre. Les funérailles se poursuivent pour des victimes qui viennent seulement d'être identifiées. L'attaque est régulièrement qualifiée de pire traumatisme depuis l'Holocauste.
Depuis, la réponse israélienne est tout aussi ferme. Près de Kfar Aza, les canons d'artillerie tonnent de manière assourdissante. Lors de sa contre-attaque, l'armée a rasé en quelques semaines des quartiers entiers de la bande de Gaza. Cette guerre est déjà le chapitre le plus sanglant du conflit israélo-palestinien vieux de plusieurs décennies.
Le premier ministre Benjamin Netanyahu a déclaré à plusieurs reprises qu'Israël continuerait jusqu'à ce que le Hamas soit anéanti et les otages libérés. On ignore toutefois pour l'instant à quoi ressemblera une victoire sur le Hamas et comment la situation pourrait ensuite évoluer à Gaza. De plus, les soldats israéliens n'ont pu libérer qu'une seule des personnes enlevées.
La branche armée du Hamas a par contre annoncé que plus de 60 otages étaient portés disparus en raison des frappes aériennes. Ces informations ne peuvent pas être vérifiées. Dans la société israélienne, sous le deuil et le choc, la colère contre le gouvernement grandit. Des manifestations de plus en plus fréquentes ont lieu devant le quartier général de l'armée, le parlement et le domicile de Netanyahu à Jérusalem.
Les habitants de Kfar Aza et quelque 120 000 autres Israéliens ont dû quitter les zones frontalières de la bande de Gaza ainsi que la frontière nord avec le Liban pour se mettre à l'abri. Schahar Etinger et sa mère Edith vivent désormais à Naharia, dans le centre du pays. «Kfar Aza est ma maison», affirme la femme de 59 ans qui a accompagné son fils lors de son retour au kibboutz. Selon elle, cela fait plus de 40 ans qu'elle vit à la frontière de Gaza.
Mais avant cela, le Hamas doit disparaître.
Traduit par Valentine Zenker