Le Japon traverse une période de turbulences politiques. En septembre 2025, le Premier ministre Shigeru Ishiba a donné sa démission, épuisé par des mois de tensions internes et fragilisé par une popularité en chute libre. Le Parti libéral-démocrate (PLD), qui domine la vie politique depuis l’après-guerre, doit désormais lui trouver un successeur. Cette élection interne, prévue pour le 4 octobre, s’annonce comme un moment décisif: le vainqueur deviendra automatiquement Premier ministre.
Au milieu de cette bataille de pouvoir, un nom revient sans cesse: Sanae Takaichi.
Rien ne prédestinait pourtant celle que certains surnomment l'«Iron Lady japonaise» à briguer le poste le plus convoité du pays. Née en 1961 dans une famille modeste de Nara, Sanae Takaichi a bâti son parcours à la force du poignet. Faute de moyens, ses parents décident de privilégier les études de son frère, laissant Sanae Takaichi étudier à proximité de Nara. En 1985, bien qu'acceptée aux prestigieuses universités de Waseda et Keio à Tokyo, elle rejoint l’Université de Kobe. Deux ans plus tard, elle part aux Etats-Unis comme assistante parlementaire auprès de la sénatrice démocrate Patricia Schroeder, une expérience qui aiguise son intérêt pour la politique.
A son retour au Japon, elle obtient un diplôme à l’Institut de politique Matsushita. Après une brève expérience à la télévision, elle participe à la création du Parti libéral démocratique japonais (PLD) en 1994. Pas à pas, elle grimpe dans la hiérarchie et du gouvernement, jusqu’à devenir ministre de la Sécurité économique en 2022.
Son surnom d'«Iron Lady japonaise» lui vient de son admiration revendiquée à plusieurs reprises pour Margaret Thatcher, Première ministre britannique de 1979 à 1990, connue pour son style de leadership ferme et son rôle central dans la politique conservatrice du Royaume-Uni. Une comparaison qui en dit long sur l’image qu’elle veut projeter.
Sanae Takaichi's recent reveal that her idol is Margaret Thatcher is a worrying sign.
— 🇯🇵 Colonel Otaku Gatekeeper 🇯🇵 (@politicalawake) August 12, 2025
Neoliberalism turns a country into cultureless economic zone where everything is owned by foreign capital that lobbies government to import a low wage immigrant class.
Sanae Takaichi is making… pic.twitter.com/zjelWI6kPC
En effet, Sanae Takaichi ne se contente pas de suivre les lignes du parti. En 2024, elle a déjà failli renverser Ishiba lors de l’élection interne du PLD. Battue au second tour, elle refuse ensuite tout poste dans son cabinet. Un geste clair: elle veut tracer sa propre voie, sans compromis avec celui qu’elle juge trop modéré.
Sanae Takaichi incarne une ligne nettement plus dure et conservatrice. Sur le plan intérieur, elle s’oppose au mariage homosexuel, rejette les quotas pour les femmes et défend bec et ongles le modèle familial traditionnel. Sur la scène internationale, son discours est tout aussi tranché. Pékin, selon elle, est une menace directe. Elle milite pour muscler l’armée japonaise, protéger les îles Senkaku et bâtir un front commun avec Taïwan, l’Inde, l’Australie et l’Europe. En avril 2025, elle s’est même rendue à Taïwan pour prôner une coopération renforcée en matière de défense et de technologies.
Aujourd’hui, deux candidats se dressent sur son chemin dans la course à la succession d’Ishiba: Shinjiro Koizumi, ministre de l’Agriculture et fils d’un ex-Premier ministre charismatique, Yoshimasa Hayashi, actuel secrétaire en chef du cabinet.
Mais Sanae Takaichi est bien décidée à ébranler les murs d’un bastion masculin. Car, si elle parvient à prendre la tête du Parti libéral-démocrate, ce ne sera pas juste un changement de chef: ce serait un moment historique.
Depuis la fin de la guerre, le Japon a vu défiler des dizaines de Premiers ministres, mais jamais une femme n’a accédé à ce poste. Dans un pays où la politique reste un milieu majoritairement masculin, son arrivée au sommet du pouvoir briserait un plafond de verre vieux de près de 80 ans.
Les sondages lui sont favorables, mais le chemin est encore long. Tout dépendra de sa capacité à rallier les différentes factions du PLD et à séduire un électorat japonais partagé entre désir de changement et attachement aux traditions.