Il y a 40 ans, le gouvernement américain annonçait que le VIH est à l'origine du sida. Malgré d'importants progrès, la maladie reste aujourd'hui encore un problème. En Suisse, le virus est diagnostiqué chez plus d'une centaine de personnes chaque année.
Dominique Braun, médecin et chercheur de l'Hôpital universitaire de Zurich, participe à l'Etude suisse de cohorte VIH, en cours depuis plus de 35 ans. Il a indiqué à Keystone-ATS:
Il y a exactement quarante ans, les scientifiques du monde entier ont lancé une course aux armements contre le virus de l'immunodéficience humaine ou VIH. Le 23 avril 1984, la ministre américaine de la santé Margaret Heckler annonçait lors d'une conférence de presse: «La cause probable du sida a été trouvée!»
Selon son pronostic, audacieux, un vaccin empêchant la contamination serait probablement disponible dans les deux ans. Un grand moment, car une contamination par le VIH équivalait alors à une condamnation à mort. Cinq à six ans après l'infection, le système immunitaire des personnes atteintes du sida, nom donné au stade final de l'infection, était tellement affaibli qu'elles mouraient.
En 1994, le sida était la première cause de mortalité chez les 25 à 44 ans aux États-Unis. A l'heure actuelle, il n'existe toujours pas de vaccin et le nombre d'infections a continué d'augmenter dans le monde entier.
La première grande percée dans la lutte contre le VIH n'a eu lieu qu'en 1996, avec la trithérapie. Il s'agit d'une combinaison de trois médicaments qui attaquent le VIH à différents endroits. Les décès ont ainsi pu être réduits de manière drastique. L'Etude suisse de cohorte VIH a joué un rôle décisif dans la démonstration de l'efficacité de cette thérapie.
Ce n'est que progressivement que les effets secondaires ont été réduits.
Un autre grand pas a été franchi en 2008: le Bulletin des médecins suisses publie le «Swiss Statement», dans lequel il est mentionné que les personnes recevant un traitement efficace ne sont plus contagieuses.
La Suisse a ainsi été le premier pays à stipuler que les personnes séropositives sous traitement peuvent renoncer au préservatif lors de rapports sexuels.
Aujourd'hui, le VIH se traite bien. Non seulement les personnes sous traitement ne sont plus contagieuses, mais leur espérance de vie est comparable à celle de la population générale. La grande majorité des patients prend une pilule combinée contenant deux ou trois substances actives par jour.
Ainsi, même sans vaccination, le nombre de contaminations a pu être drastiquement réduit. Alors que dans les années 1990, 1300 cas par an en moyenne étaient déclarés à l'Office fédéral de la santé publique (OFSP), ils n'étaient plus que 371 en 2022. Les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes sont proportionnellement les plus touchés.
Les spécialistes espèrent une nouvelle réduction grâce à la prophylaxie pré-exposition (PrEP) qui protège contre l'infection. Elle sera remboursée par l'assurance maladie en Suisse à partir de juillet 2024. Elle est destinée aux hommes et aux femmes qui ne sont pas porteurs du VIH et qui ont des relations sexuelles avec de multiples partenaires ou avec des personnes dont le statut sérologique n’est pas connu.
Selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS), environ 39 millions de personnes vivent avec le VIH dans le monde. L'objectif de l'OMS est de mettre fin à l'épidémie de VIH d'ici 2030.
«On dispose des instruments qui pourraient théoriquement réduire encore plus les nouvelles infections», relève Dominique Braun. Mais dans la pratique, les choses sont plus compliquées, ajoute le chercheur, jugeant cet objectif «très ambitieux». La situation politique ou les ressources financières dans certains pays rendent en effet difficiles les mesures de lutte ou de prévention.
Des recherches sont également menées afin de guérir le sida. Les cinq cas de guérison répertoriés dans le monde prouvent que c'est possible. On sait comment cela pourrait fonctionner, mais les risques sont encore beaucoup trop grands par rapport aux bonnes possibilités de traitement qui existent actuellement, conclut le médecin.
Quatre décennies après la découverte du VIH, les préjugés et les idées fausses sur la maladie sont encore très répandus. En Suisse aussi, comme le montrent de nouveaux chiffres sur la stigmatisation des personnes atteintes.
Neuf personnes séropositives sur dix ont indiqué dans une étude-pilote qu'elles faisaient très attention aux personnes à qui elles en parlaient. Les résultats indiquent que la stigmatisation liée au VIH est largement répandue dans tous les groupes démographiques, selon cette recherche menée par Eleftheria Kampouri au CHUV de Lausanne.
«Les personnes atteintes du VIH sont aussi victimes de stigmatisation dans le domaine de la santé», a précisé Dominique Braun à Keystone-ATS. Il arrive par exemple dans des cabinets médicaux qu'une mise en garde soit faite lorsque de tels patients viennent se faire soigner, indique le médecin de l'Hôpital universitaire de Zurich. (lal/ats)