Cinq enfants se précipitant au chevet de leur milliardaire de père malade, admis aux soins intensifs. Cinq demi-frères et demi-soeurs en compétition, sur le point de se disputer l'empire créé par leur géniteur à partir de rien. Le pitch vous dit quelque chose? Nous ne sommes pourtant ni dans Succession, ni dans Top Model. Mais dans le drame bien réel de la famille Berlusconi. Le Cavaliere est décédé ce lundi, à l'âge de 86 ans.
Pour récupérer les parts et les rênes de la société familale, cinq concurrents en lice: Marina, Pier Silvio, Barbara, Eleonora et Luigi. Cinq personnages discrets ayant toujours évolué dans l'ombre paternelle, sur le point de devoir affronter les projecteurs. Peu présents dans les médias, ils contrôlent leurs apparitions et leur réputation avec maniaquerie. C'est commode, quand papa a la main sur les magazines people les plus influents d'Italie.
Contrairement à la série HBO, la succession du mastodonte italien semble toute tracée. Pas de surprise pour le prochain épisode, c'est à Marina, sa «préférée», qu'il incombe de reprendre la tête de l'empire.
A 56 ans, l'aînée de la fratrie semble toute désignée. Présidente de Fininvest, société de holding financier de la famille qui contrôle la chaîne de télévision Mediaset, les Editions Mondadori et détient des participations dans diverses services financiers, elle a tout appris aux côtés de son père.
Meilleur cerveau d'affaires du clan, considérée comme la plus proche de Silvio, elle partage avec son père son hyper-activité et son instinct impitoyable, ainsi qu'une réputation de féroce négociatrice.
A l'inverse de Silvio, toutefois, on dit Marina discrète, si ce n'est timide. D'aucuns prétendent qu'elle serait tentée de reprendre la tête du parti de son père, Forza Italia. Peu probable, affirment des initiés. Dans l'esprit de l'aînée, la carrière politique du paternel a été un frein à l'entreprise. «Elle est trop timide, trop dans les coulisses et aime trop le business. Au mieux, elle sera une faiseuse de rois, en choisissant le prochain leader de Forza Italia», analyse Alan Friedman, biographe de Berlusconi, au Times.
Deuxième dans la lignée Berlusconi: Pier Silvio, 53 ans, qui a également taillé ses armes dans la société de son père. Plus intéressé par les médias que le côté financier, il dirige la chaîne de télévision familiale Mediaset. Entre deux séances de rédaction, il cultive sa plastique et son goût du culturisme à la salle de sport. Pier Silvio vit en couple depuis une vingtaine d’années, avec une animatrice de télévision italienne.
Jusque-là, tout va bien. C'était sans compter sur la vie amoureuse trépidante du Cavaliere et sa liaison avec l'actrice Veronica Lario, en 1980, dont naîtront trois autres enfants. Devenue sa deuxième épouse en 1990, Veronica Lario finira par quitter son époux turbulent avec pertes, fracas et insultes publiques, lassée de son infidélité et de son goût pour les très jeunes femmes.
Vous avez tout suivi? Non? Ce n'est pas grave. Retenez simplement que, au terme de ce divorce très médiatisé, les trois plus jeunes enfants de Silvio Berlusconi, Barbara, Eleonora et le petit dernier, Luigi, récupèrent leur part du cadeau. Leur mère, très protectrice, y a veillé - ce qui ne sera pas sans créer quelques tensions dans la famille, dit-on.
Barbara, née dans le canton de Bâle en 1986, n'occupe aucun poste dans l'entreprise médiatique de son père. Après avoir brigué un job bien placé au sein de l'AC Milan (longtemps propriété de Silvio, jusqu'à ce qu'il soit vendu), elle a ensuite brièvement fréquenté un attaquant brésilien vedette de l'équipe. Depuis, elle vit en Suisse et se concentre sur l'éducation de ses cinq enfants.
Sa cadette, Eleonora, 36 ans, s'est toujours tenue à l'écart de toute forme de business familial. Selon le Times, elle est établie à Londres dans une maison victorienne au large de Ladbroke Grove, avec son partenaire britannique, Guy Binns, mannequin de profession.
Quant au plus jeune fils Luigi, 34 ans, il est resté dans la ville natale de la famille, Milan, et a investi chez UPS. Le plus jeune fils du clan est également le plus discret. Luigi laisse peu de traces sur la toile et les médias.
Malgré des rumeurs persistantes de brouilles familiales, la tribu dément fermement toute rupture et affiche une apparente unité. Il en faudra pour se partager les 7 milliards d'euros de fortune, les villas, la flotte d'avions et d'hélicoptères ou le yacht. A n'en pas douter, leur père, qu'on prétend «marqué par l’obsession de consolider son héritage» a pris soin d'y réfléchir depuis longtemps.
En ce qui concerne la société familiale Fininvest, Marina et Pier Silvio, les deux aînés, détiennent déjà près de 8% chacun. Les trois autres enfants possèdent conjointement 21,4%. Reste à savoir comment leur père a décidé de répartir les 61% restants.
Les médias économiques formulent deux hypothèses: l'un avance que les parts du «chevalier» seront réparties à parts égales entre ses cinq enfants. Une autre suggère que Silvio Berlusconi a laissé la part libre de l'héritage (un tiers) entre les mains de Marina et de Pier Silvio, leur garantissant plus de pouvoir que leurs demi-frères et soeurs et un contrôle de l'entreprise sans équivoque.
Quant aux nombreuses femmes qui ont partagé sa vie, rien ne dit qu’elles toucheront quoi que ce soit - y compris la dernière en date, Martina Fascina, de 33 ans sa cadette, qu’il a épousée en mars 2022. Aucune information n'a filtré quant à un éventuel testament.
Si le journaliste Sandro Orlando, du magazine italien Oggi, s'attend à «voir de la rancœur», en fonction de la manière dont les 61% seront répartis et des rôles laissés aux trois plus jeunes enfants, d'autres ne partagent pas ce pessimisme.
C'est le cas du biographe Alan Friedman, qui a assisté aux déjeuners de famille. L'expert minimise les rumeurs de tensions familiales, pour la simple et bonne raison que les enfants Berlusconi seraient pragmatiques. «Tout le monde s'en remet à Marina parce qu'ils savent qu'elle maximisera la valeur actionnariale pour eux».
Pas de scénario digne de Succession en vue? Que la transition s'opère ou non en douceur, une chose est sûre: l'empire médiatique que Silvio Berlusconi lègue à ses enfants se trouve en position de faiblesse, dans une industrie révolutionnée depuis les années 1980. La suite, ses acteurs nous la diront.