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Les répercussions de la guerre: «Cette fois-ci, ça peut être explosif»

Des militants pro-palestiniens manifestent à Londres après l'attaque du Hamas.
Des militants propalestiniens manifestent à Londres après l'attaque du Hamas.Image: AP PA

Attaques en Israël: «Ça peut devenir explosif en Europe»

C'est la grande crainte. Alors que se multiplient les propos antisémites lors de manifestations propalestiniennes, la montée en puissance de la répression israélienne à Gaza pourrait entraîner de violentes protestations en Europe et ailleurs. Le chef du Hamas, Ismaël Haniyeh, appelle «les musulmans à s’engager, chacun à sa manière, dans la bataille».
13.10.2023, 12:2515.10.2023, 12:24
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Des civils israéliens se font massacrer par centaines, mais ce sont des propalestiniens qui aussitôt manifestent à travers le monde leur soutien à la «résistance palestinienne» incarnée par le Hamas, l’exécuteur des massacres. Paradoxal. A première vue, comme le fait remarquer Rémi Baudouï, professeur de science politique à l’Université de Genève:

«Dans le monde arabe, chez les musulmans en général, Israël est l’oppresseur. L’action en soi criminelle du Hamas contre des civils israéliens est ici perçue comme le juste combat de l’opprimé contre la puissance occupante, d’où la notion de résistance.»

Antisémitisme musulman

De l’Israélien au juif, le pas est cependant vite franchi. «Il y a l’héroïsation de la lutte ancestrale contre les juifs», poursuit Rémi Baudouï. On touche ici à l’antisémitisme musulman, alimenté par un récit religieux puisant dans la tradition prophétique: les juifs ont trahi le prophète, Dieu les a maudits, etc. A ce propos et sous l’impulsion du prince héritier Mohamed Ben Salmane dans son rapprochement (mis en veilleuse?) avec Israël, l’Arabie Saoudite a entrepris de modifier l’image de singes associée aux juifs dans l’enseignement religieux du royaume.

Mais on est loin du retour en grâce. Les propos du chef du Hamas, Ismaël Haniyeh, qui auraient été enregistrés le 7 octobre, le jour de l’attaque terroriste, désignent les sionistes, autrement dit les juifs d'Israël, comme l’ennemi. Les atroces massacres perpétrés samedi dans les kibboutz de Beeri et Kfar Aza, faisant des dizaines de morts, dont de nombreux enfants, participent manifestement de ce nettoyage de la présence des juifs. Exhortant à mots couverts au djihad, Ismaël Haniyeh appelle:

«Tous les enfants de l’Oumma (réd: les musulmans), quelle que soit leur situation géographique, à s’engager, chacun à sa manière, dans cette bataille»

Bataille qui doit aboutir au départ des juifs de «cette terre» (la Palestine), celle des lieux saints de l’islam, avec Jérusalem pour capitale et la mosquée al-Aqsa pour emblème.

C’est à dessein que le chef du Hamas – dont la charte prône la destruction d’Israël – a nommé l’offensive du groupe armé islamiste «Déluge d’al-Aqsa», lui conférant une dimension religieuse censée galvaniser les musulmans du monde entier.

«Gazez les juifs», «beau et inspirant»...

Galvanisée, la petite foule propalestinienne rassemblée lundi soir devant l’opéra de Sydney l’était. Des «gazez les juifs!» ont retenti, déclenchant une enquête de la police australienne. D’autres mots entendus à cette occasion – «Allah Akbar», «Takbir» – se rapportent eux aussi à la tradition prophétique dans un contexte de combat.👇

A Brighton, en Angleterre, une militante propalestinienne a déclaré lors d’un rassemblement que ce qu’a fait le Hamas dans le sud d’Israël était «beau» et «inspirant». A Duisbourg, à Berlin, à Manchester, à Malmö, à Toronto, à Barcelone, avant même toute riposte israélienne d’envergure, parfois dès le 7 octobre, jour des massacres, se sont tenus des rassemblements propalestiniens.

Le souvenir traumatisant de 2014

«Takbir», «Allah Akbar» étaient les mots entonnés par des islamistes lors des manifestations propalestiniennes de juillet 2014 à Paris, certaines étant émaillées de violences et d’actes antisémites. C’était en réponse à l’opération militaire israélienne «Bordure protectrice», qui avait fait plus de 2000 morts parmi les Gazaouis, dont 300 femmes et 500 enfants, suite à des tirs de roquettes sur Israël.

A Paris, les manifestants islamistes se réclamaient justement du Hamas. A leur tête, chauffant la foule à coups de «Allah Akbar», un certain Abdelhakim Sefrioui. Il est aujourd’hui renvoyé devant les assises pour association de malfaiteurs terroriste criminelle dans l’assassinat du professeur Samuel Paty, le 16 octobre 2020 à Conflans-Sainte-Honorine, en France, par un jeune Tchétchène.

«Cette fois-ci, ça peut être explosif»

«Cette fois-ci, ça peut être explosif», redoute un Français d’origine algérienne, averti des tourments identitaires traversant les descendants de l’immigration maghrébine et subsaharienne. «Enfin, tout dépend du degré de violence de la réponse militaire israélienne à Gaza», nuance-t-il.

Notre interlocuteur, qui préfère garder l’anonymat, notamment par crainte de possibles répercussions sur un plan professionnel, estime que «les médias mainstream, télés, radios, journaux, ont verrouillé l’information, adoptant le récit israélien». Il ne nie pas le caractère terroriste de l’attaque du Hamas sur des civils israéliens, mais il pense que:

«Les médias, principalement audiovisuels, ne pourront pas minimiser les souffrances des Palestiniens, si Israël provoque des carnages parmi les civils»
Un interlocuteur français d'origine algérienne

«Un black-out, un déni, reprend-il, pourrait entraîner une forte réaction parmi les Français musulmans, d’autant que toute manifestation propalestinienne est pour l’heure interdite par le gouvernement, alors que les rassemblements en faveur d’Israël sont autorisés. Un sentiment d’injustice, le fameux deux poids, deux mesures réapparaîtrait», prédit-il.

«Une cinquantaine d’actes antisémites»

Alors que les attentats islamistes commis en France à compter de 2015 avaient en quelque sorte calmé les ardeurs des groupes propalestiniens, qui se gardèrent de démonstrations de force dans un pays «à cran» après le Bataclan et l'attentat antisémite de l'hypercacher, la tragédie du week-end dernier dans le sud d’Israël et la répression qui s’annonce terrible côté israélien, pourraient remettre les compteurs de la paix civile à zéro, pour le pire. «Une cinquantaine d’actes antisémites» – tags ou menaces verbales – ont été recensés par le ministère de l’Intérieur, qui a placé les synagogues et écoles juives sous protection. Certains tweets de La France insoumise, le parti de la gauche radicale de Jean-Luc Mélenchon, renvoyant dos à dos Israël et le Hamas, pas même qualifié de terroriste, sont jugés inflammables dans le contexte français.

«Chacun sait à quoi s’en tenir»

Le professeur de science politique à l’Université de Genève, Rémi Baudouï, ne s’attend pas nécessairement à des accès des violences en France et encore moins en Suisse.

«Le conflit au Proche-Orient entre Israël et des groupes palestiniens est plutôt bien compris dans son historicité. Les acteurs sont connus, les enjeux aussi. Chacun sait à quoi s’en tenir. Je ne vois pas les conditions d’une explosion de colère, mais il y a des impondérables.»
Rémi Baudouï, professeur de science politique à l’Université de Genève

Des impondérables qui ont pour nom les buts de guerre israéliens, le degré de violence dans la répression, l'entrée en guerre ou non du Hezbollah au nord d'Israël, le traitement réservé aux otages aux mains du Hamas, etc.

«Si nous, qui vivons en paix...»

Dans une série de tweets sonnant comme une réponse à l'appel masqué au djihad du chef du Hamas, l'islamologue français Rachid Benzine appelle à la paix. A la paix ici: «Si nous, qui vivons en paix, n’arrivons pas à débattre de nos désaccords en mettant la dignité humaine avant toute chose, comment les Israéliens et les Palestiniens le pourraient-ils un jour?», écrit-il.

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