Un avion, le nez planté à la verticale dans la végétation. Tout autour, les profondeurs de la jungle amazonienne, zone dans laquelle les guérilleros de la principale dissidence des anciennes FARC ont l'habitude d'évoluer. Voici pour le décor peu amical à travers lequel quatre enfants, Lesly (13 ans), Soleiny (9), Tien Noriel (4) et Cristin (1), ont dû survivre, démunis et livrés à eux-mêmes, pendant plus d'un mois. Les péripéties des équipes de recherche, qui ont tout fait pour les retrouver, ont tenu la Colombie en haleine jusqu'à ces deniers jours. Revenons aux balbutiements de cette invraisemblable épopée.
Nous sommes le 1er mai 2023. Dans la matinée, un avion Cessna 206 de la compagnie Avianline Charters décolle d’Araracuara, une région de Colombie située dans le département de l’Amazonas, pour un vol de 350 km au-dessus de la jungle. La destination de l'appareil? San José del Guaviar, l’un des principaux fiefs de l’Amazonie colombienne. A son bord, outre le pilote, une petite famille issue de la communauté autochtone Uitoto - quatre enfants et leur maman, ainsi qu'un de leur proche, un chef indigène. Les sept voyageurs sont loin d'imaginer que ce trajet chamboulera leur vie - ou la leur coûtera.
Alors que le petit groupe survole la jungle, le pilote signale un problème au niveau des moteurs. L'avion pique du nez, et, très vite, disparait complètement des radars. Des équipes de recherche sont mobilisées, mais la quête est fastidieuse. L'engin n'est retrouvé que le 15 juin, le nez piqué dans le sol.
A son bord, le corps du pilote, sans vie. Un jour plus tard, «sans que les militaires ne révèlent où exactement», précise BFMTV, c'est ceux de la maman et de son proche, qui sont retrouvés. Mais où sont donc les enfants? Le seul indice trouvé à ce moment sera un biberon, retrouvé grâce à l'habileté d'un chien de l'équipe, ainsi qu'un fruit mâché. La jungle, dans cette région particulièrement reculée, est très dense et dangereuse. Les sauveteurs savent que les recherches sont périlleuses en raison de la présence d’animaux sauvages, de la densité de la végétation - les arbres peuvent mesurer jusqu’à 40 mètres de haut - et de fortes pluies. Les bambins pourront-ils survivre seuls?
Deux jours plus tard, le 17 mai, coup de théâtre: les secours trouvent, tapi dans la végétation, un «abri de fortune fait de bâtons et de branches», indique que Huffington Post. De quoi présager d'une issue heureuse pour les enfants. La piste s'affine, alors que l'équipe retrouve de minces indices: des ciseaux, ainsi qu'un bandeau pour les cheveux...Plus tard, ce seront des traces de pas, encore fraîches, qui feront leur apparition. L'étau se resserre, mais sans conclusion définitive.
Pour les grands-parents, ainsi que le papa, l'attente est insoutenable. Le grand-papa lance une théorie: ses petits se seraient habitués à la jungle, et pourraient se cacher, par peur, depuis l'accident. Pourquoi, autrement, abandonneraient-ils des objets qui pourraient leur être utiles à la survie?
Entre-deux, certains s'emballent. Notamment le président Petro, qui tweete le 18 mai «une joie pour le pays», avant de se raviser et d'effacer la publication. En cause: le fait que les informations transmises au président la veille n’avaient pas pu être confirmées par les militaires. Comme l'explique l’Institut colombien du bien-être familial dans un communiqué:
Vendredi 19 mai, les forces militaires renforcent leur équipe de terrain de 100 à 150 hommes. Cette dernière est accompagnée d'indigènes autochtones qui connaissent bien la jungle. Selon Le Monde, des technologies satellitaires ont également été déployées pour tenter de déterminer le chemin que les enfants auraient pu emprunter.
L’armée de l’air se joint à l’opération de secours, qui est alors baptisée «Espoir». Trois hélicoptères survolent la zone, et un message enregistré par la grand-mère des enfants est diffusé à l’aide d’un haut-parleur. Elle explique aux petits qu'ils sont recherchés, et leur demande de rester où ils sont pour que les secours puissent les retrouver.
Dans la nuit de vendredi 9 à samedi 10 juin, les bambins sont enfin localisés.
Dimanche, une vidéo du moment de la rencontre entre les quatre enfants, loin de la civilisation depuis 40 jours, et leurs sauveteurs indigènes, est diffusée à la télévision publique colombienne. Les images, filmées au téléphone portable au milieu de l'épaisse végétation, sont fortes. On peut y apercevoir les quatre frères et soeurs, assis sur des bâches et emmaillotés dans des couvertures de survie, très amaigris, et nourris par l'équipe. Leurs pieds sont protégés par des bandelettes. Du haut de ses 1 an, la petite dernière, Cristin, se repose dans les bras de l'un de ses sauveurs.
Un avion médicalisé de l’armée colombienne transfèrera bien vite la petite troupe de survivants à Bogota. De son côté, le grand-père, Fidencio Valencia, bout de joie et d'impatience:
De son côté, le papa, Manuel Miller Ranoque Morales, a pu en dire plus sur les circonstances de la mort des adultes. Interrogé devant l'hôpital militaire de Bogota, il a ainsi révélé que la maman des bambins a survécu quatre jours au terrible accident, avant de succomber à ses blessures.
Certains proches interrogés par la presse ont souligné le fait que les enfants étaient habitués à la vie dans la jungle et savaient comment y survivre. Mais pour la grand-maman, pas de doute, c'est bel et bien grâce au caractère débrouillard et à la nature «guerrière» de l'aînée, Lesly, que la fratrie a pu rester en vie tout ce temps.
Les grands-parents assurent ne s'être jamais découragés. Ils souhaitent désormais aller de l'avant, et obtenir la garde des enfants «pour leur donner une bonne éducation». «Ce sera ma fierté. Ma fille [morte dans l’accident] me regarde, elle m’encouragera spirituellement et me donnera de la force», conclut, très émue, Fatima Valencia.
En revanche, Wilson, un chien de 6 ans qui s'est égaré en participant aux recherches, n'a pas pu être retrouvé, ont indiqué les autorités locales le 10 juin. C'est lui qui avait «mis le nez» sur la tétine de Cristin.