International
Israël

Malgré le cessez-le-feu, «les gens ont peur» au nord d'Israël

«Un coup de feu et je suis morte»: avec les Israéliens qui ont peur

Après quatorze mois de guerre, le silence règne dans les rues de Schlomi, à la frontière libanaise. Même si les roquettes ont arrêté de voler, une semaine après l'entrée en vigueur du cessez-le-feu, seuls quelques habitants sont revenus.
04.12.2024, 11:5904.12.2024, 14:57
Felix Wellisch, Shlomi (colonie israélienne) / ch media
Plus de «International»

Le kiosque d'Elsi Tuamas est l'un des rares points de rendez-vous à Shlomi au nord d'Israël. Les ouvriers agricoles, les réservistes et les durs à cuire qui sont restés malgré la guerre s'approvisionnent ici en tabac, en alcool et en billets de loterie. La tenancière, Elsi, 30 ans, et son mari viennent tous les jours de Nahariya pour travailler dans leur kiosque.

«Je ne veux pas encore réemménager dans notre maison avec mes trois enfants»
Elsi

Depuis le balcon de cette chrétienne née au Liban, on aperçoit la frontière à quelques centaines de mètres à vol d'oiseau. «Un coup de feu et c'est fini».

Israël
Un client avec un fusil d'assaut dans le kiosque d'Elsi Tuamas à Schlomi.Image: Félix Wellisch

Un cessez-le-feu a mis fin aux combats pour soixante jours mercredi dernier. Cela n'empêche pas Israël de le violer quasiment tous les jours. Durant cette période, l'armée israélienne et le Hezbollah doivent se retirer du Sud-Liban. De l'autre côté, derrière la chaîne de montagnes, l'armée libanaise doit contrôler que la milice chiite soutenue par l'Iran ne revienne pas. Le calme qui règne à Shlomi n'inspire rien de bon à Elsi, qui a encore de la famille de l'autre côté de la frontière.

Mais elle reconnaît que le cessez-le-feu est une bonne nouvelle pour ses enfants. Elle est aussi contente que son mari, Joseph, ne soit plus dans l'armée. Celui-ci, justement, distribue du café à la clientèle. Il nous confie:

«Les gens ont peur que tout s'embrase à nouveau»

En fait, il s'appelle autrement. Chrétien libanais comme sa femme, il a fui en Israël en 2000 avec le départ des troupes d'occupation israéliennes. Par égard pour ses proches, il ne veut donc pas voir son nom dans le journal.

La famille Tuamas fait face à un dilemme. La grand-mère d'Elsi a fui les bombes israéliennes à Beyrouth et son oncle aurait été blessé aux jambes par des soldats israéliens. Pour autant, elle et son mari sont aujourd'hui eux-mêmes israéliens. Joseph, de son côté, a été légèrement blessé deux fois en tant que soldat à Gaza. Il est même revenu dans son ancien village natal au Liban pendant la guerre.

«Personne ici ne nous aime particulièrement. Les Juifs israéliens pensent que nous sommes des Palestiniens, de nombreux Libanais estiment que nous sommes des traîtres.»
Elsi Tuamas

Ainsi, à leurs yeux, le Hezbollah est tout aussi menaçant que leurs voisins juifs. Pour le prouver, Joseph sort de sous le comptoir des morceaux de roquettes gros comme le poing qui sont tombés devant le kiosque.

Israël
Joseph montre les débris d'une roquette tombée devant le kiosque.Image: Félix Wellisch

Avec sa clientèle, Elsi parle aussi couramment l'hébreu que l'arabe. Une cliente juive aux cheveux blancs tient à lui faire savoir son admiration:

«Pour moi, vous êtes les vrais héros, parce que vous avez continué à travailler malgré les combats»

Un million de Libanais déplacés

Le Hezbollah a tiré environ 8000 roquettes depuis le 8 octobre 2023. L'armée de l'air israélienne a répondu en multipliant les frappes aériennes. Conséquence: environ un million de Libanais et quelque 60 000 Israéliens ont été déplacés.

Israël a massivement affaibli la milice: celle-ci aurait perdu entre 3000 et 4000 combattants, selon l'agence de presse Reuters. D'après les données israéliennes, 80% de l'arsenal de roquettes du Hezbollah aurait été détruit. Presque tous les dirigeants ont été tués. Mais pour beaucoup à Shlomi, ce n'est pas encore suffisant:

«Si nous ne terminons pas le travail, c'est la prochaine génération qui en paiera le prix»
Joseph Tuamas

Beaucoup dans le nord d'Israël pensent comme lui: plusieurs communautés ont critiqué l'accord. Selon un récent sondage, 54% des Israéliens juifs du pays soutiennent la poursuite de la guerre.

Pour comprendre cela, il faut revenir au traumatisme du 7 octobre 2023, lorsque le Hamas a attaqué le sud d'Israël, tuant 1200 personnes et en enlevant 251. «Si le Hezbollah avait attaqué de cette manière il y a un an, je ne serais pas ici aujourd'hui», lance Ascher Yakuti, un agriculteur qui a rejoint la conversation.

Ce producteur d'avocats de 56 ans arrive du village voisin d'Avdon avec de la terre collée à ses bottes. Il clame haut et fort:

«J'étais contre le cessez-le-feu. Ils n'ont obtenu que sur quelques années de répit»

Sur ses doigts rugueux, il énumère les décennies passées: la guerre du Liban en 1982, plusieurs cycles de combats dans les années 1990. La guerre du Liban de 2006.

«Mais ça n'a jamais été aussi grave que cette fois-ci»
Ascher Yakuti

Une semaine seulement après son entrée en vigueur, le cessez-le-feu est déjà dangereusement ébranlé. L'armée israélienne a en effet mené plusieurs raids aériens au Liban dès le surlendemain de l'accord, les justifiant par de prétendues violations de la trêve par le Hezbollah, alors que celui-ci a tiré seulement ce lundi soir ses deux premiers obus de mortier par-dessus de la frontière. L'armée y a répondu par une nouvelle série de raids dévastateurs. L'espoir de paix s'amenuise ainsi un peu plus.

Adaptation française: Valentine Zenker

Après un sujet compliqué, voici des chats moches...
1 / 13
Après un sujet compliqué, voici des chats moches...
source: imgur
partager sur Facebookpartager sur X
Des monstres envahissent les rues d'Autriche
Video: watson
Ceci pourrait également vous intéresser:
1 Commentaire
Comme nous voulons continuer à modérer personnellement les débats de commentaires, nous sommes obligés de fermer la fonction de commentaire 72 heures après la publication d’un article. Merci de votre compréhension!
1
Trump a nommé ce héros, mais il y a un problème
Le 47e président des Etats-Unis a choisi Sean Curran pour prendre la tête du Secret Service, un proche de Trump qui est entré dans l'histoire en 2024. Le hic, c'est qu'il manquerait cruellement d'expérience.

Depuis la tentative d'assassinat contre Donald Trump à Butler, en Pennsylvanie en juillet dernier, l'agence notamment chargée de la protection rapprochée du président est surveillée à la loupe. Rappelez-vous, en plein meeting, un individu qui s'était hisser sur un toit aux alentours avait égratigné l'oreille du milliardaire d'une balle de fusil, sans être inquiété.

L’article