«Ce n'est pas comme ça que les blancs se battent.» Voici la petite phrase qui aurait semé la zizanie dans les plus hautes sphères de Fox News. Un petit jour avant le procès en diffamation de la chaîne phare de l'empire Murdoch, un message remontait soudain à la surface. Quelques lignes écrites le 7 janvier 2021 par Tucker Carlson, dans la foulée de l'assaut du Capitole, et envoyées en interne, «à l'un de ses producteurs».
C'est le New York Times qui, mercredi, a dévoilé le contenu de cette bombe textuelle, dans laquelle on découvre les opinions personnelles et quelque peu problématiques de l'ex-mascotte préférée des extrémistes de la droite américaine.
On savait qu'en écartant sa star, Fox News tentait de récurer sa réputation et montrer qu'elle ne cautionnait plus les incessants dérapages, mensonges, frondes racistes et approximations partisanes que Tucker déroulait à l'antenne quotidiennement. Mais la chaîne n'a jamais commenté ce divorce, au-delà d'un communiqué laconique qui parlait d'une «décision commune».
Depuis quelques jours, une grappe de journalistes américains se concentrait sur une série de messages, rédigés par le roi de la désinformation, qui auraient fait paniquer les dirigeants de Fox News. La crainte? Que ces mots soient précisément révélés durant le procès face à Dominion Voting Systems, mi-avril. Lundi, ce consortium de médias «exhortait le juge» de rendre publics certains documents.
Certains d'entre eux faisaient par exemple définitivement la lumière sur le vernis misogyne des attitudes et propos du présentateur dans les dédales de la chaîne. Et notamment envers une «cadre de la société». Comme le rappelle le NYT, si plusieurs SMS ont été dévoilés durant le procès, d'autres documents judiciaires, «comme cet échange entre Tucker Carlson et l'un de ses producteurs, dans les heures qui ont suivi le 6 janvier 2021, restent encore aujourd'hui expurgés».
Mais c'est bien le petit pavé du 7 janvier, envoyé à 16h18, qui a tout précipité. Dans cette série de confessions qui mettent en lumière son suprémacisme blanc, Tucker Carlson évoque une séquence vidéo, tournée à Washington quelques semaines plus tôt. A l'écran, un petit groupe de Trumpistes qui s'acharne manifestement sur un jeune militant aux couleurs de l'Antifa. Tucker commence alors une étrange introspection philosophique.
Puis, l'ex-star de Fox News semble vouloir combattre ses propres pulsions, en évoquant «une alarme qui s'est déclenchée» dans son «cerveau»: «Ce n'est pas bon pour moi. Je suis en train de devenir quelque chose que je ne veux pas être.»
Le SMS se termine dans une ambiance de séance de psychothérapie: «Je devrais me rappeler que, quelque part, quelqu'un aime probablement ce gamin, et serait anéanti s'il se faisait tuer. Si je ne me soucie pas de ces choses-là, si je réduis les gens à leur politique, en quoi suis-je meilleur que lui?» Un détail, et qui a son importance à la vue de ces lignes, Tucker Carlson ne précise pas la race de la victime.
Le quotidien new-yorkais rappelle enfin que rien ne prouve, la veille du procès pour diffamation, que la partie adverse envisageait d'utiliser cette pièce à conviction. Même si l'émission Tucker Carlson Tonight «n'était qu'un petit facteur dans le procès du Dominion», ces échanges privés étaient «minutieusement décortiqués».
Trois jours après l'annonce de son éviction de l'antenne, Tucker Carlson publiait une vidéo sur ses différents réseaux sociaux, dans laquelle il considère comme une victime d'un Etat profond qui ne veut pas que le peuple entende ce qu'il nomme «les vérités».
Dans la foulée, l'ex-homme tronc de Fox News aurait reçu plusieurs offres d'emploi. La première, en provenance de Moscou, de la chaîne controversée RT, autrefois Russia Today. Tucker Carlson n'ayant jamais caché, durant les sept années qu'aura duré son show, sa sympathie pour le régime de Poutine.