«Ces personnes sont capables de tout, nous nous attendons au pire.» Alessia Crocini n’y va pas par quatre chemins quand il est question d'aborder une possible victoire de la candidate d'extrême droite, Giorgia Meloni, aux élections parlementaires italiennes, prévues ce dimanche. La présidente de l'association Famiglie arcobaleno, qui se bat en faveur des familles homoparentales, est inquiète. Et elle n'est pas la seule. Plusieurs membres de la communauté LGBTQI+ attendent les résultats du scrutin avec préoccupation.
Giorgia Meloni mène une coalition de droite qui trône en tête des sondages. Créditée à 23% des intentions de vote, la candidate de Fratelli d'Italia (FdI) pourrait devenir la prochaine présidente du Conseil des ministres.
Elle et son parti se distinguent par une rhétorique très agressive vis-à-vis des minorités, tant ethniques que sexuelles. En faveur de la «famille traditionnelle», elle dénonce un supposé «lobby LGBT» et est ouvertement opposée à l'adoption d'enfants par les couples du même sexe. Récemment, un épisode de la série animée Peppa pig où on voyait un personnage avec deux mères avait scandalisé sa formation politique, qui avait contribué, l'année passée, à empêcher l'adoption d'une loi contre l'homophobie.
«On est déjà privé de droits aujourd'hui; l'élection d'un gouvernement ouvertement homophobe ne peut qu'empirer les choses», affirme Alessia Crocini. Et d'ajouter:
Cristina habite dans le nord de l'Italie et partage le point de vue d'Alessia Crocini. «Je pense aujourd'hui que Giorgia Meloni constitue une menace gigantesque pour la communauté LGBTQI+, à laquelle j'appartiens en tant que femme lesbienne», explique-t-elle. Ça n'a pourtant pas toujours été le cas.
Il y a quelques semaines encore, une victoire de la droite aux élections n'inquiétait pas particulièrement la jeune femme, du moins «pas plus qu'un discours de plus en plus populiste, fortement nationaliste et totalement intolérant à l'égard des minorités».
Cette vision désabusée laisse bientôt la place à la préoccupation. Le déclic arrive lors d'un dîner, où Cristina découvre qu'une amie proche, également appartenant à la communauté LGBTQI+, a fait «une véritable crise d'angoisse» en pensant à la campagne électorale de Giorgia Meloni et à la réelle possibilité de sa victoire.
«Et quelques jours plus tard», poursuit-elle, «en surfant sur Internet, je suis tombé sur des commentaires adressés à un couple de parents homosexuels, qui m'ont particulièrement frappée». Ce ne sont pas tant les «insultes habituelles» qui ont choqué la jeune femme, que les références directes aux élections.
«Des commentaires parlaient d'un "nouvel Holocauste" enfin en route, d'une "déportation" imminente. D'autres disaient qu'il était temps de rouvrir les fours crématoires ou, encore, de nous laisser nous noyer dans la mer "avec une chaîne autour des pieds"», énumère-t-elle.
Et c'est précisément en ce sens que, selon la jeune femme, la victoire de Giorgia Meloni constitue une menace: ses déclarations ont des répercussions concrètes dans la vie quotidienne des gens. «Par ses tons agressifs et exaspérés, elle légitime des attitudes débordantes de haine, de violence et d'intolérance», se désole-t-elle.
«Les crimes de haine et les attaques contre les membres de la communauté LGBTQI+ ont augmenté de façon exponentielle ces derniers mois», confirme Alessia Crocini.
Elisa, qui habite également dans le nord de l'Italie, relativise. «Les attaques de Giorgia Meloni m'agacent, mais ne me blessent pas, car je les ai toujours ressenties comme étant très éloignées de la réalité», témoigne-t-elle.
La jeune femme a tout de même constaté «une dégradation» du débat politique relatif à la communauté LGBTQI+ lors de cette dernière campagne électorale. «Dans le cercle des gens que je fréquente, Meloni a toujours été considérée comme une personne honteuse», poursuit-elle. «L'idée même qu'elle puisse entrer au gouvernement est paradoxale.»
Il s'agit pourtant d'un scénario plus que probable. Si la candidate de Fratelli d'Italia remporte le scrutin, que pourrait-elle faire, concrètement? La présidente de Famiglie arcobaleno lance quelques pistes. «Elle pourrait faire pression sur les tribunaux, dernièrement favorables à l'adoption des beaux-enfants par les couples LGBTQI+, ou entraver les efforts menés en ce sens au niveau local.»
Par le passé, Giorgia Meloni avait présenté un projet de loi visant à rendre illégale la gestation pour autrui, même si elle est pratiquée à l'étranger dans des pays où elle est permise. «Des couples qui se rendent aux Etats-Unis ou au Canada pour avoir un enfant, ce qui se produit actuellement, pourraient ainsi être arrêtés à leur retour en Italie», commente Alessia Crocini. «C'est une situation absurde.»
Les craintes de Cristina ne sont pas partagées par tout son entourage. «Une partie de ma famille votera pour Giorgia Meloni le 25 septembre, bien qu'elle se déclare en désaccord avec ses positions sur les droits des LGBTQI+», raconte-t-elle.
Alessia Crocini refuse, de son côté, de voir tout sous une lumière négative. Tout en affirmant que l'Italie est «un pays ancien et conservateur», elle estime qu'un changement positif s'est opéré ces dernières années, notamment depuis l'adoption de la loi sur les unions civiles.
«Malheureusement, nous savons que la réaction est particulièrement forte lorsque les droits des minorités se rapprochent de ceux de la majorité», regrette-t-elle. «On peut dire que le niveau de confrontation s'est élevé.»
Pas de quoi se laisser décourager. «Quand Giorgia Meloni affirme que les homosexuels ne vont jamais avoir le droit d'avoir des enfants, elle sous-entend que les familles homoparentales n'existent pas en Italie. Or c'est faux, c'est une réalité qui existe et ne cesse de croître», affirme Alessia Crocini, elle-même mère d'un enfant de huit ans. Et de conclure: