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Chemsex: «Mon mari est mort lors d'une séance»

«Mon mari est mort lors d'une séance de chemsex»
3MMC, drogue consommé par les chemsexeurs.image: capture d'écran

«Mon mari est mort lors d'une séance de chemsex»

Président de l'association Elus locaux contre le Sida, adjoint à la Mairie de Paris, Jean-Luc Romero alerte sur cette pratique qui touche principalement le milieu gay et qui est évoquée dans le drame impliquant Pierre Palmade.
15.02.2023, 18:4616.02.2023, 14:15
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On n'a jamais autant entendu parler de chemsex que depuis le drame de la route impliquant le comédien et humoriste Pierre Palmade. Mais qu'est-ce que c'est et qu'est-ce que ça provoque? Qui s'adonne à cette pratique et pourquoi? Engagé dans la lutte contre le Sida et dans la prévention contre les dangers du chemsex, le Français Jean-Luc Romero répond à toutes ces interrogations.

A quand remonte l’apparition de la pratique du chemsex dans le milieu gay?
Jean-Luc Romero: En Europe, le chemsex est apparu il y a dix ou quinze ans. Cette pratique a pris de l’ampleur avec le confinement consécutif au Covid-19, tous les lieux de sociabilité étant fermés. Avant le confinement, on estimait qu’environ 13% des homosexuels en France pratiquaient le chemsex au moins une fois dans l’année. Cette proportion se situerait aujourd’hui entre 20 et 30%, selon plusieurs études sur la sexualité.

Pourquoi le chemsex est-il avant tout une particularité gay?
Cela tient à un certain mal-être. Dans les profils des chemsexeurs, il y a beaucoup de séropositifs. Parce qu’ils se sont sentis rejetés, parce qu’ils ont éprouvé une culpabilité, pour oublier leur état, alors même qu’un traitement régulièrement suivi rend leur charge virale indétectable et rend de ce fait impossible toute transmission du VIH. On trouve aussi des personnes qui ont subi des violences sexuelles dans leur jeunesse. Par ailleurs demeure une certaine homophobie qui fait de l’homosexualité une pratique «non naturelle», d’où chez certains un refoulement qu'ils pensent pouvoir surmonter par la prise de drogues ou d’alcool.

Quels sont les âges liés au chemsex?
Lorsque le phénomène est apparu, il concernait surtout des gens dans la trentaine. Cela a évolué. Des jeunes aujourd’hui commencent malheureusement leur sexualité par le chemsex. Il est plus compliqué pour eux ensuite de retrouver une vie classique.

«Cela touche également les générations des 50-60 ans»

Quels sont les effets recherchés par le chemsex?
Ce qui est recherché, c’est une totale désinhibition dans l’acte sexuel, avec des produits qui ont des effets différents. Ce sont souvent des combinaisons qui ont pour but de donner plus de plaisir, plus de facilité à aller vers l’autre, avec des séances pouvant durer plusieurs heures, sinon plusieurs jours. Pour dire les choses de façon plus clinique, c'est un comportement qui consiste à prendre des substances psychoactives dans le but d'initier, faciliter, prolonger et intensifier les rapports sexuels.

Quelles sont ces substances?
En Europe, il y a deux grandes catégories de substances associées au chemsex. Premièrement, ce qu’on appelle la «G», soit du GHB, soit du GBL. Le GBL est un liquide incolore qui a une odeur et un goût chimique très fort, qu’on avale généralement avec un jus de fruits. Le GHB, aussi appelé drogue du violeur, est un liquide incolore, salé et inodore, qu’on trouve également en poudre et qu’on peut mélanger avec une boisson. Ce sont des substances qui désinhibent énormément et qui ne coûtent pas cher. Le GBL, moins d’un euro la dose, est en vente libre, en tout cas en France.

«C’est à la base un détergent qui sert à nettoyer les jantes de voiture, à enlever les graffitis, etc.»

La «G» est donc l’une des deux grandes catégories. Quelle est l’autre?
Ce sont les cathinones, des drogues de synthèse, produites en Chine, en Inde, aux Pays-Bas ou encore en Pologne. Parmi les cathinones, on trouve la 3MMC ou la 4MEC. Ce sont des poudres à des prix relativement abordables. La dose de 3MMC se situe autour de 30 euros.

«La consommation de ces cathinones se fait par sniff (inhalation), par slam (injection) ou encore par voie annale»

Et puis, il y a la cocaïne…
Oui, c’est une drogue qui n’appartient pas à la catégorie des cathinones et qui est surtout plus chère, aux alentours de 80 euros le gramme. A cela s’ajoute une drogue qu’on n’a pas encore nommée et qu’on retrouve dans le chemsex, la kétamine. C’est un anesthésique et analgésique à action rapide, dont les vétérinaires se servent pour endormir les chevaux.

Certains de ces produits sont-ils en vente libre?
La 3MMC, la plus utilisée en France, n’est pas légale. Mais elle l'était aux Pays-Bas il y a encore un an. Ce sont des produits qui ne nécessitent pas un deal en face à face, qu’on peut commander par téléphone portable et qu’on se fait livrer à une adresse postale.

«On ne pourra pas mettre un policier derrière chaque téléphone portable. Lorsqu’un de ces produits est interdit, il suffit de changer un élément dans la formule, des labos chinois sont très forts pour ça»

Il faut alors faire une nouvelle procédure d’interdiction, mais pendant ce temps le produit se diffuse. Les gouvernements sont démunis face au phénomène. C’est là qu’on voit que la pénalisation classique de tels produits ne fonctionne pas. Elle est même contraire à la vie, entre guillemets.

Pourquoi?
Les personnes n’osent pas appeler les secours en cas de pépin, parce qu’elles ont peur de voir arriver la police. C’est l'une des raisons qui explique un certain nombre de drames chez les consommateurs de chemsex. Je pense à ce qui est arrivé à mon pauvre mari.

Pouvez-vous le raconter?
Il avait eu une consommation de chemsex. La personne avec qui il était à ce moment-là n’a pas appelé les secours. Elle a attendu longtemps qu’une autre personne arrive. Malheureusement, ce temps-là lui a été fatal. Beaucoup, lorsqu’ils s’aperçoivent qu’un partenaire est dans un état comateux, qui peut durer une heure ou deux, attendent au lieu d’agir.

Quel est l’état des lieux des victimes du chemsex?
Justement, on manque en France d’un tel état des lieux. On sait, lorsqu’on s’informe auprès de centres de santé sexuelle, qu’il y a beaucoup de suicides associés au chemsex.

«Dans les centres de délivrance de PrEP, un traitement préventif contre le VIH, des responsables constatent que des usagers disparaissent de leur file active, soit parce qu’ils sont morts dans des séances de chemsex, soit parce qu’ils se sont suicidés»

A Paris, c’est un travail local de la mairie qui vient en aide au chemsexeurs, pour leur indiquer des endroits où trouver du matériel d’injection propre, où se faire soigner, où joindre des psys.

Est-ce suffisant pour faire face au phénomène?
Non, c’est totalement insuffisant. Les centres de santé sexuelle, les centres d’addiction sont débordés, ne peuvent plus répondre, il y a des listes d’attente. Les moyens qu’il faudrait ne sont pas là, ni en prévention, ni en information, ni en accompagnement, ni en testing des produits.

«10% des chemsexeurs sont hétérosexuels»

Le chemsex se diffuse-t-il aussi chez les hétérosexuels?
Dans l’étude «Sea, Sex and Chems», coordonnée par le docteur Dorian Sessa, psychiatre et médecin des armées, 10% des chemsexeurs étaient hétérosexuels. Cela reste marginal, mais cela peut tout à fait se développer.

Est-ce que le chemsex rend compte aussi de situations de prostitution? Dans le sens où la prise de chemsex peut être un moyen de faciliter l’acte sexuel?
Ça peut l’être, mais ce ne sera pas nécessairement du chemsex. Ça peut être de l’alcool. Le problème présentement avec le chemsex, c’est qu’on l’associe avec l’affaire de Pierre Palmade. Mais le drame terrible qui s’est produit, ce n’est pas parce qu’il aurait fait du chemsex avant, c’est par ce qu’il a conduit sous l’emprise d’une drogue. C’est totalement irresponsable de sa part. Mais ne confondons pas. Le chemsex tue parmi les personnes qui le pratiquent, pas celles qui n'en font pas consommation.

Ce qui est peut-être premier, dans le cas de Pierre Palmade, indépendamment du drame qu'il est suspecté d'avoir provoqué, ce n’est pas tant la prise de drogue ou d’alcool, qu’un profond mal-être, entre autres lié à un refoulement de sa sexualité, au sujet duquel il s'est déjà exprimé.
Oui, bien sûr. Des personnes qui ont l’impression de ne plus pouvoir trouver d’affection recourent à des moyens artificiels.

Etes-vous vous-même engagé dans la prévention contre le chemsex?

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Oui. J’ai écrit un livre qui parle de cela, Plus vivant que jamais! Comment survivre à l’inacceptable? (éditions Michalon), et à la Mairie de Paris, comme évoqué plus haut, nous avons élaboré un plan d’action dédié à cette prévention-là. Quelques jours avant le drame dans lequel Pierre Palmade est impliqué, en tant que président d’Elus contre le Sida, j’avais écrit aux maires des plus grandes villes de France pour leur dire qu’il y avait un impact de santé publique autour du chemsex et pour leur demander d'agir en conséquence.

Droguée au GHB dans un club vaudois, elle témoigne.
Video: watson
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