Voitures klaxonnant, drapeaux du Hezbollah, tirs de joie en l'air: les partisans de la milice chiite au Liban célèbrent le cessez-le-feu dans la guerre contre Israël comme une victoire. Le Hezbollah a annoncé que la résistance contre Israël se poursuivrait. L'Iran a félicité la milice d'avoir détruit «le mythe de l'invincibilité israélienne». Cette propagande dissimule une part de la réalité: la défaite manifeste du Hezbollah et de l'Iran dans une guerre qui a fait basculer le rapport de force au Proche-Orient en faveur d'Israël.
Le Hezbollah et l'Iran rappellent qu'en vertu des accords de cessez-le-feu, Israël doit se retirer du sud du Liban. Le premier ministre israélien Benjamin Netanyahou a dû admettre que son armée avait besoin de souffler un peu. Le Hezbollah se célèbre donc comme le protecteur de la souveraineté libanaise. Un peu comme l’avait fait après la dernière guerre contre Israël en 2006.
Il existe toutefois des différences importantes entre le passé et la situation actuelle. Le groupe paramilitaire est sorti indemne de la guerre il y a 18 ans. Cette fois-ci, il a perdu son chef de longue date Hassan Nasrallah, la plupart de ses commandants et une grande partie de ses armes. Même avec des dizaines de milliers de missiles, la milice n'a pas réussi à vaincre Israël.
Les services secrets israéliens, le Mossad, ont infiltré le Hezbollah et ont fait exploser des milliers de récepteurs radio du groupe. Un débat s'engage désormais au Liban pour savoir si l'Etat peut se libérer de la tutelle du Hezbollah.
Kristof Kleemann, chef de projet de la Fondation Friedrich Naumann à Jérusalem et ancien directeur du bureau de la Fondation à Beyrouth, déclare:
Et de poursuivre: «C'était à prévoir, mais cela n'a pas grand-chose à voir avec la réalité», estime Kleemann. Selon lui, le Hezbollah a perdu sa force de dissuasion et le soutien de la population libanaise. En bref, le poids stratégique de la région a changé de camp.
Ce basculement est la conséquence de la supériorité israélienne, mais aussi des mauvais calculs du Hezbollah et des dirigeants iraniens. Lorsque le groupe paramilitaire a commencé à tirer ses roquettes sur Israël après le début de la guerre de Gaza en octobre 2023, en soutien au Hamas, la milice et son protecteur iranien pensaient que le conflit resterait limité.
Le Hezbollah s'attendait à pouvoir imposer une suspension des combats à Gaza, en collaboration avec l'Iran et les Houthis au Yémen, également soutenus par l'Iran, conclut Joshua Landis, spécialiste du Moyen-Orient à l'université de l'Etat américain de l'Oklahoma. Mais cela s'est avéré être une erreur fatale. Israël n'a pas seulement riposté, mais a attaqué avec une force à laquelle le Hezbollah et l'Iran ne s'attendaient pas.
Jusqu'à l'attaque du Hamas contre Israël, le conflit – entre Israël d'une part et l'Iran et ses alliés comme le Hamas, le Hezbollah et les Houthis d'autre part – suivait des règles fixes, même si elles n'étaient pas écrites. L'une d'entre elles consistait en ce que le conflit ne devait pas dégénérer en guerre.
A la suite du triste 7-octobre, Israël a mis fin à cela en tuant Nasrallah à Beyrouth, des commandants iraniens en Syrie et le chef du Hamas Ismail Hanijah à Téhéran. Les avions de combat israéliens ont bombardé les caches des dirigeants du Hezbollah sans se soucier des victimes civiles. Malgré tout, les Etats-Unis et l'Europe ont maintenu leur soutien.
Les nouvelles règles du conflit au Proche-Orient sont désormais dictées par Israël, comme le montre l'accord sur le cessez-le-feu au Liban. Le Hezbollah a dû renoncer à son objectif principal, qui était de ne mettre fin à la guerre au Liban si les combats à Gaza cessaient en même temps. L'arbitre suprême dans le contrôle du cessez-le-feu sont les Etats-Unis, l'allié le plus proche d'Israël et l'ennemi juré de l'Iran.
L'issue de la guerre entre le Hezbollah et Israël est également un coup dur pour Téhéran. La République islamique ne peut plus compter sur le Hezbollah – jusqu'à nouvel ordre – en tant qu’avant-poste iranien à la frontière israélienne. Elle a perdu sa crédibilité auprès de ses alliés en Irak, au Yémen et en Syrie en ne venant pas en aide au Hezbollah.
Même la récente attaque israélienne sur le territoire iranien n'a pas encore fait l'objet d'une réponse de la part de l'Iran, malgré de nombreuses annonces, car il craint une riposte dévastatrice d'Israël et de l'Amérique. Le Hezbollah et l'Iran ont perdu plus qu'une guerre en 2024.
Traduit et adapté de l'allemand par Léon Dietrich