«Nous portons sur nos épaules la responsabilité historique de consolider la démocratie des majorités changeantes et de faire enfin entrer l'Italie dans la troisième République», a déclaré Meloni ce week-end, non sans pathos. Selon son discours, une réforme constitutionnelle devrait permettre d'ouvrir «un nouveau chapitre de notre histoire», dans lequel l'exécutif serait plus stable et la gouvernance plus efficace.
Selon Meloni, la voie vers la «troisième république» (le nombre augmente à chaque modification de la constitution – la dernière date de 2001) passe par l'élection directe du chef de gouvernement, accompagnée d'un système électoral majoritaire. Le système électoral actuel comporte à la fois des composantes proportionnelles et majoritaires.
L'objectif de la réforme est clair: il s'agit de renforcer la position du chef du gouvernement – au détriment du président de la République qui, en Italie, joue un rôle clé dans la formation du gouvernement et, surtout, dans les fréquentes crises gouvernementales. Le président nomme le Premier ministre et, sur proposition de ce dernier, les ministres. Il est le seul à détenir le pouvoir de dissoudre le Parlement et de convoquer de nouvelles élections.
Selon Meloni et d'autres représentants du gouvernement de droite, le président conservera ces pouvoirs, mais sa liberté de choix sera fortement réduite, notamment pour la nomination du Premier ministre. Le président risque ainsi de devenir une sorte de notaire qui se contentera d'apposer sa signature lors de la formation du gouvernement.
L'opposition est alarmée par ce développement. L'ex-Premier ministre et actuel chef du Mouvement 5 étoiles Giuseppe Conte estime que la réforme vise à «priver le Parlement de ses pouvoirs», à «vider la Constitution de sa substance» et à réinstaller à la tête de l'Etat un «uomo solo al comando», c'est-à-dire un dirigeant unique. Le projet de Meloni a été qualifié de «dangereux et confus» par le parti libéral de centre-droit +Europa. Elly Schlein, cheffe du parti social-démocrate Partito Democratico (PD) et donc du plus grand parti d'opposition, refuse catégoriquement d'approuver la réforme.
L'Italie a déjà connu un «uomo solo al comando», à l'époque sombre du dictateur fasciste Benito Mussolini. Le fait que Meloni ait fait toute sa carrière politique dans des mouvements et des partis post-fascistes ne contribue pas non plus à rassurer ses adversaires.
Toutefois, l'élection directe du Premier ministre n'est pas a priori une préoccupation autoritaire, voire fasciste: les anciens chefs de gouvernement Silvio Berlusconi et Matteo Renzi (alors chef du PD) avaient également présenté des réformes constitutionnelles prévoyant l'élection directe. Tous deux ont essuyé un échec cuisant lors des référendums.
La réforme de Meloni pourrait connaître le même sort. Le risque d'échec dépendra en premier lieu de l'ampleur de la réduction effective des pouvoirs du président de la République. Le chef de l'Etat jouit d'une énorme sympathie auprès des électeurs italiens, car les présidents sont perçus comme des garants non partisans de la démocratie et de l'ordre constitutionnel – contrairement au gouvernement.
Selon les sondages, 70% de la population fait confiance à Sergio Mattarella, l'actuel titulaire du poste. Giorgia Meloni est le membre du gouvernement le plus populaire et recueille 40% d'opinions favorables.
Giorgia Meloni sait combien il est difficile de réformer l'Etat en Italie lorsque les changements proposés touchent le président de la République, et elle se gardera donc d'être trop entreprenante vendredi prochain, lorsque le gouvernement discutera – et approuvera peut-être – le projet, dont les détails n'ont pas encore été publiés.
Sa prudence se manifeste déjà dans la date prévue pour l'entrée en vigueur de la réforme: 2029, c'est-à-dire à la fin du deuxième mandat de Mattarella. Personne ne doit pouvoir lui reprocher de vouloir détrôner le chef d'Etat en exercice avec cette réforme.
Traduit et adapté de l'allemand par Léa Krejci