La sororité, cette solidarité entre femmes promue par le discours féministe, ne devrait pas résister à l’adversité. Dimanche 12 juin, au premier tour des élections législatives françaises, deux Sandrine Rousseau s’affronteront dans la même circonscription, la neuvième de Paris. Sur le papier, tout les sépare, le style et les idées.
L’une, la vraie Sandrine Rousseau, serait-on tenté de dire, est connue, du moins s’est fait connaître. Mince, le cheveu poivre et sel, souvent en pull et pantalons, un poste de vice-présidente de l’Université de Lille (on l’y voit peu), elle est l’égérie des Verts français, canal radical. Candidate à la primaire écologiste en amont de la présidentielle, elle a été battue en finale par Yannick Jadot, pour qui elle aura été un boulet de bout en bout.
Faisant preuve d’un certain cran – Twitter n’est pas tendre avec elle – elle multiplie les propositions audacieuses, loufoques disent ses contradicteurs, telle celle qui consiste à vouloir pénaliser les conjoints insuffisamment assidus aux tâches ménagères. Aux législatives, cette citadine affiliée à Europe Ecologie Les Verts, défend les couleurs de la Nupes, la coalition de gauche emmenée par Jean-Luc Mélenchon.
Face à elle, Sandrine Rousseau, auxiliaire en puériculture. Campagnarde revendiquée, Normande, même, c’est tout dire, sa candidature parisienne est un coup vache pour son homonyme. Cette seconde Sandrine Rousseau représente Le Mouvement rural (LMR), ex-Chasse, pêche, nature et traditions (CPNT).
LMR a voulu se faire un coup de pub en bombardant cette ressortissante de la ruralité normande dans le saint de saints des «élites déconnectées», comme disent les populistes et autres citadins pénitents, bien d’accord pour déplorer qu’à Paris, on ne soit pas fichu de connaître le prix du litre de gazole à la pompe de Montcuq.
La candidate de la côte de bœuf défiera donc la candidate no steak. «Il faut unir les campagnes et les villes. Depuis quelques années, les politiques essaient de diviser la France et cet ostracisme ne nous convient pas. Les habitants des villes ont des racines rurales, nous voulons leur faire partager ce que nous vivons», défend cette habitante de l’Eure, département plus vert que l’Irlande, patrie du cidre et des haras.
Sandrine Rousseau, la «vraie», n’apprécie pas la démarche de sa concurrente, dont l’un des buts est de créer une confusion homonymique, préjudiciable à la candidate écologiste. Sur RTL, elle a dénoncé une «candidature suscitée par les chasseurs» qui n’a qu’«une seule vocation: tromper les électeurs et ça n’est pas respectueux de la démocratie.»
« La pratique des homonymes est une méthode plus douce que les falsifications ou l’élimination des candidats indésirables », Tatiana Stanovaya, politiste.
— Sandrine Rousseau (@sandrousseau) May 21, 2022
En Russie, ds « candidats » prennent le nom d’un adversaire pour lui enlever des suffrages @lemondefr https://t.co/AQp66bPmia
Sandrine Rousseau, la «fausse», joue au contraire la carte de la bonhomie républicaine, distribuant son respect comme on tend son majeur:
. @sandrousseau , je tenais à vous souhaiter une très bonne campagne électorale.
— Sandrine Rousseau (@SRousseau7509) May 21, 2022
J'espère que vous apprécierez d'avoir une femme en face de vous et non pas un homme. Même si cela a l'air de vous fatiguer.
Bonne chance à vous, dans le respect et le partage. pic.twitter.com/LDcdrAJ7TT
Que la meilleure Sandrine Rousseau gagne!